Ses jambes courent à tout rompre. Hurle le nom de Juniper à s'en déchirer les cordes vocales, Armand le torse en avant, les épaules et les bras en mouvement pour accompagner une course effrénée ; et bientôt la voix de Juniper cogne contre ses oreilles ;
Armand s'arrête net, tend les bras par réflexe vers le ciel.
Juniper y tombe comme un ange - son ange, son ange à lui, qu'il serre de ses deux bras immenses, attrape sa tête entre ses mains brûlées - la douleur il y pensera plus tard.

Il veut pleurer de joie de la sentir au creux de lui et Armand rit de bon coeur, le regard se fiche des Dieux qui font tout exploser autour ; le coeur massacre la cage thoracique.

Je suis tellement désolé, tellement tellement désolé, Juniper, je suis un con

Il la serre plus fort d'abord puis attrape son visage pour l'écarter de lui, il sourit.
Il pleure, aussi.

Juniper, est-ce que tu veux toujours m'épouser ?

Absurde se serait-il dit ;
Mais Armand ne pensait plus, n'avait plus envie de penser, ne pensait à rien ;
Pose un genou à terre.
Peu importe que la terre tremble.

Juniper Grant veux-tu m'épouser je n'ai pas de bague excuse-moi ?

Des lumières les enveloppent ;
Armand a le coeur heureux ;
Peu importe l'humanité, peu importe la ville qui chute.

C'est au creux de lui qu'il accueille Juniper et s'ils doivent tomber ;
Qu'ils tombent alors.

"Je vous lègue l'humanité."

Et Armand a à peine le temps de penser à Ludo que son coeur sursaute.

Où est-

Perd conscience.

***

Au réveil le corps est lourd et engourdi.
Armand revient auprès de Juniper, frénétiquement, la secoue par les épaules. Et la voir froncer des sourcils comme si la lumière l'aveuglait au réveil le fait souffler de soulagement.
Il se lève en premier, le dos d'abord courbé, accompagne Juniper pour qu'elle se lève avec lui, et une petite voix derrière fait monter le long de sa colonne vertébrale un long frisson.

La voix de Ludo.
Qui se précipite en avant, presque timide, rejoindre les bras de Maman ;
Armand est ému sans comprendre pourquoi.
Il se tient un pas à l'écart, les regarde avec émoi.

Lorsque Ludo se tourne vers le géant, c'est le géant qui est intimidé.
Lorsqu'il lui tend sa petite main, lui lui tend sa main de géant.
Reste stoïque un instant, figé, avec sa main dans la sienne. La toute petite main de Ludo sur ses chairs brûlées.
Armand s'ose un rictus.

Allons retrouver nos amis.

Le dos relevé ;
Fier ; se met en route pour retrouver
Cronos, Nova, Adèle, Aralia, Amadis, Alma, Delilah, ...
Isaac.
Plus jamais sans Juniper.

Le pas se presse dans les couloirs, rejoignait Alvaro au rez-de-chaussée, dans le hall, les mains en avant cueillant son visage ; écartait les mèches de ses cheveux, ne s'enquit même pas de la réussite de la mission - tout ça lui était égal. Ishtar a la gorge serrée lorsqu'elle veut lui dire ;

Je suis libre

Un sourire aux lèvres, comme s'il était le premier depuis une longue chute aux enfers, le premier libéré de tous les tourments qui la hantaient depuis des mois.

Je suis enfin libre.

Et le visage en avant ; un sourire hoquetant à son faciès ; Ishtar s'empara de ses lèvres avec amour - dans un baiser qui ne dura qu'un temps. Quitta son contact.

Ne dis rien sur ta mission je ne veux rien savoir. Mais écoute-moi jusqu'au bout.

Murmuré près de lui.
Tout ça était si vain ; ses ambitions volaient en lambeaux. Tant pis pour tout ça ; Ishtar réalisait ce qui était important ; tout ce qui l'était et l'a toujours été, en vérité.

Je suis heureuse de t'avoir connu. Heureuse de t'avoir eu près de moi. Heureuse de t'avoir aimé et de t'aimer aujourd'hui. Tu m'as sauvée plus que tu ne l'imagines, aujourd'hui si je dois mourir cela me va de mourir avec toi.

