Mai :: Temple du Feu



Tu avais quitté les lieux. Il n’y avait plus rien pour toi là-bas. Tu n’avais que faire du dragon. Que faire de l’inquisitrice. Ton regard était tourné vers le ciel. En silence. Tu les regardais se battre. En silence, tu priais pour Eclipse. Tu n’avais pas peur de la mort. Tu n’as jamais eu peur de la mort. Ton quotidien depuis tout ce temps. Depuis ton travail de légiste, à ta nomination en héraut. A ton rôle d’envoyé d’Eclipse. Avant de devenir apôtre. Tu l’avais toujours côtoyé. La mort. Comme une compagne qui avait marché à tes côtés, bien plus longtemps que les autres. Capable de te connaître et de te comprendre. A elle seule. Il n’y avait qu’elle, qui avait voyagé autant de temps avec toi. Qui avait partagé autant d’instant dans ta vie. Il n’y avait qu’elle ?

Non. C’est faux. Tu le savais à présent. Tu n’avais pas voulu le voir. Ou plutôt, tu n’y avais jamais pensé. Jamais pris le temps d’y penser. Mais plus que des réponses. Némésis t’avait apporté des proches. Des gens sur qui tu pouvais compter. Tu les connaissais tous. Et même si tu ne les supportais pas tous. Tu ne pouvais nier leur implication dans ta vie.

Isaac était un vrai fidèle d’Eclipse. Le seul vraiment digne de recevoir la force de votre dieu. T’en avais conscience. Tu ne pouvais pas porter un tel fardeau. Et même si t’avais les boules de l’admettre. Il avait rendu honneur. Bien plus que toi. Il avait accompli ce que tous ont essayé avant lui. Sans jamais réussir.

Armand était un con. Pas bien plus beau. Mais c’était la personne la plus loyale que tu as rencontré au cours de ta vie. Il n’avait jamais abandonné cette famille qu’il avait. Némésis. Il était toujours resté fidèle aux siens. Toujours. Trop borné pour savoir quand abandonner. Trop borné pour baisser les bras. Même face aux pires dangers. Contrairement à toi, il n’avait jamais reculé. Pas même devant son fils. Pas même devant Ludo. Pour ça. C’était sûrement un meilleur homme que toi.

En parlant de loyauté. Comment ne pas penser à Aralia ? Elle qui avait toujours tout donné pour toi. Elle qui t’avait toujours accompagné, même sur les chemins les plus fous. D’aussi loin que tu t’en souviennes, elle s’était toujours tenue à tes côtés. Maintenant qu’elle était enfin apôtre. Tout comme toi. Elle pouvait enfin vivre sa vie librement. Cette flamme, cette piété que vous partagiez. Elle n’avait pas à rougir face à toi.

Tu repenses à Juniper. Elle était la plus forte d'entre vous. Ils l'ont tous piétiné. Depuis sa venue au monde. Depuis son premier souffle. Mais elle était restée forte. Droite. Sans jamais courber l'échine. Elle n'avait eu de cesse d'avancer. De rendre grâce à Isaac. A Eclipse. Dans le fond, tu l'admirais cette meuf putain. Rien ni personne ne pouvait l'atteindre. Rien ni personne ne pouvait la briser. Si quelqu'un devrait survivre à tout. C'est bien elle.

Comment ne pas penser à Cronos ? Lui aussi un fidèle parmi les fidèles. Tu savais à quel point il s’était dévoué tout entier à la cause. A quel point ses sacrifices ont été récompensé. A quel point il méritait tout ça. Et peut-être bien plus encore. Si tu étais un dieu, tu l’aurais sûrement récompensé davantage. Toi. Mais tu n’étais qu’un homme. Qu’un homme voyant une si belle dévotion. Alors que faire d’autre si ce n’est la reconnaitre ?

Et puis tes pensées se sont tournées vers elle. Delilah. Une femme comme tu n’en avais jamais rencontré. Elle avait beau rechercher la folie, le chaos et la liberté. Toutes ces choses l’effrayaient pourtant. Profondément. C’était elle la plus humaine du lot. La plus forte au fond. Elle, elle n’essayait pas de fuir toutes ces choses. Elle allait au-devant de nos horreurs. De notre folie. De nos démences. C’est peut-être pour ça, qu’elle te fascinait autant. Tu n’avais jamais rencontré quelqu’un pareil. Avec autant de fierté et autant d’humanité. Tout ce qu’il te manquait au fond. Tout ce que tu recherchais dans le fond. Tu l’avais trouvé au creux de ses yeux verts. Tu n’avais plus rien à demander. Si ce n’est davantage d’elle.

