Le plan de la dame

Ses pas sur les pavés d’une ville qu’elle connaît désormais. Oh comme le temps a passé, mais Aralia, elle, n’a pas changé. Toujours aussi douce vipère de la nuit, sourire aiguisé du poison des insoumis. Ses talons claquent, sa faim aussi. Elle observe les hommes et les femmes, repue d’un toucher inoffensif. Belle et puissante Aralia, les boucles vermeilles aux épaules dénudées. Elle sourit, charme, vole aux plus impudents leurs derniers baisers.

Rire du bout de ses lèvres, quand elle va toquer à la porte de bois. Le château de son roi n’est plus ce qu’il était, mais elle se jure, Aralia, qu’elle te rendra tout. Elle te rendra ton nom, ta dignité, et même plus, tu sais ?

Son sourire qui s’étire en réponse au tien, elle enroule ses bras à ta nuque. Poupée de bonheur simple et pourtant jamais suffisant, sur la pointe de ses pieds elle vient te ravir les lèvres. Oh, Lazare, est-ce que tu l’aimes, toi aussi ? Est-ce que tu l’aimes comme elle t’aime ?

Aussi follement.
                                    Sans limites.

Ta question tire le sourire du coin de ses lèvres, ses dents qui mordillent l’inférieure pour signifier qu’elle a bien en tête une idée. Ou deux. Ou trois. N’importe quoi pour te faire roi.

- Mon amour, j’ai eu une idée.

Elle se décolle à ton impulsion, glisse sa silhouette jusqu’au salon. Elle aime comme tu es, Lazare, cette homme si bon et si serviable. Si différent d’elle et pourtant, pourtant rien ne pourrait vous séparer. Même dans la mort, Aralia serait prête à t’emporter.

Arrivée au centre de la pièce, elle se retourne vers toi. Les mains liées devant elle, comme une innocente, le sourire large aux lèvres.

- Un thé à la rose. Pas trop chaud.

Elle te regarde faire, toi et ta belle silhouette. Tes bras (les siens). Ton corps (le sien). Tes lèvres (les siennes). Et ton âme, la sienne. Oh oui, ton âme est bien la plus belle. Ses yeux d’or sur toi, elle penche doucement la tête de côté.

- Que dirais-tu que je sois reine, Lazare ?

Elle attend ta réaction, l’expression de ton visage, avant qu’un rire ne franchisse la barrière de ses lèvres.

- Ou princesse, peut-être. Penses-tu que je puisse faire de toi un roi ?

Elle s’approche, la démarche féline et souple. Ses mains trouvent la douceur de ton cou, ses ongles ripent sur ta peau. Douce douce Aralia, poupée de beauté aux armes faites pour tuer. Elle appose le vermeille de ses lèvres contre la blancheur de ta joue.

- Je veux être reine, Lazare, et que tu sois mon roi.