Elle tourna la tête vivement vers Orion ensuite ; constatait avec une forme de réjouissance qu'il n'avait rien.
S'ils devaient mourir, ils mourraient ensemble ; ne voulait voir personne s'éteindre avant elle - comme une promesse murmurée au creux d'elle-même. Et alors ses pensées s'égarent vers Alessio.

Allani est partie récupérer Alessio. Je crains qu'il ne lui soit arrivé malheur.

Un regard échangé avec son mari. Il savait comme c'était important pour elle ; comme en dépit de tout ce dont elle avait l'air, ses préférés comptaient sincèrement pour elle.
Ishtar tourna les talons.

En route.

N'attend plus avant de se mettre en marche pour le Temple de Omni. Il y avait encore trop de monde à rassembler. Et où était Lazare ? Où étaient les Buchanan ? Où était Graham ?
Ishtar s'en veut de penser à lui ; d'oser espérer qu'il est en vie.
Mais au diable quelconque forme de honte ; elle était libre.

Arrivée au Temple, Ishtar s'impatiente de ne recevoir aucune nouvelle sur son Olid, s'agace de ne pas savoir par où commencer, elle ne veut pas courir les rues avec le danger qui rôde, le combat fait toujours rage dehors - et elle ne ferait braver ces dangers à personne autant qu'elle ne les laisserait pas sans elle une seconde.
Puis Allani arrive, Alessio avec elle, Galathea et Nova les suivent. Ishtar s'empresse ; constate avec effroi l'état dans lequel ils ont laissé son protégé.

Alessio !

Elle fait glisser sa main dans ses cheveux, ses doigts courent près de son visage mais ne le touchent pas ; elle aurait peur de le blesser davantage, d'effriter sa peau brûlée. La poitrine se serre ; elle serre les mâchoires.

Je suis désolée de ne pas avoir été là, désolée pour tout, Alessio... Je n'aurais pas du t'envoyer là-bas. Mais je suis fière de toi.

Lève les yeux vers Galathea.

De vous.

Et en tournant la tête, Ishtar voit Lionel qui arrive au Temple et son coeur manque un battement. Par réflexe, son regard tombe à son poignet. Il porte le bracelet de Galmor.
La voix de L'Eternel clame au sein du Temple : "Abandonnez le temple, tous."
Et Ishtar accorde un regard à Alvaro, d'un seul hochement de tête ils savent ; Allani, Alvaro, Galathea, Alessio, Orion ; Nova ; tous sortent.
Ishtar reste là ; tend une main vers Lionel.
"Je ne sors pas sans toi."

Et lorsqu'ils sont sortis de là, les révélations lui donnent le tournis, à Ishtar, qui lève les yeux au ciel pour constater le combat des géants au-dessus de leurs crânes.

Le vertige devient trop grand ;
Puis Ishtar tourne la tête.
Regarde sa famille.
Et prie de toutes ses forces.

Je vous aime.
Comme dernière pensée avant de s'évanouir sous le choc.

***

Ce sont les mains de Alvaro qui la réveillent - ou sa voix - elle croit être morte, comme la première fois ; sa peau est toujours froide, ses yeux sont vides ; mais soudainement ses poumons respirent et elle croit mourir tant la première respiration lui fait mal.

Elle s'accroche à lui, se relève le haut du corps à peine, les jambes sont faibles contre le sol.

Tu es en vie...

Elle regarde tout autour, et un hoquet sursaute à sa gorge lorsqu'elle constate qu'ils sont tous en vie. En mauvais état, peut-être ; mais vivants. Ishtar avance, à même le sol car les muscles sont encore trop faibles pour marcher ; va jusqu'à Alessio qui ne se réveille pas.

Alessio ?!

Il respire.
Ishtar crie.

Trouvez un médecin, n'importe qui ! ET VITE.

Se penche vers lui.

Tu ne vas pas mourir, tout va bien. On est en vie. Ouvre les yeux.

