voilà quelques jours que tu es parti en mission dans les ruines hantées aux côtés d'alvaro et mesange. la route fut longue pour rentrer à tempelhelm et tu n'avais plus qu'une hâte : poser tes affaires chez toi pour t'écrouler dans ton lit. impossible de garder le contact avec elijah lorsque tu pars en expédition, tu ne peux qu'espérer qu'il aille bien.

depuis la chute, et à la création d'ivoryrift, elijah t'a fait la demande de vivre avec lui, ne supportant plus l'idée de se retrouver loin de toi et tu as accepté.
il te tardait de pouvoir rester à ses côtés aussi longtemps que possible, souhaitant passer le plus gros de ton temps libre avec lui.
désirant vivre loin de la tour carter, il s'est installé dans ton appartement à elyon et tu l'as laissé faire comme bon lui semblait pour redécorer à son goût.

le pas pressé, tu montes les marches quatre à quatre avant de ralentir sur le palier, ouvrant la porte déverrouillée pour rentrer. un long soupir s'échappe de tes lèvres et tu t'avances, le pas traînant vers le salon.
souvenir se dessine sur la rétine et tu revois ton défunt meilleur ami, installé à côté de toi et se plaignant de sa relation chaotique. vague sourire étire tes lèvres quand tu secoues la tête pour découvrir elijah assis, un livre à la main.

— je suis rentré...

le ton essoufflé par le dernier effort, tu t'approches avant de t'écrouler à ses côtés, craquant les phalanges et les cervicales. tête reposant sur le dossier du canapé, tu étires tous tes muscles dans un énième soupir, satisfait d'être enfin chez vous.

ses mots t'arrachent un sourire et tu tournes lentement la tête vers lui. tu sais qu'il s'inquiète de ne pas te voir rentrer. que n'importe quoi pourrait t'arriver dans les terres oubliées. mais tu n'es plus le orion d'avant, aujourd'hui tu es plus que qualifié pour partir en expédition. plus haut gradé du groupe, tu as su montrer tes capacités et ainsi lui prouver qu'il pouvait avoir confiance.
il commence à toucher tes épaules et un doux soupir quitte à nouveau tes lèvres. tu te redresses et lui tournes le dos, dans une réclamation silencieuse.

— rien de cassé ! j'ai juste mal aux épaules... juste là.

et tu profites comme à chaque fois que tu rentres, de toute son attention portée sur toi. tu le sais capable de vérifier chaque centimètre de ta peau pour s'assurer que tu ne sois pas blessé. ça te fait toujours sourire, ton lion a beaucoup changé.

— je suis désolé, c'est compliqué de te contacter quand je ne suis pas dans une ville...

tu ne veux prendre aucun risque, à préférer guetter les épeires et t'en éloigner plutôt qu'être parasité par des notifications intenpestives et risquant de dévoiler ta position. tu profites encore de ce massage qu'il veut bien t'offrir avant de te tourner vers lui de nouveau. une envie de voir son visage, te rappeler combien ça fait du bien de rentrer à la maison pour le retrouver.

retirant ta cape et tes chaussures pour être plus à l'aise, tu t'enfonces dans le canapé, lui tendant les bras pour le laisser t'inspecter, non sans rouler des yeux. parce qu'elijah ne cèdera pas et tu n'es pas aussi têtu que lui. obéissant sagement, ton regard court sur ses boucles blondes avant que tu ne retires ta main des siennes pour la glisser dans ses cheveux.

