Encore un jour, Belsémire, ou plutôt un jour de moins – encore un jour, et peut-être l'ultime, ou le plus sublime. Le temps n'a plus la même valeur qu'avant quand on l'a eu compté, quand on l'a mille fois retiré ou encore quand on l'a vu s'envoler. Malgré tout, malgré sa propre dureté et ce monde exempt de pitié, il y a des choses qu'on apprend à mieux regarder, à davantage apprécier, dans un silence intimement discret.

Elle n'en demeure pas moins un être comme seule Greygarde peut se vanter d'en faire fleurir, le regard de Éclipse pour la bénir. L'existence est un combat, et plus tôt l'art de la bataille s'acquiert, mieux l'on s'en sert. C'est à la violence des coups d'épée et au nombre de cicatrices étalées sur la peau qu'on compte la valeur des sujets du royaume, et ça, Belsémire l'a bien vite saisi. Sa carrure imposante dont on aurait pu se moquer s'est montrée sa meilleure alliée dès ses plus jeunes années afin de s'illustrer comme une combattante aguerrie que ses compères d'apprentissage ne sont plus parvenus à défaire.

Le combat dans le corps, l'honneur dans le cœur, et la loyauté posée comme un voile sur cet ensemble, elle n'est qu'admiration et déférence pour la famille royale à laquelle elle sera à jamais loyale. Sa position actuelle lui permet de le prouver plus que jamais : peu importe les ordres, reconnaissance, combat, exécution, espionnage, elle s'exécute avec ce sens du devoir qu'on connaît habituellement aux chevaliers servants. Tout pour ses maîtres, elle n'est que leur main, leur œil, leur oreille, là où ils ne peuvent se rendre par eux-mêmes, et elle accepte, embrasse même, cette place qui est la sienne, elle qui n'a plus rien à perdre. L'infection lui a déjà ôté ce qu'elle possédait de plus précieux, et exister en ce monde n'avait plus de sens jusqu'à ce que la Couronne lui en rende un.

Alors encore un jour, ou plutôt un jour de moins, au service de son royaume pour le faire prospérer sur les autres nations dans ce monde en proie à la folie et à la destruction.