Tu penses à Mésange. A Aidès. Au père que tu n’as jamais été pour eux. Tu pouvais plus y faire grand-chose. Tu savais bien que quoi qu’il arrive. Quoi que tu dises. Rien ne changera. Il était trop tard pour te comporter comme tel. Avec un peu de chance, ils s’en sortiront. Ils pourront recommencer à zéro. Avoir une vie. Pas normal. Nan. Pas banale. Rien de tout ça. C’était tes enfants après tout. Tu pouvais pas leur souhaiter la banalité. Mais… peut-être un peu de joie ? Non. Non plus. Alors qu’ils puissent en profiter autant que toi. Et ce, jusqu’à la fin.

Et tant d’autres compagnons, frères d’armes, fidèles, tant d’autres Némésis que tu n’avais pas eu la chance de rencontrer. Ou que tu n’avais pas assez côtoyés. Tant d’autres que tu aurais aimé nommer. Face à ce pinacle. Face à ce sacrement final. Face à cette dernière oraison funèbre. Tu les aurais tous cités. Si tu le pouvais.

Tu ricanes seul, contre ce mur. Tu devenais sentimental avec le temps. Connerie de vieillesse. Et dire qu’à une époque tu te serais contenté d’applaudir le combat. Maintenant, même si la fin était proche. Tes pensées étaient partout. Avec eux.

T’attrapes ton paquet de clope dans ta veste. Pour en tirer une. La dernière. Ironique. Mais très en symbiose avec cette situation. Pour un dernier baroud. Pour celui d’honneur. T’avais bien le droit de fumer une fois de plus. Tu sens la chaleur embraser tout ton corps.

Merde… Fais chier… Je pensais pas crever comme ça…. Tu lèves un œil vers ton dieu. Faites au moins en sorte qu’ils s’en sortent. Cette… Famille ? Ouais. On peut dire ça. Sauvez vos gosses seigneur. Ils le méritent. Ils ont bien bossé pour ça. Ils ont même trop bossé. Haha.

Un regard aussi adressé à Omni.

Mais pas avant d’avoir fumé ce fils de pute.

Et t’éclates de rire. Seul. Tu ries aux éclats. Il n’y avait rien de plus drôle qu’une telle fin. Pour un homme tel que toi. T’avais vécu déchet. Resté fidèle à tes principes jusqu’aux bouts.

Et alors ? Je vous emmerde. J’ai vécu comme je l’entendais. Je vais crever sans regrets. En ayant accompli tout ce que je souhaitais. Peut-être que je resterai un parjure aux yeux du monde. Un enfoiré aux yeux de mes proches. Peut-être qu’ils viendront cracher sur ma tombe. Si jamais un fou venait à la dresser.

Et alors ? Moi. Je serai mort sans rien regretter.

Et vous ?


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Lors que tes yeux s’ouvrent à nouveau. Tu te tiens au milieu des pierres. Au milieu du mur sur lequel tu te tenais plus tôt. Toujours en vie. Etrangement en vie. Est-ce là notre dieu qui m’offre une nouvelle occasion de vivre ? Une vie de plus ?

Nouvel éclat de rire. Alors il t’avait vraiment écouté. Il t’avait vraiment offert cette prière. Ce miracle. Ce nouveau miracle. Il luttait toujours contre Omni. Là-haut. Loin de vous à présent. Mais une chose était sûre. Son triomphe était assuré. Sa victoire était évidente. Lui seul était le vrai dieu. Lui seul était digne de régner sur les hommes.

Tu te redresses. Non sans t’étirer au passage. Avant de marcher à nouveau. Dans ce qu’il reste de cette cité. Dans ce qu’il reste de cette ville sainte. Tes pas te conduisent jusqu’à elle. Tes pas te conduisent jusqu’à ce phare de lumière. Jusqu’à cette chevelure blonde que tu vois au loin. A nouveau, c’est un large sourire qui se dessine sur tes lèvres. A nouveau. C’est un large rire qui apparait. Il t’avait réellement écouté.

Je t’avais dit. Tu peux pas te débarrasser de moi princesse.