— qu'est-ce qu'il s'est passé en mon absence, tu vas bien ?

est-il arrivé un jour que tu te sentes aussi coupable de reprendre ta vie en main ? as-tu seulement de vraies raisons de vouloir ta liberté en sacrifiant parfois ta relation ? en serait-il autrement avec un autre ? tant de questions qui persistent dans ton esprit, hantant les nuits quand tu n’as rien de mieux à faire que lustrer tes armes. tu n’as pas le courage de les lui poser. la peur sans doute de créer de nouvelles tensions.
tu es conscient que ça n’a jamais été ce qu’il voulait. lui aurait préféré une vie tranquille et sans doute aussi luxueuse que par le passé. et toi tu n’arrives plus à te complaire dans la facilité. épuisé de n’être qu’un pantin pour les autres. jouet qu’on a brisé tant de fois avant de le jeter.

le poids sur tes épaules est parfois difficile à porter. tu n’oses peut-être pas lui dire tout ce que tu as sur le coeur depuis tant de temps. toi qui n’as jamais su lui confier ton enfance auprès de parents abusifs ou absents. toi qui n’as connu que silence et violence. toi qui t’es construit en profitant de la culpabilité d’un homme à qui tu as ôté la vie, sans le moindre regret. pense-t-il sans doute qu’il a disparu dans les affrontements entre les dieux.
pourra-t-il encore t’aimer et te regarder dans les yeux lorsque tu lui avoueras la vérité ?

myocarde est lourd, douloureux, pourtant tu ne lui offres qu'un sourire doux, compatissant. tu sais. bien sûr que tu sais. mais t'excuser n'apporte plus rien. elijah a choisi de passer sa vie à tes côtés, peu importe le chemin que tu as souhaité emprunter.

si tu gardes pour toi les inquiétudes, tu ne peux t'empêcher de baisser un instant les yeux. tu culpabilises de l'enfermer dans une vie qu'il ne souhaite peut-être pas. lui imposant un rythme qu'il ne veut certainement pas. et malgré ton impression d'être indigne de lui, tu souris contre ses lèvres.

— je te promets que je ne repars pas ce soir.

galathea ne t'enverra pas de mission avant demain, peut-être dans quelques jours, te laissant un peu de répit. un peu de repos auprès de lui. une main glisse dans ses cheveux avec tendresse et tu te penches pour poser ta tête contre son torse, expirant doucement.

— je me suis assuré d'avoir au moins une nuit. je repartirai en exploration des ruines bientôt… mais pour l'heure, j'ai juste besoin de me reposer avec toi.

paupières se ferment lentement et tu inspires contre son vêtement, rassuré de sentir son parfum t'envelopper. les odeurs de l'appartement te font du bien. ici tu es pleinement en sécurité et pourtant la peur n'est jamais bien loin, macabre silhouette s'accrochant à ton corps, soufflant à tes oreilles, riant à ton nez. un jour ou l'autre, les vérités éclateront, et peut-être se rendra-t-il compte de tout le sang qui macule tes mains.

le silence semble te gagner, bercé par les caresses du lion dans tes cheveux, tu profites de ce calme qui ne dure pourtant pas bien longtemps. brisé par les réflexions de ton amoureux qui t'arrachent malgré toi un soupir. tu ne te redresses pourtant pas tout de suite, soufflant contre son coeur alors que les sourcils se froncent.

— rien de tel ?

doux rire s'échappe de tes lèvres et tu secoues la tête en te redressant pour faire face à son regard.

— le fléau est le même. n'as-tu pas entendu les paroles de l'eternel ? tempelhelm est liée à ces terres que nous foulons. le fléau qu'il était dans les cieux pour la cité, l'est également ici pour nous et pour les hakarois. je comprends que le passé te manque, mais ce passé n'est qu'un voile sur la vérité de ce monde. tu vivais dans la richesse et l'opulence, sans inquiétude sans doute, mais le monde n'est plus celui que l'on a connu.

une main se pose sur sa joue.
tu restes calme dans chaque mot, n'ayant aucune volonté de l'accuser, ni réprimer cette nostalgie qui ne l'a pas quittée.
étrangement ce monde ne te manque pas. seulement les souvenirs des rencontres.
mais là où tout n'était que souffrance, tu ne peux plus espérer un tel retour en arrière.

acclimaté à ce monde, à braver les terres oubliées, c'est là que s'est construite ta vie. là seulement que tu as fait le choix de la vivre, et non plus la subir.

plus d'une nuit de libre.
regard curieux se pose sur le carter et tu secoues la tête.

