diphylleia grayi

mai 2003 -- faestor; maison des buchanan


la maison semblait dépourvue de la moindre vie. vide à cette heure où le calme régnait rarement au dehors, tu sortais de la cuisine, un flacon à la main pour humidifier les feuilles de ton grand montserrat. la porte de l'entrée claque soudainement et si tu imaginais voir ta petite soeur regagner le salon, de longs soupirs t'indiquent la présence de lazare. à peine un regard pour toi, le patriarche s'étend sur son fauteuil et tu fronces les sourcils.

— laz ? tout va bien ?

le silence te répond et tu hausses les épaules.
mais ton cousin est sur les nerfs et tu n'aimes pas du tout voir ça.
hypersensible, tu prends ses émotions pour les tiennes et poses brusquement le flacon sur la table basse. il y a deux ans, tu aurais tenté de le faire rire en racontant des bêtises, lui parlant de souvenirs de ton enfance quand lui, bien plus âgé te terrifiait parfois.

aujourd'hui pourtant, la joie s'était envolée dans les derniers sourires de tes soeurs, les derniers rires de ton meilleur ami. tu n'avais plus la force de faire semblant.

tu t'approches de lazare, les bras croisés et le regard braqué sur lui.

— je ne te laisserai pas tant que tu ne me diras rien.

et ton cousin explose comme tu l'as rarement vu faire, pour ne pas dire jamais. finis les grands discours, les phrases recherchées et les mots savants. ton cousin n'avait plus rien d'un conseiller politique, mais d'un homme frustré et épuisé.
s'il décharge sa colère sur toi dans un premier temps, jamais tu ne le prends personnellement.

doucement, tu t'accroupis devant lui et portes une main à son front, appuyant de ton index sur ses rides du lion.

— arrêtes de râler, tu te fais des rides. je vais te préparer un thé, bouges pas.

le ton bien moins sérieux, tu te redresses en tapant gentiment son épaule. filant dans la cuisine, tu fais bouillir de l'eau pour deux tasses. dans une boule à thé, tu lui prépares ses plantes préférées en ajoutant un brin de magie.
la tisane infuse quelques minutes et tu prépares un plateau pour le lui apporter. lui tendant une tasse, tu viens t'asseoir sur le fauteuil à côté du sien, croisant les jambes. lazare semble dubitatif et tu soupires un instant.

avalant une gorgée le premier en haussant les épaules, tu tiens fermement la tasse pour te réchauffer les mains, et l'invites à boire à son tour.

— allez, bois. ça va te détendre, tu verras.

les feuilles longuement infusées feront rapidement leur effet.
lui qui n'en a jamais vraiment consommé.

(code) awona // avec @LAZARE BUCHANAN

diphylleia grayi

mai 2003 -- faestor; maison des buchanan


son regard était sensiblement le même, dépourvu du moindre jugement quant à la condition dramatique dans laquelle se retrouvait son cousin. anciens bénis d'omni, voilà que le patriarche siégeait au conseil d'une nation priant le fléau et se nourrissant du chaos. le changement radical ne leur convenait pas. tu l'avais suivi dans le seul but de ne pas abandonner ta petite soeur, mise sous la tutelle de lazare à la mort de vos parents.
mais régnait en ces lieux un sentiment d'insécurité, et tu ne voyais pas amaryllis y grandir sereinement. c'est aussi pour elle, que tu avais repris le surnom de ton cousin, afférant dans l'ombre à devenir quelqu'un de puissant pour la mettre en sécurité. ne plus dépendre des autres comme vous l'avez trop fait, à vivre dans l'insouciance et la facilité.

les mots du patriarche glissent dans tes oreilles et tu arques soudainement un sourcil, voilà qu'ils te percutent enfin.

— ne penses-tu pas qu'il est temps d'affirmer qui tu es, lazare buchanan ?

te redressant dans ton fauteuil pour lui faire face, tu bois une nouvelle gorgée salvatrice. le doux parfum des plantes vient chatouiller les narines et tu inspires longuement, te laissant emporter par la légère fumigation.

— as-tu oublié l'homme que tu as été toutes ces années ? tu as su faire face à de nombreuses épreuves, pliant le dos pour notre famille. devant les menaces d'ishtar forbes, puis d'isaac weidmann, tu as su agir pour notre survie au détriment de nos croyances. et aujourd'hui quoi, tu ne t'en crois plus capable ?

il n'y avait pas l'ombre d'un reproche au son de ta voix. qu'une incompréhension réelle face à cet homme que tu as tant admiré qu'il a pu te terrifier.
sa froideur naturelle et sa distance perpétuelle ne sont désormais plus que masquées derrière ce visage éreinté par les journées de travail infructueuses au conseil. et tu le comprenais. cette envie de baisser les bras te saisissait bien trop souvent les tripes pour que tu puisses le nier, ou le cacher aux yeux de celui qui apparaissait comme un frère pour toi.

une main tendue vers lui, tu poses cette dernière sur son bras, appuyant ton regard dans le sien.

— lazare buchanan n'est pas un homme qui se laisse abattre, ou alors tu n'es pas mon cousin.

il s'est toujours montré fier de sa position, et toi tu n'as jamais cessé d'être impressionné. peut-être que tes mots n'ont pas de sens, mais si tu ne sais pas avancer pour toi-même, tu veux le faire pour lui, pour lison, et pour amaryllis. pour ces vivants qui espèrent te croiser encore longtemps.

tu ne souris pas.
pourtant ton regard démontre toute l'affection que tu lui portes.

