Une autre des nuits étoilées

What i wouldn't give to be born another.

Everybodies Dies - | outfit
@Graham Blomsberry
24/05/1996

Cela aurait été plus simple de naître sans rien, un corps vide comme une robotique denué de sens. Un robot ayant pour seul défaut que d’avoir besoin de boire, manger et dormir, un robot heureux de marcher et heureux de servir.

Elle avait été si proche, si proche d’y arriver. De ses doigts écaillés, elle avait effleuré ce rêve d’absence avant d’être rappelé à ses tourments. Les années écoulées n’avaient rien changé à ses questions, à ses regrets, à la persistance de sa peine, autrefois on avait dit qu’elle aimait se blesser elle-même.

Elle avait repoussé ses pensées comme si par sa volonté, elle pouvait ignorer la marée rugissante de ces doutes. Mais dans les terres désolées de ce qui fut sa ville, dans l’appartement vomissant des denrées périmées qu’elle avait accumulée, dans cette quête qui n’a jamais été au fond la sienne, Allani se sentait creuse.

La béance accumulée semblait se loger au creux de son ventre quand elle marchait parmi les rues autrefois animées, la béance trop lourde absorbait le gras pour se replier sur lui même. Elle avait fait le deuil ce vendeur situé à cette rue là, de ces temples détruits, des hauts quartiers du Parlements depuis bien longtemps mais ce qu’elle n’oubliat guère était ce futur.

Promis à Graham, espéré naivement quand personne ne la regardait prier. Cette fois-çi nul Dieu à blamer ni nul homme, c’était ses choix ayant détruit la tendresse de ces instants. Un amour déçu ne brûlait plus pour Allani, comme le flambeau du temple fiché dans les pavés défaits de Helios Starke.

Un amour détruit était une nouvelle saveur.
Une saveur faisant lever sa main sur le montant de cette maison, une maison épargnée curieusement et qui pourtant de ses hautes fenêtres semblaient la juger.

La maison de Graham.

Elle déglutissait un instant, ses mots souhaitaient tous sortir à la fois. Des mots qu’elle ne souhaitait pas avouer qu’elle pensait, des mots dont elle ignorait même la prononciation. Mais sa main frappait le montant d’ébène, une puis une deuxième puis une troisième fois.

Tâches de rouges dans la neige de son mépris.
Elle l’avait vu les rares fois où leurs chemins s’étaient croisés, les rares fois où elle avait tenté de lui parler

Que ses lèvres s’étaient pincés, que le sang avait quitté son visage, qu’il avait disparu de son champ de vision.
Elle était laissée là, souffrante d’un maux qu’elle savait avoir mérité.

La porte s’ouvrit à moitié puis allait se renfermer quand l’impulsion la prit, une plante sèche bloquait le battant, laissant apparaître que sa main et la pointe de ses cheveux.

-Graham.

Pourquoi fallait-il qu’elle sonne aussi humaine.

-Je sais que je n’ai aucun droit à te parler.

Crois la, elle se maudit de son audace. Elle se maudit de se tenir la, comme si elle n’était qu’une âme en peine.

-Mais je dois te parler, je veux…

Qu’il la déteste ouvertement qu’il fasse en sorte qu’elle le méprise, qu’elle souffre plus cette fois-çi, qu’elle en vomisse de désespoir, pour que le coeur s’arrête d’espérer qu’un jour peut-être qu’il lui pardonnera, peut-être que des cendres pourront devenir un épandage d’autres choses.

Des belles choses.

-T’expliquer.

Car elle ne mérite guère le pardon.

by delirium

Une autre des nuits étoilées

ft. @Allani Marquez

La vie n’avait plus rien de ce qu’elle était. Rien de ce qu’elle était, rien de ce que tu aurais souhaité. Elle avait décidé de prendre les tournants d’une tourmente, sinueuse de doutes et de regrets. Qui es-tu encore, Graham, légat d’un pays que tu ne connais pas ? Qui es-tu encore du héros que tu t’imaginais devenir, là-haut ? Rien d’autre qu’un fantôme, silhouette vaporeuse, traces de fumée de ton propre brasier.

