G.AN.I ― 1980 ✧ 1 an ✧ naissance de Galahad.
Galahad, petit brin d’espoir, fut le premier né des Waterhouse. Ouvrant ses jolis yeux, déjà parés de milles reflets brillants dignes des plus beaux ciels nocturnes, au beau milieu du doux printemps. Aux prémices du nouveau-né sur les terres d’Akmere, cela faisait déjà plusieurs longues et tordueuses années que sa génitrice accusait des difficultés à procréer. Les amants Waterhouse s’étaient même absous de tout espoir quelques mois avant que l’annonce de la grossesse ne raisonne dans le foyer aimant. Car Mère Nature est ainsi faite, à Akmere. Ainsi l’enfant leur fut offert, comme pour leur rappeler à quel point Omni est grand, bon et généreux avec ceux qui savent l’honorer comme Il le mérite : avec toute la dévotion dont les Hommes sont capables.
G.AN.III ― 1983 ✧ 3 ans ✧ le frère du père de Galahad s'installe chez eux, malgré son appétence pour les enfants qui semble être passé sous les radars des adultes.
Après trois années doucereuses, passées sous le prisme de la Foi, de l’amour familial et de l’ingénue jeunesse ; il fallait bien que des ombres viennent ternir ce si beau tableau. Avec elles, les ennuis commencèrent à poindre à l’horizon. Galahad nouvellement âgé de 3 ans vit débarquer à ses dépends son unique oncle. Frère de son père, la trentaine bien tassée, célibataire sans doute à cause de son goût douteux pour les plus jeunes que lui. Beaucoup plus jeunes, si vous voyez la subtilité insidieuse nichée ici. Galahad l’accepta dans son entourage proche avec l’innocence naïve des enfants de son âge. Et ses parents, trop heureux de revoir un frère depuis si longtemps perdu de vue, ne se doutèrent de rien. Et allèrent jusqu’à lui offrir le gîte et le couvert sous leur toit. Que voulez-vous, on ne se méfie pas quand il s'agit de la famille. Car qui pourrait se douter d’un si grand blasphème ?
G.AN.V ― 1985 ✧ 5 ans ✧ Galahad coule des jours heureux malgré la présence de son oncle. Galahad s'est même éveillé à la Lumière, ses parents engagent un précepteur pour développer ses capacités.
Le quotidien s’écoule sans anicroche majeure pour notre jeune garçon né sous le signe du taureau. Bien au contraire, tout semble aller pour le mieux après la découverte faite de ses prédispositions pour l’élément rare de la Lumière. Ses parents, influencés par le frère cadet du père toujours logé chez eux, vont jusqu’à engager un précepteur pour que Galahad puisse développer ses capacités. Car il devient certain que cet enfant fera la renommée de sa famille. Sa naissance même en est la preuve. Et puisque qu’Omni a choisit de placer en son sein une si grande bénédiction, un si beau don, alors l’enfant sera promis à un merveilleux avenir. C’est certain. Et ce dernier, tant choyé par chacun de membres de sa famille, commence lui-même à se prendre au jeu.
Même les douces caresses dont son oncle le couvre de temps en temps, ne sauraient gâter le reste. Alors Galahad accepte sans rechigner, y voyant avant tout une preuve d’amour, comme celles que sa maman lui offre si souvent.
Alors que le quotidien de Galahad, jusqu’ici si doux et promis à un grand avenir, n’a de cesse de se muer en un marasme gluant et incertain ; voilà que la graine de la discorde est sur le point d’être semée sous la charpente en bois du foyer Waterhouse. La maman du petit taureau a de nouveau le ventre arrondit par le poids d’une vie. Plus les semaines s’écoulent et plus sa peau se tend par-dessus le corps de cet autre être vivant, que Galahad se voit forcé d’accepter et d’apprendre à aimer. Et lorsque la maman ose parler de lui à papa et à tonton, c’est avec l’œil brillant de milles promesses et espoirs, la bouche en cœur et le sourire fiché aux lèvres. Un sourire qui n’est alors plus du fait de Galahad, sur lequel ce dernier n’a aucune emprise. Il a beau se démener comme un bœuf pour rapporter de bonnes notes à l’école, pour améliorer ses prédisposition à la lumière et pour créer des illusions toujours plus réalistes et poétiques afin de faire plaisir à sa maman ; celle-ci n’a pas vraiment le temps de s’appesantir sur les prouesses de son aîné. Trop occupée qu’elle est à nourrir amour et doutes pour son nouveau bébé. Elle a tant lutter pour procréer, elle se refuse à le perdre. Même si pour cela il lui faut délaisser son premier, pour rester aliter des semaines durant uniquement rythmées par les prières lancées à l’intention d’Omni.
