MentalWinslow a crié à la naissance car la ville lui a craché au visage, et il conserve depuis la brûlure de cette injure. C’est un de ces enfants taillés dans un béton pur, armé par un acier de colère rongé au désespoir et articulé par une logique animale. La rondeur du monde de Winslow se rompt à l’orient sur la valeur de l’argent et à l’occident sur l’arbitraire, et le soleil y suit le parcours de l’injustice. Éternel sans visage dans la nuée des impuissant·es, il fouille les entrailles des enfants bénis pour saisir la fortune à la gorge et lui réclamer son dû ; sinon, pour lui faire au moins payer le crime de la chance. Il fait corps avec les règles de la société où il évolue pour mieux les fouler au pied, et souffre en même temps de les avoir sur la peau ; le jeu que Winslow joue est un de hasard où il est forcément perdant, et il ne peut lever vers le ciel divin que des yeux sans larme qui ne connaissent que la défiance.

Sa colère désincarnée empoisonne toutes les extensions de lui-même, et fait de lui un corps entier de ressentiment tendu, qu’il faut alors travestir pour y survivre : Winslow décore la tempête de son dégoût de mensonges bien appris et de sourires charmants pour se faire aimer sans reconnaissance. Il fait subsister à sa place un autre lui, complaisant, évanescent, délicieusement absent, qui a le goût de la souffrance et des amours faciles et soumises, et qui lui permet de tendre les mains pour exercer pleinement son crime : Winslow ment pour voler coeurs et biens, et repus de son butin il remercie cet autre lui qu’il déteste.

Il gagne la nuit avec dans les mains ses trésors qu’il ne serre jamais longtemps contre son cœur, car très vite la ville vient lui reprendre ; il nourrit inlassablement ce ventre qu’il hait à contrecœur sans récompense, et se couche avec la certitude de son aliénation totale. Il ferme les yeux tous les soirs sur la promesse de sa vengeance, avec sous les paupières la fièvre de sa révolte qui demeurera toujours inaccomplie — car tous les matins viennent, et avec chaque nouveau jour Winslow doit encore donner et reprendre, vivre et mourir, tuer ou être tué, jusqu’à ce que mort s’ensuive, car pour les anonymes la ville dit que la liberté n’existe pas.