MentalIl brûlait dans son regard une passion ardente qui sembla alors ne jamais pouvoir s'éteindre. Il grandissait en son sein un feu éternel qui illuminait d'une aura passionnelle et baignait d'une lumière intense chacun des rires et chacun des sanglots qui s'épuisaient à ses lèvres et à son faciès. D'une intensité rare et d'une sincérité brute, en proie à la conviction certaine qu'il faut rendre une justice implacable et droite, que son monde a besoin d'être guidé, embrassant cette place de meneuse comme un sacrifice nécessaire, Moon s'éleva jusqu'au soleil en s'y croyant chez elle. Si ses ailes n'étaient pas de cire, elle y resterait toute une vie, à se croire lumière, à se croire guide, à se croire grâce ; et Moon chuta de ne pas être aimée assez, ou pas comme il fallait.

Elle rêvait de hauteurs vertigineuses et de celles-ci il ne reste plus que ses pieds sur la terre, son regard amer qui épouse ce qu'elle a déjà et ce qu'elle regrette d'avoir laissé derrière. Était-elle idiote ou naïve de se croire lumière ? Moon aujourd'hui se sent en proie à ses propres ténèbres et dans le silence, dans les ombres, il se terre des hontes indicibles qui tendent à la rendre folle (qu'est-ce qui est réel ? qu'est-ce qui ne l'est pas ? rient-ils derrière moi ? me suis-je endormie ou suis-je réveillée ? suis-je encore en vie ?). Elles murmurent entre elles que son honneur, souillé, jamais ne sera relevé et que son orgueil l'aura faite se perdre, qu'elle était bête de se croire avoir une valeur, qu'elle était pathétique de s'imaginer la mériter.

A tout ce qui se dit d'elle, à cette image qu'elle imagine renvoyer (pitoyable manipulatrice narcissique) parfois, elle tend à s'identifier. Si l'on croit ça d'elle ; se ment-elle de ne vouloir y accéder ? Qui est-elle, Moon, si elle n'est pas le soleil ? Qui est-elle, Moon, si elle ne se déclare plus d'aucune lumière ? Qui est-elle, Moon, si elle n'est plus celle qu'elle croyait être ?

D'un acharnement viscéral, Moon s'oublie, oublie tout ce qui tapisse l'intérieur, prend la fuite face aux innombrables démons qui la poursuivent. Elle s'oublie au travail, perfectionniste ; elle s'oublie aux autres, angoisse d'être seule, angoisse que le silence l'épouse à nouveau et laisse la place à tout ce qui fait mal, à tout ce qui fait peur. Elle s'oublie dans les amours, elle exulte de sa propre image, d'une fausse Moon encore solaire dont elle se berce comme les vestiges encore brûlants d'une identité dont elle n'a pas fait le deuil. Elle s'attache aux regards qui la trouvent belle et s'en nourrit, boulimique des autres, boulimique d'elle-même dans leurs regards.

Des insécurités pleins les placards dont elle a fermé les portes et qu'elle espère ne jamais rouvrir, Moon oublie tout ce qui brûle pour n'être rien de plus que l'illusion d'une flamme ; les chaleurs se sont éteintes et elle n'émane plus que d'une lumière factice dont elle persuade le monde pour cacher, inquiète d'être vue avec ses hontes, l'affreuse Moon qu'elle voit dans le miroir.