« - Il y avait ce petit son entêtant, qui tintait dans l’air ambiant pareil à un carillon abandonné aux caprices des vents. Mon petit frère braillait. Il braillait toujours et encore, si fort que j’ai bien été obligé de quitter mon lit pour aller vérifier de quoi il en retournait. Je vous le jure, monsieur, je n’ai jamais rien voulu de ce qui s’est passé cette nuit. Il y avait mon petit frère, qui hurlait, si fort. Et personne ne semblait vouloir s’intéresser à ses malheurs. J’ai bien essayer de le prendre dans mes bras, mais les barreaux de son lit à lui étaient trop hauts pour que je puisse l’en sortir sans risquer de lui faire mal. Maman me l’a par de très nombreuses fois répété, jusqu’à être sûre que ça s’imprègne tout à fait dans ma tête : toujours maintenir la nuque de mon petit frère si je dois le manipuler. C’est ce qu’elle répétait tout le temps. Tout le temps.. Alors, quand j’ai tendu les bras pour l’attraper, et que j’ai vu sa tête peser trop lourd à l’autre bout de son cou, j’ai compris que je m’y prenais mal et qu’il valait mieux ne pas le bouger. Mais ses pleurs ont redoublés, je vous le jure, il criait si fort que j’avais l’impression d’entendre sa voix aiguë ricocher par écho dans ma tête. C’était insupportable. Vraiment. Je voulais juste que tout cela cesse. Qu’il arrête de brailler pour que maman puisse avoir la paix et puisse se rétablir. Depuis l’accouchement, elle n’était plus que l’ombre d’elle-même, la fatigue personnifiée, rendue humaine. Qui se traînait dans les couloirs de la maison. Elle faisait si peur. Et papa qui n’avait de cesse de répéter qu’il lui fallait du repos, que ça irait mieux avec le temps.
- Galahad, concentre toi s’il te plaît, revenons en au moment où tu as compris que tu ne pourrais pas sortir ton petit frère du landau.
- Lan-quoi ? Ah oui, son lit. Et ses cris qui ne s’arrêtaient pas. J’avais si mal au crâne. Je rêvais que d’une chose : de pouvoir m’éloigner le plus loin possible pour ne plus avoir à subir ce bruit qui me martelait les oreilles… Mais je pouvais pas faire ça, il fallait penser à maman.. qui avait besoin de récupérer. Et comme papa ne venait pas.. Alors j’ai fais ce pour quoi mon oncle m’avait si souvent gratifié : j’ai utilisé la Lumière… Je...
- Je t’écoutes, continue.
- Je.. Je voulais juste créer une illusion, de jolies images pour que mon petit frère arrête de chouiner.
- Et qu’est-ce qui s’est passé, ensuite ?
- Ensuite.. Mon oncle est arrivé.
- Tu veux dire qu’il est entré dans la pièce ? Qu’il était avec toi dans la chambre de ton frère ?
- Ce n’était pas vraiment sa chambre, c’est juste que papa et maman n’ont pas pu mettre le lit ailleurs qu’ici.
- Oui d’accord, alors dis moi, que s’est-il passé après que ton oncle soit entré ?
- Je… Il a prit peur et il a renversé la lampe à huile qui était posée à l’entrée de la pièce et que j’avais allumé en entrant…
- Tu l’as allumé en entrant ? Tu es sur ? Pourquoi le dire que maintenant ?
- J’avais oublié… C’est qu’un détail, non ?