Tu viens prendre place à côté d’elle. Léger signe de tête en direction de la jeune fille à ses côtés. Que tu n’avais pas eu l’occasion de connaître. Ou alors, elle t’en avait parlé. Mais tu n’avais pas pris la peine de retenir son nom. Le sien prenait déjà bien trop de place dans tes pensées.

Avant d’être rejoins par Cronos également. Tu lui adresses un sourire franc, la tête penché sur le côté. Lui aussi, t’étais heureux de le savoir en vie. Au fond.

Arrête Isaac c’est sûrement ti….

Tu t’arrêtes en sentant le regard noir de Lilah sur toi. Passe une main dans les cheveux. Non sans laisser échapper un soupir.

Ecoute Cro’. S’il n’est pas là. C’est qu’il a ses raisons. Il veut qu’on vive, qu’on s’en sorte. Il veut qu’on puisse vivre ensemble. On aura qu’à le retrouver plus tard.

Dans le fond, tu le savais. Autant qu’Isaac le savait. Il suffisait de rester en vie. Il suffisait de survivre à tout ceci. Pour qu’ils puissent tous vivre heureux. C’était ce qu’Isaac voulait. C’était ce que tu voulais. C’était ce qu’on voulait tous. Pas vrai ? Cronos ?

Allez. Viens. On bouge.

La main tendue vers lui. Tu ne regardais plus Cronos. Plus Delilah. Tu regardais la mer au loin. S’étendre à perte de vue. Tu regardais ce nouvel horizon. Qui se dessine sous tes yeux.

Ce n’était pas la fin de Némésis.

Notre histoire était sur le point de commencer.

Mai :: Temple d'Omni


Il ne fait pas attention aux cris. Aux explosions au loin. Il ne fait pas attention à la panique dans les rues. Aux gens qui courent pour leur vie. Non. Son regard est rivé vers la lune. Vers celle qui se fissure. Il gardait Alix près de lui. Bien conscient qu’ils allaient devoir fuir. Bientôt. Bien conscient que le monde était sur le point de s’écrouler. Il n’avait pas besoin d’informations. Il n’avait personne à contacter. Bien conscient que les seuls qu’il pouvait appeler. Etaient les seuls capables de survivre à une fin du monde. Alvaro. Diana-Maria. Vous êtes assez fort pour survivre. Il n’en doutait pas. Il n’avait jamais douté dans sa vie. Alors pourquoi commencer maintenant ?

Pourtant la lune s’ouvre. Eclipse se libère. Maintenant. Ce n’était plus une guerre. C’était autre chose. Réellement la fin ? Non. Il ne pouvait pas l’accepter. Il suffisait d’un regard à Alix. Pour en être sûr. Il l’avait promis à sa mère. Qu’il veillerait sur elle. Il avait promis à sa fille. Qu’elle aurait une vie normale. Il leur avait promis. Qu’il irait jusqu’à donner sa vie pour elle. Il avait promis.

Alors il l’attrape par la main. La tire dans les ruelles de la vie. Evite les grandes avenues. Ils n’avaient pas de temps à perdre. Glissant entre les passants. Courant jusqu’au temple. Seul endroit de la ville capable de les sauver. Seul endroit de la ville capable de la protéger.

Ses traits sont durs. Face à cette impuissance. Face à la futilité de son existence.  Il s’était entraîné toute sa vie pour être une arme. Toute sa vie, il l’avait consacré à ce seul but. Mais que pouvait-il faire à présent ? Si ce n’est regarder le ciel bras ballant. Il n’y avait plus rien à faire. Si ce n’est la confier à un autre. Si ce n’est compter sur l’Eternel. Pardonne ton vieux père Alix. Pardonne le d’avoir failli à la fin. De ne pas avoir la force de te protéger. D’être incapable de tuer un dieu. Alors qu’il avait tué tant de personnes avant ça.

Sa main se resserre sur la sienne. Quoi qu’il arrive. Quoi qui leur advienne. Il ne la lâchera pas. Jamais. Même si c’était là leur dernier instant. Il lui avait promis. Tu m’entends Alix ? C’était la promesse qu’il t’avait faite. Jamais il ne te laissera seule. Jamais il ne te lâchera la main. Il sera toujours avec toi. Toujours à tes côtés. Ton vieux père. Insupportable. Avec un humour douteux. Pas bien malin. Incapable de comprendre ton besoin d’intimité. Incapable de comprendre tes besoins de liberté.