Elle relève la tête.
Regarde Alvaro - son Alvaro ; Allani - sa Allani.
Regarde Orion, Galathea, Nova... Lionel.
Et elle réalise, Ishtar.

On est en vie...

Reporte son regard sur Alessio.
Lui adresse un sourire alors qu'elle glisse doucement sa main dans la sienne.

Je suis libre.
On est en vie.
On est en vie.

Mai :: Reid Watson







Tu avais sauvé tous ceux que tu pouvais. De cet hôpital en proie aux flammes. Resté jusqu’au bout, t’assurant qu’ils s’échappent tous de cet enfer. Que personne n’ait à mourir aujourd’hui. Tu avais fait de ton mieux. Toute ta vie, tu avais tout donné, tout offert, tout fait pour les autres. Un outil, un objet, fait pour servir.

Tu voudrais hurler, crier, t’enfuir. Tu voudrais juste courir sans te retourner. En voyant les ruines de ce monde que tu devais protéger. Que tu avais jurer de protéger. Pour lui. Pour toi. Pour eux. Pour nous. C’est injuste. C’est injuste. Terriblement injuste. Toi qui n’avais jamais cessé de lutter. Maintenant, tu voulais juste abandonner. Tu voulais juste baisser les bras.

En voyant les débris autour de toi, les corps qui jonchent les rues. Tu n’en pouvais plus. Il n’y avait pas de larmes. Juste une profonde lassitude. Comme si tout ça n’a servi à rien. Comme si tout ça n’avait jamais servi à rien ? A quoi bon. A quoi bon prier Omni. A quoi bon servir. A quoi bon croire en leur parole. Pour assister à cette fin navrante.

Pardon Laurie. D’avoir était impuissante jusqu’au bout. D’avoir être incapable de te servir jusqu’à la fin. Convaincu de ne jamais avoir été à sa hauteur. D’avoir été incapable d’être digne de lui. Jusqu’au bout. Tu n’avais pas la force de tes frères, tu n’avais pas leur courage. Tu n’avais pas leur volonté. Eux, n’auraient jamais abandonné. Eux, auraient encore plus donné. Bien plus que toi. Tu ne savais même pas s’il était encore en vie. Quelle pitoyable garde du corps tu faisais. C’était affligeant. Une bonne à rien. Incapable de dire si celui sur lequel tu devais veiller était encore vivant au milieu de ce chaos. Pour ça. Tu étais désolé. Pour tout. Tu étais désolé. T’espérais qu’il allait te pardonner. Avant la fin. Avant que tout s’achève. Avant que tout disparaisse. Pardon Laurie. J’aurai aimé être meilleure.

Pardon Octavio. Pour avoir été incapable de veiller sur celui auquel tu tiens. Toi qui avais toujours consacré toute ta vie pour lui. Toi qui avais tout sacrifié pour lui. Pardon de ne pas avoir pu faire de même. Tu priais pour que sa famille s’en sorte. Tu n’avais pas encore assez remercié sa mère pour les plats qu’elle préparait. Tu priais pour qu’ils s’en sortent tous les deux. Ils méritaient d’être enfin heureux. Ensemble. Loin de toutes ces guerres, loin de tous ces conflits. Loin de ces histoires de conseil et de religions.

Ton regard vide se perd dans l’horizon. Vers ces immeubles qui s’écroulent les uns après les autres. Tu es incapable de bouger. Immobile. Tu penses à toutes ces choses. Tu n’avais qu’un regret. Ne pas pouvoir voir à quel points leur vie sera belle ensemble.

Un cri. D’enfant. Deux enfants. Attire ton regard. Au milieu des décombres. Un petit garçon et une petite fille. Dans les bras l’un de l’autre. Effrayé. Seuls. Non. Pas seul. Il était avec elle. Elle était avec lui. Sur le point de se faire recouvrir par les rochers qui tombent.