- D’accord, d’accord, revenons au moment où ton oncle renverse la lampe, comment il a fait son compte ?
- Je sais pas, il s’est peut-être cogné dans la commode où elle était posée lorsqu’il s’est élancé vers moi et mon frère.
- Très bien, continues. Il s’est élancé vers vous et ?
- Que voulez-vous que je vous dise ? Il m’a hurlé de m’éloigner et de quitter la pièce, ce que j’ai fais.
- Tu as conscience que ton oncle avait largement le temps de quitter la pièce avec ton petit frère avant d'être prit au piège par les flamm-
- Je sais pas ce qu’il a fait après ça. Moi je suis parti dans le jardin, c’est tout.
- Et ton père ? Et ta mère ?
- Je sais pas… Peut-être que mon père est aller aider ma mère et… j’en sais fichtrement rien… Pourquoi vous me posez toutes ces questions d’abord ? Vous pensez que c’est pas déjà assez dur pour moi d’être « le seul rescapé » comme ils disent ?
- D’accord Galahad, calmes-toi, je n’insinue rien du tout, je dis juste que tu es le seul témoin et de ce fait que ta déposition est importante. Chaque petit détail dont tu te rappellera et que tu pourras nous donner pourras nous être d’une grande aide pour l’enquête.
- Mais je vous ai déjà tout dit. Ça s’est passé comme ça. Mon petit frère qui braillait, moi qui ait voulu l’aider, l’illusion, mon oncle qui est arrivé et a prit peur, la lampe renversé et le feu partout. C’est tout.
- D’accord Galahad, on va s’arrêter là pour ce soir. Tu peux y aller.
[Des bruits distincts saturent l'enregistrement audio à cet instant – la chaise de l’enfant est tirée, il semblerait qu'il se relève pour se diriger vers la porte. La poignée grince quand quelqu'un vient le chercher.]
- Dites monsieur le détective…
- Oui ?
- Vous pensez qu’Omni est omnipotent, vous ?
- Comment ça ?
- Vous pensez que les méchants sont châtiés pour les fautes et la douleur qu’ils causent sur cette terre ?
- Sans doute, oui. Si ce n’est pas Omni, la justice s’en chargera mon garçon.
- … C’est aussi ce que je me suis dis. »
G.AN.VIII ― 1988 ✧ 8 ans ✧ ouverture du procès concernant l'incendie au domicile des Waterhouse, au terme duquel Galahad sera jugé fautif de l'incendie et mit aux fers. La brigade criminelle a réussi à prouver qu'il s'agissait bien d'un feu d'origine criminelle.
Le procès tomba un an après les faits. L’enquête avait réussit à révéler des incohérences notoires dans les diverses dépositions du jeune garçon et dernier à porter le nom Waterhouse. Par cet état de fait, et parce qu’il était le seul rescapé de la tragédie – et puisqu’il faut toujours faire un exemple peut-être – Galahad fut reconnu fautif et dû répondre à plusieurs chefs d’accusation. Dont l’homicide involontaire, qui vint entacher son dossier civil à tout jamais. Akmere n’est pas une nation réputée pour sa bienveillance. Une fois la sentence énoncée, et à défaut de pouvoir condamner à mort un aussi jeune enfant, ce dernier fut incarcéré et châtié comme le criminel qu’on avait créé. De toute façon, il n’avait aucune famille pour le récupérer. Et compte tenu de ses aptitudes pour la Lumière, il aurait été dommageable de se séparer d’un être aussi prometteur que lui. Les hautes sphères décidèrent de son sort sans que l’affaire ne soit ébruitée et Galahad dû tirer un trait définitif sur son passé.
« Ma très chère Mère,
Bien que cette lettre ne puisse jamais vous parvenir, je ressens le besoin de l’écrire pour m’absoudre de mes maux. Et puisque je n’ai pas la prétention de réussir à l’écrire en me l’adressant à moi même, je vous l’adresse à vous. Les mots s’écoulent plus facilement ainsi. Et je préfère vous l’adresser à vous plutôt qu’à Omni. Car, malgré tout ce que l’on peux raconter à son propos, Il n’aura pourtant pas su vous sauver, vous.