Chaque jour au conseil, tu te persuades d’avoir une place. Un avenir. Des choix. Tu te persuades d’agir pour ta famille, pour ta sœur, ton frère, tes amis, catharsis. Pour ce peuple que l’Eternel a laissé entre tes mains, ultime mission d’une vie dédiée à autrui. Mais avant de sauver les autres, Graham, peut-être un jour devrais-tu apprendre à te sauver toi.

Les jours passent mais tu ne bouges pas. Bloqué dans les airs du temps, en pleine chute entre la terre et le ciel. Héraut déchu, héros survécu. Tu passes entre les rues chargées de souvenirs, tu souris à l’âme des disparus et tu gardes les précieuses promesses que tu leur fais. Contre ton cœur, dans ton esprit. Ce monde sera sauvé pour eux, pour que leurs morts ne soient pas vaines ou oubliées. Ce monde, il sera aux autres, Graham, tu le promets. Jamais à toi.

Tu te lasses d’une longue journée durant une longue soirée, installé dans cette maison toujours tienne. Les coups portés te font lever, tu vas ouvrir la lourde porte à l’entrée. Mais quand tes yeux se lèvent aux siens, vestiges de douleurs, tu te refuses à l’affronter. Pas aujourd’hui, je t’en prie. Encore un jour, peut-être deux. Tu refermes d’un coup sec, prêt à te persuader d’avoir rêvé, mais Allani ne te le permet pas. Son souvenir ne te le permet jamais.

Allani.
Vestiges et regrets.

Ses mots sont à la fois le plus beau des rêves et le pire des cauchemars. Ta main posée à plat sur le battant de la porte, tu fermes les yeux pour sonder la force de ta haine. L’incendie est calme, tu aurais juré vouloir la tuer seulement quelques mois auparavant. Trahi par tes propres faiblesses, trahi par l’horreur d’un manque écœurant, tu finis par agripper le bois et rouvrir la porte en grand.

Alors tu lui fais face.
Bon sang.

Le silence pour seul amant, ton regard unique parcourt sa silhouette et revient à ce visage. Un visage honni. Trahi. Exécré. Un visage de haine, car elle est la seule issue possible pour se débarrasser de ce qui l’a précédé. Tu t’es consumé, Graham, pour elle et pour ses actes. T’as crevé, pour Allani.

Et la voilà devant toi pour s’expliquer.

Tu hurles en silence, de douleurs et de peines. Tu hurles son absence, ses choix, tout. Tout ce qui te vient à la tête. Alors enfin ton regard se détache du sien et tu sondes l’espace derrière elle.

- Tu es seule.

Tu te détestes du rire qui échappe à tes lèvres, ironie passive agressive.

- J’imagine qu’elle t’a ordonné d’être là.

Venin d’un serpent acculé, le nœud coulant se rapproche de ta gorge. Pourtant tu recules et tu t’effaces, tu l’abandonnes même devant cette porte. Qu’elle entre, si elle le souhaite, ou qu’elle reparte. Tu retournes dans le salon où tu t’adosses à la cheminée éteinte, image d’un cœur qui a brûlé jusqu’à ne plus rien avoir à consumer.

Et tu l’observes, Allani.
Allani, Allani comme une litanie de haine et de souvenirs. Allani comme le cœur qui s’affaisse. Allani comme le monde qui s’écroule. Allani comme l’espoir qui s’étouffe. Allani comme l’amour qui se bouffe. La confiance détruite. Mille morceaux éparpillés au sol, pour trancher la chair de ceux qui s’approchent.

Tu aurais tant à dire que tu ne trouves rien à dire.

Faniahh/Lala/Cyalana

What i wouldn't give to be born another.