D’une bourrasque. Tu essayes de dégager les pierres qui manquent de les emporter. Pourquoi ? Pourquoi Liz. Tu ne savais pas. Ton corps avait bougé tout seul. Tu étais incapable de l’expliquer. Tu t’étais déplacé. C’est tout. Peut-être qu’ils te ressemblaient au fond. Tu te voyais. Avec Morgan à tes côtés. Ta force, ta volonté. Tout ça, c’était lui. Sans lui, tu n’avais plus d’envie. Sans lui, tu ne pouvais pas avancer. Sans lui, tu n’étais plus rien. Rien qu’un masque de plus. Effrayé comme eux. De peur de disparaitre. De peur d’oublier celle que tu étais. Il suffisait qu’il te prenne dans les bras pour que tout s’envole. Tous tes doutes disparaissent. Il suffisait d’un rien. Pour que tout devienne plus simple.

Tu leur fais signe de partir. Tu retiens les projectiles qui tombent de partout. Le temps qu’ils s’échappent. Tu sens un coup derrière ta tête. Une pierre dans ton angle mort. Tu trébuches, tu tombes. Emporté par la chute de pierre. Tout s’efface. Tout devient flou. C’était donc ça. La fin de ta route.

Pourtant, tu ouvres encore les yeux. Enfoui sous une multitude de bouts de roches. Tu étais encore consciente. Tu te redresses, péniblement. Avant de retomber contre un ancien mur. Ou ce qu’il en restait. Te relever était douloureux. Probablement une jambe de cassé. Tu lèves une fois de plus les yeux vers le ciel. Vers les deux masses qui luttent au-dessus de toi. Incapable de faire attention au sang qui coule de toi.

Tu repenses à Lison. A tout ce que tu avais à lui dire. A tout ce que tu devais encore lui dire. A toutes les excuses que tu avais en tête. T’aurais voulu la revoir. Juste une dernière fois. Même si c’est égoïste. T’aurais voulu la revoir. Rien qu’une fois de plus. Revoir son sourire. Sentir sa main dans tes cheveux. Sentir la chaleur de son corps contre la tienne. Tu voulais juste l’entendre dire que tout irait bien. « Tout irait bien Liz ». Avec un léger sourire. Et c’était suffisant pour la croire. Pour oublier tout le reste. Tu sors ton olid. Tu fais défiler tes contacts. Avant de t’arrêter sur le sien. Ton doigt tremble sur sa photo. Tu sens ton cœur se serrer. Tu ne pouvais pas. Tu ne voulais pas. Lui infliger cela. Mais… Au moins quelques mots. Lui offrir tes derniers mots.

Hey… Salut Lison… Ah… C’est ridicule. Je refuse de te voir pour ne pas te blesser… Mais je peux pas m’empêcher de t’adresser ces der…. Mots… Parce qu’au fond. Je suis incapable de pas penser à toi. J’ai pensé à toi depuis tout ce temps. Depuis le premier jour. J’ai pensé à toi tous les jours de ma vie. Même maintenant. Je pense encore à toi. Il n’y a pas eu un seul instant. Où je n’ai pas pensé à toi. Je me souviens de tout. De tes encouragements quand je chantais encore. De tes doigts qui passaient doucement dans mes cheveux. De tes caresses contre ma joue. De tes doigts capables de sécher mes larmes. Il suffisait que tu me touches. Pour qu’elles s’envolent toutes. Je suis désolé. Désolé pour tout. Désolé pour tout ce que j’ai dit. Pour tout ce que j’ai fait. Je suis désolé de ne pas avoir été là. De t’avoir abandonné. Je suis désolé de ne pas t’avoir assez aimé. Alors que la seule chose que je voulais te dire… C’était merci. Te remercier. Te remercier pour tout Lison. Merci encore. Merci de m’avoir aimé. Je t’ai aimé. Plus encore aujourd’hui et moins que demain. Je…

Tu laisses retomber l’olid à côté de toi. Qui se brise à peine le message envoyé. A peine le message coupé. Tu te sens partir. C’était terminé. Tu retournerais bientôt à ses côtés. Aux côtés de ton frère. De ta famille. A leurs côtés. Aux côtés de ceux que tu n’aurais jamais dû quitter.

