Lazare savait que les réunions n’avaient pas tendance s’éterniser, ca l’arrangeait bien car au côté de la princesse il y avait celle qui n’avait cessé de faire battre son cœur. Le seul bémol, c’est qu’aux yeux de tous, ils n’étaient plus ensemble, alors, il devait fuir son regard, il devait se retenir et paraitre froid.

Cette froideur, il s’en était drapé pendant des années quand sa simple influence suffisait encore a faire vivre sa famille. Il aurait aimé ne pas retomber dedans, mais, Aralia lui avait dit qu’elle avait un plan. Sa conviction était telle que Lazare n’avait d’autre choix que de la suivre dans son plan. Après leur soi-disant séparation, Aralia avait intégré le château, elle était celle qui accompagnait la princesse dans bien des lieux, Lazare détournait le regard a chaque fois qu’elle se montrait. C’était la meilleure solution au vu de la situation.

Les réunions se terminaient en général sur des salutations et chacun retournait dans son quartier, mais cette fois, Lazare n’avait pas prévu de se faire retenir par la princesse.
Elle avait demandé a tout le monde de disposer mais lui, devait rester.
Alors, il était resté dans cette pièce, il avait attendu que l’endroit se vide. Et évidemment, Aralia n’y faisait pas exception, elle était partie au côté du garde du corps de Mordred, un regard en coin, Lazare avait rapidement reporté a nouveau son intention sur la princesse qui ne perdait pas de temps pour s’adresser à lui.

« C’est vrai, Buchanan fut un temps un nom dont on ne pouvait ignorer l’existence. »

Mais aujourd’hui, c’est différent. Dans ce nouveau monde, c’était un nom parmi tant d’autre. Il inspirait doucement.
Reprenait sur sa lancée.

« Mais c’est du passé vous devez bien vous en doutez alors, si vous voulez m’appeler par mon prénom, faites donc. »

Lazare n’était plus vraiment attaché a son nom, mais il était encore attaché a ceux qui le portait fièrement. Cousin, cousine, sœur … tous ne cessaient d’occuper son esprit. Il ne se passait pas un seul jour sans qu’il se demande s’ils allaient réellement bien.

Il inspirait doucement.
Entendait les questionnements de la princesse. Calme. Il devait rester calme, il avait pourtant l’habitude de ce genre de situation. Avant, les choses étaient beaucoup plus faciles c’est vrai, mais il avait changé, il s’était préparé a ce genre de situation.
Alors tout irait bien, n’est-ce pas ?

« Vous êtes bien perspicace, mais vous devez savoir votre altesse que la relation que me lie a votre dame de compagnie ne fait plus partie du présent. Tout comme ce nom plein de prestige, ce n’est que l’affaire d’une histoire révolue. »

Il hoche doucement la tête. S’en convainc lui-même alors qu’au fond, il l’aime encore tant. C’est difficile de parler au passé de cette histoire quand elle occupe encore tant son esprit.
Il finira sur sa lancée, la voix calme, comme a son habitude.

« Je suis navré si mon comportement a pu vous froisser, j’espère que mes mots suffiront à dissiper ce malentendu. »

Que pouvait-il dire de plus après tout ?
Aralia avait un plan. Il devait le respecter.

Lazare savait reconnaitre cet agacement sur le visage de quelqu’un quand il y faisait face. Avait-il prononcé un mot de travers ? Non. Mais son cœur s’était serré a l’idée d’avoir du affirmer que son histoire d’amour appartenait au passé. Il avait longtemps fermé son cœur et maintenant, il devait a nouveau le fermer pour le bien du plan de Aralia.
C’était compliqué, bien plus complexe que toute ses prouesses de langage quand il faisait face a la famille royale.

Là en faisant face à la princesse, il sentait bien qu’elle ne comptait pas lâcher l’affaire. Tout aurait été si facile si la conversation s’était arrêtée a ses excuses.

Mais ce n’est pas le cas.
Mordred surenchérie.

Que cherche-t-elle ? Lazare plisse légèrement les yeux. Il ne comprend pas le but de la manœuvre. Elle cherche a lui faire avouer son amour pour Aralia.
Soit.

« Je ne vous ai pas mentis votre altesse, nous avons bien eu une histoire passée et quand bien même je pourrai encore ressentir des sentiments a son égard, il m’est a présent interdit de les partager avec cette dernière car nous ne sommes plus ensemble. »

Il inspire doucement. Même sa vie privée était une épreuve quand il s’agissait de s’expliquer face à ses altesses. Pire encore, il devait constamment se justifier. Il savait que c’était la vie qu’il avait choisi mais parfois c’était compliqué de l’encaisser. Sa situation avait tant changé…

« Vous savez, si je porte mon nom, ce n’est pas pour son prestige perdu mais parce qu’il me lie à des êtres qui me sont chers. »

Une famille.
Celle qu’il n’a pas envie d’oublier et qu’il n’oubliera jamais. Vivant ou mort, ils sont encore dans son esprit encore et encore.