— ce n'est pas ce boulot qui viendra à bout de toi. pas après ce à quoi nous avons déjà fait face. les pertes de nos proches, de notre maison, de notre identité tant de fois piétiné. mais tu vois aujourd'hui, les buchanan sont toujours là. et on doit se montrer comme par le passé, fiers de qui nous sommes, de qui sont nos frères et nos soeurs, de qui sont nos parents. parce qu'ils sont là auprès de nous. auprès de toi.

l'émotion est toujours là bien que tu cherches à la masquer en détournant le regard, portant la tasse de thé à tes lèvres, pour en avaler une nouvelle gorgée.

(code) awona // avec @LAZARE BUCHANAN

diphylleia grayi

mai 2003 -- faestor; maison des buchanan


fatigué. c'est tout ce qu'il restait de l'homme fort et charismatique avec lequel tu as grandi. celui qui a toujours agi comme un grand frère plus qu'un cousin, qu'un patriarche. à la mort de tes parents, il ne restait plus que vous quatre, fratrie peinant à se relever. lazare s'est montré d'un soutien sans pareil, promettant de veiller sur chacun de vous pour soulager le poids sur les épaules d'ariel. et aujourd'hui, il ne restait plus que toi et amaryllis.
ariel et cara vous ont quitté, laissant derrière elle un frère désemparé et une petite soeur qui ne méritait pas de subir toutes ses pertes.

et lazare.
lazare n'a jamais failli à son rôle, prenant sur lui pour vous protéger. vous assurer que vous n'aurez plus à vous inquiéter.

— nous aussi, on tient à toi. j'aimerai faire un peu plus, mais comptes sur moi. toujours. on est une seule et même famille et je serai toujours là pour toi.

comme un ami. comme un frère.
au-delà des liens du sang.

tu portes ta main contre la sienne, et si tu ne parviens pas à sourire, tu exerces une légère pression. c'est tout ce qu'il vous reste, vous n'êtes plus que quatre, et si lison a choisi de faire sa vie loin d'ici, elle n'en est pas moins devenue ta soeur plus qu'une cousine.

— laz, les moeurs sont bien ancrées, je te l'accorde, mais souviens-toi, ils sont venus vers toi. tu es le maître des mots parce qu'il est arrivé un jour où ils t'ont offert ce poste. à toi. lazare buchanan. et pas à un autre.

avalant la dernière gorgée de l'infusion, tu poses la tasse vide sur le petit plateau avant de t'enfoncer dans le fauteuil, lui accordant le même regard plein d'admiration que tu avais pour lui, lorsque tu étais petit.

— tu ne peux pas baisser les bras alors qu'au fond, ils ont sûrement besoin de toi. tu es un entranger qui a trouvé une place au conseil écarlate, ce n'est quand même pas rien ! alors c'est sûr, le travail est difficile, ils ne sont pas réputés pour leur diplomatie ou leur politique, mais c'est justement là que tu peux tirer ton épingle dans ce jeu de pouvoir. nous ne sommes plus à tempelhelm et si le plus important c'est de vivre en sécurité, alors fais ce qui doit être fait. donne ta loyauté au roi et à la princesse. notre maison c'est ici laz. et on se doit de la protéger, pour amaryllis.

pour qu'elle grandisse dans la sérénité, qu'elle n'ait plus à craindre un monde où vous risqueriez de l'abandonner.

(code) awona // avec @LAZARE BUCHANAN

diphylleia grayi

mai 2003 -- faestor; maison des buchanan


si les regrets s'accumulent dans ton coeur à former des caillots de sang, jamais tu ne lui diras. car bien sûr, tu regrettes cette vie.
tu regrettes le temps de la ville sacré, la grande tempelhelm dressée dans les cieux.
tu regrettes votre position, celle d'une dynastie respectée.
qui aujourd'hui n'est plus.
tu regrettes tous ceux qui vous ont quitté.
tu regrettes les choix qui ont été faits.
tu regrettes ce qu'on vous a imposé.

mais tu le tais. incapable de dresser les sentiments dansant dans ton regard.
incapable de lui dire combien tu détestes ce que vous êtes devenus.
combien tu ne comprends pas, et tu n'acceptes pas cette hérétique sous votre toit.

le chaos s'installe davantage dans cette maison où il la laisse s'étaler. celle que tu tiens en partie responsable de la mort de tes parents, de ta descente aux enfers.
celle que tu tiens responsable de la déchirure de votre famille, de la mort des tiens, tu en es certain.

mais tu n'as pas le coeur à faire des reproches, ni d'hausser la voix.
paupières se ferment à cette main glissant dans tes cheveux.
coeur se serre à ces mots qu'il prononce.

des remerciements que tu ne mérites pourtant pas.
choix égoïste de le suivre uniquement car tu n'aurais pas eu la tutelle de ta petite soeur. qu'il ne t'aurait pas pensé capable de t'occuper d'elle.
toi qui es si instable malgré tes promesses.

tu te fais violence à ne rien relever en voyant l'émotion dans son regard, ne poses aucune question de peur d'entendre des vérités que tu n'es pas prêt à écouter.
pas maintenant qu'un semblant de calme semble enfin régner.

— il reste du thé dans la bouilloire, si tu souhaites te resservir.

qu'il se détende et ne pense plus au monde qui vous entoure.
et ne reste de vous que votre nom.

(code) awona // avec @LAZARE BUCHANAN