Mais t’étais seule. Terriblement seule. Trop seule. Tu te sentais seule contre ce mur. Contre ce mur froid. Tu n’avais pas peur de la mort. Simplement de la solitude. Simplement de partir seule. Tu ne voulais pas partir toute seule. Tu voulais qu’il soit là. Avec toi. Qu’il te tienne la main. Qu’il te guide comme il l’avait toujours fait. Morgan. Tu lèves la main devant toi. Comme pour prendre cette main que toi seule voyait. Alors qu’une ombre se dessinait petit à petit à l’horizon. Au milieu de ce silence. Au milieu de ce rien. Tu le voyais.

Qu’il soit réel ou non. Qu’importe. Tu te redresses. Tu boites jusqu’à elle. Jusqu’à lui. Sans rien voir d’autre. Sans voir que ton sang coule de plus en plus fort. De plus en plus vite. Tu ne voyais que lui. Tu ne pouvais voir que lui.

Dernièrement. Tu n’avais pas arrêté d’y penser. A cette promesse que tu lui avais faite. A cette maison loin de tout ça. A cette envie que tu avais de partir. Avec lui. Tu voulais tellement lui dire oui à présent. Tu n’arrêtais pas d’y penser. Tu voulais qu’il soit plus heureux. Tu voulais le voir heureux. Tu voulais être heureuse avec lui. Tu voulais partir sans te retourner. Partir sans avoir à te retourner. Pour son mieux. Pour ton mieux. Pour votre meilleur. En abandonnant le pire derrière vous.

Alors que l’aube se lève. Regarde ce qu’on est devenu. Dans ces rues sombres, dans ces débris moroses, dans ces regrets emportés par le vent. Tu ne pouvais pas reprendre tous les mensonges, toutes les fausses promesses que tu lui avais faites. Tu ne pouvais pas changer ce qu’il s’était passé. Mais tu voulais qu’il sache que cette promesse. La dernière. C’était ce que tu voulais le plus au monde. Que tu chérissais le plus au monde. Mais vous saviez tous les deux comment votre histoire aller s’achever.

Alors juste pour une minute. Juste pour une seconde. Tu voulais y croire. Croire que cette promesse était sur le point de se réaliser. Parce que c’est injuste Morgan. C’est tellement injuste. Toi aussi, lui aussi, vous aussi, vous aviez le droit au bonheur en fin de compte. Alors juste une dernière fois. Tu veux le voir sourire. Tu veux le voir rire. Tu veux qu’il sache que même si tu dois partir.

Dernièrement.

Tu n’avais eu de cesse d’y penser.

Qu’il soit heureux. Qu’il vive heureux.

Tu étais seule avec tes pensées, et les images de ton frère. De ton jumeau. Plein la tête. Incapable de penser à autre chose. Parce qu’il était toujours là. Une partie de toi. Il faisait entièrement partie de toi. Et franchement ça te bouffe, de prétendre que tout va bien. Que tu vas bien. Chaque mensonge que tu lui offres, est une blessure de plus dans ta vie. Alors si maintenant on pouvait juste sauter à la mer. Loin de tout ça. Loin de cette épave qui coule.

Alors juste pour une minute. Juste pour une seconde. Tu voulais y croire. Que vous allez enfin vivre heureux. Que tout allait bien se passer. Que tout irait bien. Parce que c’est bien trop injuste Morgan. C’est tellement injuste. Pourquoi les autres. Et pas vous. Alors juste une dernière fois. Tu veux sourire. Tu veux lui sourire. Tu veux qu’il sache que tu as toujours souris avec lui.

Tu te laisses tomber dans ces bras. Tu l’enlaces fort dans tes bras. Tu t’imprègnes de tout ce qui t’avais toujours accompagné. De son odeur, de sa carrure, de ses bras qui suffisent à te réchauffer. De tout ce que tu avais appris à connaitre et reconnaitre. Il avait toujours été là avec toi. Même sans t’en rendre compte. Tu avais toujours été heureuse. Tu avais toujours souris. Tu avais toujours vécu dans le bonheur. Grâce à lui. Parce qu’il existait. Tout simplement. Dans ta vie. Tu n’avais besoin de rien d’autre. Pour sourire à la vie. Face à cette vie que tu n’avais jamais désirée. Face à cette vie qui t’avais oublié. Où tu t’étais perdu.

