MentalLorsque le cœur est tendre, l’épiderme se doit d’être une armure infranchissable. Tu n’as jamais eu besoin d’assimiler pareille notion, car elle est innée. Il est facile de confondre douceur et faiblesse, tu as toujours su faire la part des choses.

De la même façon que l’on ne peut polir un diamant sans appliquer une immense pression, l’être humain ne peut grandir que par la douleur et les épreuves, c’est ton intime conviction. Difficile, improbable, de te faire changer d’avis lorsque cette vérité est érigée au rang de maxime ; lorsque la théorie s’est prouvée par la pratique.

Les vicissitudes de la vie n’ont pas été tendres avec toi. Une fois au fond du gouffre, tu aurais pu continuer à creuser comme certains le font, tu as choisi de remonter, t’agrippant aux rebords ; bec et ongles.

La volonté forgée par le fer incandescent, battu à de nombreuses reprises pour lui donner un tranchant redoutable, le carmin t’est aussi familier qu’un frère. Il est passion, colère, peine, sang, haine. Lorsque tu vois rouge, qui sait ce dont tu es vraiment capable. Il en résulte une peur bleue de voir couler l’hémoglobine, raison pour laquelle tu fuis le moindre conflit comme la peste.

Paradoxalement tu t’épanouis dans les joutes verbales, ton éloquence est parfois plus caustique que l’acide. La parole se doit d’être franche et directe lorsque tu veux marquer le coup, mais elle est aussi ironique et sarcastique lorsque l’humeur est joueuse. En de rares circonstances, tu fais le choix du cynisme pour repousser ceux qui s’approchent de trop près ; ce qui attire plus qu’il ne rejette bien malgré toi.

La posture que tu arbores est toujours de marbre, le calme une seconde nature. Toujours plongée dans la réflexion, il n’y pas de problème insoluble, mais une solution en devenir. Tu n’es donc jamais submergée par la panique des uns et des autres, pas plus que tu ne l’es par l’intensité de leurs émotions. Tu n’as pas peur d’affronter ce que les autres redoutent : leur prochain.

Tu as tourné le dos à un passé douloureux, décidé de garder un œil sur l’avenir tout en agrippant le présent de toutes tes forces. Il est impensable de faire un pas en arrière lorsque tout le reste est devant. Tu as laissé des remords, tu ne veux plus laisser de regrets.

Ayant connu trop tôt ce qui fait d’une fille une femme, tu as été obligé de grandir à un rythme plus effréné que la normale, abandonnant l’ivresse de la jeunesse, la troquant contre la sobriété de la maturité. Forte d’une carrière que tu juges maintenant accomplie, le retard que tu as accumulé, tu le rattrapes maintenant ; caressant les douces folies sans les saisir à bras le corps.

L’esprit trop souvent prêté aux autres pour régler leurs problèmes, tu rêvasses parfois d’un monde où tu es le centre des attentions. Un temps où tu n’as plus besoin de guérir constamment les crises existentielles des uns et des autres. Pourtant ton travail est passionnant, il est vecteur de rencontres et d’un sentiment d’utilité ; tu fais avancer la société et l’être humain à ton échelle, ton rythme ; de cela tu en es fière.

Mais même une professionnelle aguerrie et consciencieuse n’échappe pas à ces petits moments de folies ; ces envies furieuses de vivre une jeunesse qui t’a été dérobée. Ironique alors que personne d’autre que toi n’est responsable de tes propres choix. La vie est injuste, certes, mais c’est ainsi.

Auprès des autres, tu es la lumière qui jamais ne vacille, même dans l’obscurité. La lueur d’espoir qui éloigne les horreurs ; l’étoile qui guide les autres, elle brille intensément sans faiblir… jusqu’à ce qu’elle s’éteigne. Un jour que tu regrettes plus que tout autre au monde. Alors toi aussi tu t’y accroches… tu n’oublies pas que tu as fait un choix qui a changé ta vie : ne jamais fermer ton cœur à la douleur.

Car même dans un monde qui peut se montrer cruel, toi tu es la petite touche de légèreté qui fait léviter l’immense poids des épaules de ton prochain. Si tu fuis le conflit, c’est pour une raison simple : ce n’est pas parce que tu es calme que tu en as oublié comment être violente. Tu ne veux pas qu’on se souvienne de toi ainsi.