Treize longues années, passées entre quatre murs – toujours les mêmes, qui composent ma geôle. Mais nous ne sommes pas si mal traités ici bas. Et mon ancienneté fait que je me suis acclimaté à cet endroit. Je sais à qui adresser mes doléances quand j’en ai besoin, je sais ce que l’on attend de moi et j’ai appris à plier le genou pour éviter les trempes. Parfois, il m’est arrivé de me demander pourquoi notre si belle nation s’imposait tout ça… pourquoi garder des êtres tels que moi sous leur aile ; mais je le sais maintenant. Et au fond, peu importe où vous vous trouvez désormais, j’espère que vous pouvez me voir et porter sur moi un œil bienveillant. Comme vous le faisiez si souvent par le passé.
Les choses vont bientôt bouger pour moi. Il se pourrait même que je sois habilité à sortir d’ici pour fouler les pavés du monde extérieur. Je serais prêt à tout pour revoir un carré de ciel bleu. Même si pour ça il me faut m’éloigner du droit sentier que vous aviez esquissé pour moi. Si cela arrive, c’est qu’Omni l’a décidé ainsi, n’est-ce-pas ?
Omni aura eut notre perte à tous, en laissant entrer mon oncle au cœur de notre foyer. Je ne regrette absolument, si ce n’est de vous avoir perdu, vous, mère… Quoique à bien y réfléchir vous n’étiez plus vraiment vous-même à la fin. Alors qu’elle importance ?
Mais consolez vous : la mienne, de perte, ne saurait tarder davantage.
Votre dernier fils.
Galahad. »
G.AN.XXI ― 2001 ✧ 21 ans ✧ Galahad accepte de rejoindre le programme et recevra une formation de plusieurs années.
Aussi incongrue que cela puisse paraître, il fut effectivement décidé d’intégrer Galahad Waterhouse à la fonction de « Loup ». Ainsi, un précepteur plus communément nommé « Vertu » lui fut attribué. Galahad fut contraint – bien qu’il ne s’y soit jamais opposé – à rejoindre les rangs de l’armée d’Arkmere. Où il sera formé plusieurs années durant avant d’être détaché pour des missions périlleuses au-delà des frontières de sa patrie. Galahad, emprisonné et ennuyé par le même quotidien répétitif depuis plus de 13 ans, quant à lui, était prêt à tout accepter. Tout, pourvu qu’on donne un nouveau sens à sa vie.
CHUTE DE TEMPELHELM ― Neutre.
A la chute de Tempelhelm Galahad était en pleine formation pour devenir Loup. N'ayant aucune famille depuis le désastre qui a touché les siens, il n'a perdu personne qui lui était cher dans l'évènement. Aussi spectaculaire qu'il ait pu être, après avoir passé les treize dernières années en prison, Galahad n'a pas vraiment été touché par la situation. S'étant trouvé au bon endroit au bon moment, il n'a même pas été blessé. Même la disparition d'Omni ne l'a pas impacté, puisque cela faisait plusieurs années déjà qu'il ne priait plus pour ce dernier.
G.AN.XXIII ― 2003 (actuellement) ✧ 23 ans ✧ Galahad est enfin opérationnel comme Loup et commence donc à partir en missions sous la tutelle du Vertu auquel il a été jumelé.
Ce qui est idéal avec les spécimens comme Galahad, c’est qu’il a été coupé du monde très tôt et que, par ce fait, il est pareil à une matière meuble est malléable à souhait. On l’a ressortit du tiroir dans lequel on l’avait fourré si longtemps ; pour faire de lui un rouage interchangeable du système. Sous couvert de le rendre utile aux intérêts de sa Nation. Un être corvéable à merci ; maintenu en laisse par les erreurs du passé inscrites en lettres capitales et indélébiles sur son dossier. Quoi de plus idéal, finalement ? Le voilà donc qui prend ses fonctions, en ne connaissant du monde que ce qu’on a bien voulu lui enseigner dans les rangs de l’armée.
* Paroles tirées de la musique : Colors - Black Pumas