Il soupire légèrement.
« Je vous répond donc le plus sincèrement du monde quand je vous dis que j’aurai beau encore ressentir quelque chose à son égard, cette histoire n’est plus d’actualité. C’est quelque chose auquel mon cœur va devoir s’y faire. »

Il dit les choses plus franchement et sait qu’ainsi il ne gâchera pas les plans d’Aralia, car, un amour a sens unique n’est rien d’autre qu’un amour voué à l’échec. Il donne l’impression d’être celui qui ne cesse d’aimer alors que la fin de l’histoire a pourtant bien été écrite. Il terminera d’une voix plus assurée.

« Cette place au conseil m’est d’une grande aide sachez-le, je suis de ceux qui se perde dans leur travail pour tourner la page et je suis actuellement en train de prendre sur moi pour passer ce cap. »

C’est bien vrai. Il n’a jamais cessé d’œuvrer pour sa famille quand ses fiançailles ont été rompus, maintenant, il ne peut qu’œuvrer pour le conseil en tant que maitre des mots.

Les mots étaient clairs. Bien exprimé, sans aucune arrière-pensée. Lazare le sentait bien.
Elle avait dit qu’il ne devait plus regarder sa dame de compagnie : Aralia. Un moment, il resta interdit, se disant que c’était bien ironique qu’on l’interdise de la regarder alors qu’au fond, il ne faisait que ca, éviter son regard. Il inspirait doucement, son cœur se serrait un peu mais il restait impassible.

Et elle semblait aller plus loin dans ses propos, demandant sa tête au moindre mot avec Aralia. Si elle savait… Alors, il se dit qu’il a peut-être déjà signé son arrêt de mort. C’est fou comme la vie s’amuse a lui rendre la tâche compliqué. Peut être aurait-il du rester dans son manoir et mourir de solitude. Mais maintenant qu’il était engagé sur cette pente glissante, il devait continuer sa route.

Il gardait le regard levé alors qu’elle termine en s’expliquant un peu plus.

« Votre altesse, si cela est votre désire alors qu’il en soit ainsi. »

Il ferme un court instant les yeux.
Les réouvre en la fixant à nouveau.

« Vous n’avez point besoin d’user de tel stratagème pour me voir m’éloigner de votre dame de compagnie, comme je l’ai souligné, c’était déjà dans mes projets. »

Il penche un peu la tête.
Se demande bien comment il a pu tomber dans une telle situation. Ne pourra-t-il jamais être simplement heureux avec Aralia ? Ca semble peine perdu. Encore ce soir, il aura besoin de voir son cousin pour parler de tout et de rien et oublier ce qui lui est arrivé en ce jour. Lazare s’accroche, il n’a qu’une envie, se replonger dans son travail a s’en rendre malade pour oublier.

« Etait-ce uniquement pour cela que vous m’avez demandé ? Si tel n’est pas le cas, alors je suis prêt à entendre la suite de vos propos en espérant vous avoir rassuré sur ce premier point. »

Il presse le temps, il s’efforce de rester impassible.

Lazare tentait tant bien que mal de se sortir de cette situation tendue, il la sentait prête a ordonner son exécution a tout moment. Il avait trop regardé Aralia, voilà la seule raison de cette entrevue. Et Mordred l’affirmait sans détours, alors, il inspirait. Se retenait de répondre car parfois, retenir ses mots étaient la meilleur chose a faire.

Elle finissait par poser une nouvelle question : bien plus compliqué. Elle cherchait vraiment a le faire tomber, il le sentait dans cette nouvelle question. Il restait impassible. Réfléchissait un court instant, juste assez pour ne pas être accusé de mentir.

« Votre frère est indéniablement un roi reconnu d’entre nous tous. Il n’est pas évident d’occuper ce rôle et pourtant, il s’impose sans mal au sein du royaume, c’est une qualité nécessaire a tout dirigeant. »

Il y aurait bien des choses a redire sur cette violence beaucoup trop utilisé a son gout mais Lazare savait rester a sa place. Ses mots restent doux. Ce n’était surement pas le moment d’exprimer un avis plus complet car il sentait cette tension apparente autour d’eux.

« Permettez-moi de vous poser une question a mon tour, pourquoi tant de questionnement ? Douteriez-vous de ma loyauté ? Je n’irai pas m’étaler en long discours mais sachez que si j’ai choisi ce rôle c’est par loyauté envers cette nation. »

L’air de dire qu’il n’a pas refusé d’être légat pour rien.
Lazare tenait a le réaffirmer.