Il n’était pas parfait. Mais ton père t’aimait. Sincèrement. Profondément. Il t’avait toujours aimé Alix. Toujours. Depuis ta venue au monde. Il n’avait eu de cesse de t’aimer. Depuis tes premiers mots, il n’avait eu de cesse de te protéger. S’il avait tout quitté. Ce n’était pas à cause de la mort de ta mère. Simplement parce qu’il tenait profondément à toi. Simplement parce qu’il voulait être avec toi. Te voir grandir, devenir une femme à part entière.

Et regarde-toi. Regarde-toi aujourd’hui. Tu es belle. Forte. Intelligente. Tu es ce que tous les hommes désirent sans jamais obtenir. Tu es la perfection à ses yeux. Les autres peuvent dirent et penser ce qu’ils veulent. Rien ne changera à ses yeux. Tu es parfaite comme tu es. Tu es parfaite ma fille. Tu n’as pas besoin de changer pour ce monde. C’est ce monde qui devrait changer pour toi. Pour être digne de toi. C’est ce monde le problème.

Il en avait conscience en observant le ciel. Ce monde de conflit et de chaos. Ce monde de guerre et de terreur. Ce monde de peine et de regret. Ce monde où les dieux ne faisaient que lutter. C’était vous le problème. Pas elle.

Alors laissez la vivre heureuse. Laissez-la vivre sa vie. Laissez la sourire encore une fois. Loin de toute cette agonie. Laissez sa fille s’épanouir et rêver. Comme toutes les autres filles.

Mais lui. Jamais il ne la laissera.

Ne t’inquiète pas. Tout va bien se passer. Je te le promets. Je suis là. Je veille sur toi. Je reste avec toi. Personne ne te fera du mal Alix. Personne. Je ne laisserai personne te faire du mal.

Pas même les dieux. Pas même eux. Une nouvelle promesse de faite. Alors qu’ils venaient d’atteindre le temple. Au centre de la ville. Alors que l’éternel s’avance. Alors qu’un éclat illumine le ciel. Alors que tout devient flou.

Il la prend dans ses bras, la serre dans ses bras. Il la garde auprès d’elle. Tout près, de peur de la perdre, de peur qu’on la lui vole. De peur qu’elle ne soit plus là.


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En ouvrant les yeux, ce sont les ruines de la ville qui les accueille. Dans un silence nouveau. Des ombres semblent bien loin à présent dans les cieux. Des ombres qu’il ne regarde pas. Son visage ne quitte pas des yeux sa fille. Qu’il prend entre ses mains.

Alix ? Tu vas bien ? Tu as mal quelque part ? Alix !

Et il la serre davantage dans ses bras en la voyant ouvrir les yeux. Manque de l’étouffer une nouvelle fois en l’entendant parler. Ne peut s’empêcher de laisser échapper un soupir de soulagement. Qu’on lui prenne tout. Mais pas à elle. Il pouvait tout perdre. Tout abandonner, tout oublier. Jusqu’à sa propre vie. Mais pas Alix. Pas sa fille. Pas son seul trésor. Pas son seul bien.

Je suis sûr qu’ils vont bien.

Il ne mentait pas. S’ils avaient pu s’en sortir. Les autres aussi. Peut-être pas tous. Mais les amis de sa fille sont sûrement vivant.

Kira. Une petite génie comme elle. Bien trop maline pour mourir dans des décombres. Elle devait être là quelque part. Sûrement à te chercher Alix. Sûrement à s’inquiéter pour toi. Autant que tu t’inquiète pour elle.

Et même ce petit con d’Amadis. Qu’une partie de toi souhaitait voir mort sincèrement. Néanmoins, tu savais que ce gamin était trop solide pour disparaitre aussi facilement.

Il les a vite oubliés. Ne pensant plus qu’à elle. Ressentant son étreinte contre lui. Depuis combien de temps ne l’avait-il pas sentie ainsi ? Petite fille, tremblante dans ses bras. Il ne savait comment faire. Il n’a jamais été père. Il n’a jamais été prêt à être père. Ce sont des choses que personne n’a pris la peine de lui apprendre. Qu’il n’avait jamais pu découvrir.

Alors il la serre contre lui. Maladroitement. Il passe une main dans ses cheveux, d’abord hésitante. Se voulant rassurante.

Je serai toujours là. Toujours.

Et même si un jour je viens à disparaître. Tu n’auras qu’à regarder les étoiles. Comme je te l’ai appris. Tu te souviens ? C’est de là-bas que te regarde maman tous les soirs.

Et c’est de là-bas que je te garderai tous les soirs.