Même en étant perdu. Il t’avait retrouvé. A chaque fois. Il était venu te retrouver. Malgré tes inquiétudes, malgré tes peurs et tes craintes. Il t’avait toujours sauvé. De cette solitude qui te hante. De cet abandon qui te blesse, de cette isolation qui te rend folle. Il avait toujours été là. Quelque part près de toi. La seule famille que tu avais. La seule famille qu’il te restait. La seule famille dont tu avais besoin.

Maintenant tu regrettes cette époque. Ces temps passés ensembles. Où tout était bien plus simple. Où vous étiez toujours ensemble. Où vous pouviez regarder les étoiles et oublier le monde qui vous entoure. Où votre vie n’était faite que de rêve et d’espérance. Où tout était bien plus simple. Où il n’y avait que lui. Où il n’y avait que toi. Où il n’y avait que vous.

Tu le serres contre toi. De toutes tes forces. De peur que cette image, cette illusion disparaisse. Tu voulais le prendre dans tes bras maintenant. Plus que jamais. Tu ne voulais pas le voir disparaître. Tu avais besoin de lui. Tu as toujours eu besoin de lui.

J’ai toujours voulu te dire Morgan… Il n’y avait aucune larme le long de tes joues. Il n’y avait aucune peine. Aucune tristesse dans tes mots. Tout s’était envolé à partir du moment où tu l’as sentie contre toi. A quel point je t’aime… A quel point je tiens à toi. A quel point tu es tout pour moi.

Tu lui offrais ton plus beau sourire. Doux, simple, large. Le plus sincère que tu n’aies jamais affiché au cours de ta vie. Le plus vrai des sourires. Tu voulais qu’il voie à quel point tu étais heureuse d’être sa jumelle. A quel point tu étais heureuse d’être née à ses côtés. A quel point tu étais heureuse d’avoir été là, à ses côtés.

Dis… Je peux être capricieuse ? Au moins une fois ? Tu laisses échapper un léger rire, presque inaudible, presque l’effet d’une brise qui passe dans ses cheveux. Ne me lâche pas. Ne me lâche plus jamais. S’il-te-plaît.

Tu ne voulais pas oublier cet instant. Tu voulais qu’il se grave à jamais en toi. Qu’il fasse lui aussi partie de toi. Autant que Morgan faisait partie de toi. Tu voulais ne plus pouvoir penser qu’à ça. Tu te sentais bien à présent. Tu sentais tes paupières s’alourdir. Tu voulais juste dormir dans ses bras. Tu voulais juste dormir là. Comme ça. Tu voulais juste fermer les yeux. Fermer les yeux et rêver de lui. De vous.

Viens. Partons. Pour cette maison dans la campagne. Moi j’y suis déjà… Je nous vois là-bas… C’est beau Morgan. C’est tellement beau. Je me sens tellement bien. Juste ce qu’il faut de soleil. J’adore le parfum des fleurs. C’est tellement doux cette brise sur mon visage. Je suis tellement heureuse. D’avoir pu vivre ce rêve à tes côtés. Dis… Ta voix se fait de plus en plus faible. Tel un murmure qui disparait petit à petit. Tu me réveilleras demain matin ? Pour qu’on aille pécher sur le lac ? J’ai toujours voulu essayer. Tu le serres fort contre toi. Tu souris de plus belle Liz. Tu penses qu’on pourra être plus heureux que maintenant ? J’espère…

Tu partais la première. Vers cette maison loin de tout ça. Tu l’attendais déjà sur le porche. Un chapeau que tu trouvais ridicule sur la tête. Mais tu le mettais encore, parce qu’il aimait ça. Parce qu’il trouvait qu’il t’allait bien. Et tu l’attendais là. Tout sourire, de voir qu’il était de retour à la maison. Tu n’avais besoin de rien d’autre pour être heureuse. C’était le rêve que tu as toujours eu. Le rêve que vous avez toujours vu. Le rêve que vous alliez pouvoir vivre à présent.

Et la ville s’effondre.

Et chute.

Et tes bras tombent.

Et tu ne le serrais plus contre toi.