Everybodies Dies - | outfit
@Graham Blomsberry
24/05/1996

Il rit sans que la joie n’anima ses joues, il rit et son regard brûlait de ces mots qu’on ne devait que penser, ces gestes qu’on enfermait dans les limbes. Elle aurai fait de lui son Dieu si elle n’avait guère juré d’aimer aucun dieu, elle lui aurai offert la régéance de son être si elle pouvait encore l’offrir.

Mais il était assez de ces promesses éteintes, consumées avant même d’être dites, le pire mensonge est celui qui paraît que trop sincère. Avait elle cru qu’il allait la regarder avec d’autres yeux que ceux de la haine ? Avait-elle cru qu’il allait tendre ses bras et ses oreilles à ses complaintes ?

Non.
Graham ne possédait qu’un mot, un seul Verbe et Allani l’avait déjà gâché. Cela était pour cela qu’aucune offense ne teignait son visage, juste un simple soupir, une tête secouée dont les mêches tombaient aux creux de ses clavicules.

-Elle ne sait pas que je suis là.

Elle ne sait rien. Allani ne parlait guère d’elle-même, son conte était de ces livres dont l’autodafé était nécessaire car rien n’était à apprendre de son histoire, rien n’était à retenir. Quand l’obscurité de l’humanité se surperposait à l’orgueil des martyrs, les mots sont inutiles et les expériences insuffisantes. Mais pour Graham, elle voudrait lui montrer les vallées de ses cicatrices, lui guider dans ses faiblesses pour qu’il la fasse chuter.

Cela lui allait.

Et elle marchait à son pas dans cette demeure brisée et méprisante. Ses talons claquaient drôlement sur le parquet, les ombres de la silhouette de Graham dansaient tout autour d’elle, suffoquantes présences.

Dans cette pièce ternie, inconfortablement silencieuse, il se positionnait dans l’ombre du feu mort, les mains tenant ce montant de cheminé.

Le foyer disloqué, les braises déversés
Une euphémie de leurs mondes, de cette ville que la génération suivante appelera Ruines.

Elle déglutit, ses mains dans les plis de sa robe.
Elle toussota, voulant fuir l’éternité de ses lamentations

Sa robe n’apportait aucune paix, son coeur crevait de cet amour inconsistant tantôt espoir tantôt peur tantôt désillusion, tantôt insultes hurlés au visage de sa passivité tantôt chuchotis compatissants.

(Mais face à la douleur de Graham)
(L’esprit ne causait plus)
(Il ne restait que le bruit de leurs respirations)

-Je sais que…rien ne plaide en ma faveur.

Respiration laborieuse entre ses côtes. Elle ne le regardait plus.

-Je sais que mes actions paraissent bien creuses, que je suis toujours fidèle à Dame Forbes envers et contre tout. Que Personne pensait que je plaçais ma loyauté à Dame Forbes par dessus la cité. Que j’ai été Némésis l’espace d’une journée. Cela est pour ça que je plaide pas.

Sa fierté oubliée tirait son buste droit, le regard ne suivait guère. Sa voix était monotone, régulière dans ses impulsions.

-Je ne demande pas ton pardon ni même ta compréhension. Je n’ai jamais été…particulièrement honnête envers toi Graham. Par rapport à moi même. J’ai toujours cru que la vertu était d’être utile, d’être plus que ce que la naissance t’offrait. J’ai toujours supprimé ce qui faisait de moi un être “non-utile”. Doutes, peur, questions, moralité. Tant que j’étais utile, je méritais de vivre. Tant que quelqu’un m’appelait, je répondais. Sinon j’aurai attendu. Dame Forbes a vu une utilité en moi, un sens que je n’avais pas. Si elle avait été moins, une autre héraut de l’eau, une autre femme, je n’aurai pas été là. Peut-être que cela aurai été mieux pour tout le monde.

Elle passait sa main dans les cheveux, se taisait un court instant avant de baffouiler, le ton hachuré de tout, l’esprit détruit dans sa cohérence absolue.

-Et je n’arrête pas de me demander si mon choix était le bon. Si… Si… Mais ça ne sert plus rien maintenant.

Les regrets n’avaient aucune valeur désormais.

by delirium

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