— je ne sais pas moi-même. j'ai demandé à rester sur tempelhelm demain, pour passer la journée avec toi. je sais que cette vie te pèse elijah… que ce n'est pas ce que tu voulais. je sais que ça t'énerve de ne pas avoir le contrôle sur la situation, et que tu t'inquiètes de mes excursions…

soupir las, la situation est la même qu'à tes débuts à ivoryrift, les disputes en moins, mais les inquiétudes et les angoisses d'elijah sont toujours là.
la vie t'a craché de ses entrailles et la mort n'a jamais voulu t'avaler lorsque les nombreuses occasions s'y prêtaient. tu l'as pourtant côtoyé, embrassé de tes mains tachées du carmin des tiens.

tu souffles pour toi-même, étirant tes mèches vers l'arrière avant de les nouer dans un chignon. regard terne se pose sur un vieux tableau accroché au mur.

— j'aimerais te faire des promesses. te dire que je serai là les prochains jours. qu'on aura du temps. mais accepteras-tu qu'il s'agisse d'un mensonge si je viens à recevoir une mission ? accepteras-tu de me faire confiance alors que je dois repartir ?

tu restes bien souvent vague pour ne pas le faire espérer.
pour ne pas croire toi-même avoir assez de temps pour le retrouver.

les mois passaient et les différences semblaient toujours autant vous éloigner. tu avais bien trop changé, ne restait de ce garçon que tu étais que les cicatrices du passé. un passé révolu que tu tendais à oublier. un passé qui continuait pourtant de te hanter.
et jamais vous ne tomberez d'accord à ce sujet. tout était de trop pour l'ancien dynaste, à commencer par tes absences.

— tu n'es plus prisonnier, elijah. ni de ton frère, ni de personne. tu es un homme libre.

aucun lien ne l'entrave. ou peut-être seulement les chaînes que tu veux poser à ses poignets. de peur qu'il t'abandonne à trop espérer.
tu y songes souvent, qu'il n'est pas fait pour cette vie que tu lui as imposée. une vie qu'il n'a finalement pas demandée. car elijah rêvait de plus grand. peut-être lui a-t-on proposé mieux, ailleurs, loin de toi. et qu'il a refusé. peut-être qu'on lui tend toujours la main, mais qu'il ne veut pas te quitter.

le poids de la culpabilité devient lourd à porter.
il te faut pourtant être égoïste cette fois.
tu as trop donné. tu as trop offert ta vie pour te voir piétiné.
s'il t'aime comme il le dit, il comprendra.

peut-être qu'il ne comprend plus.
ton regard s'attarde sur son visage, plonge dans ses yeux pour y lire tout ce qu'il ne veut pas encore t'avouer.

— est-ce que tu regrettes ?

avant au moins on pouvait encore en faire.
myocarde se serre douloureusement et ta main rejoint la sienne - brûlante sur ta joue - pour la retirer. comme si son toucher venait à t'enflammer.

— je t'impose une vie que tu ne veux pas. alors tu regrettes celle que tu avais avant de me rencontrer, n'est-ce pas ? c'était plus facile quand pour toi je n'existais pas.

lourd soupir s'échappe de tes lèvres et tu baisses la tête vers vos mains désormais liées.

— je ne pourrai jamais être assez désolé. et si tu souhaites partir parce que tu ne le supportes plus, je ne pourrai pas te forcer à rester… j'ai l'impression de ne pas pouvoir te rendre heureux et ça me rend fou.

la peur se lit dans le regard du lion.
celle de te perdre sans doute.
celle de ne plus trouver sa place.

là où l'enfant perdu avant, c'était toi.
te retrouve coincé entre la joie d'appartenir à quelque chose, et la peine d'y laisser celui que tu aimes. celui qui a tout abandonné pour t'accompagner dans cette vie qui ne lui ressemble pas.

des regrets tu en as. trop.
bien trop pour les exprimer. incapable d'ouvrir ce coeur encore abîmé, alors tu souffles, fermant un instant les yeux.

sa voix prononce de jolis mots et tu te retrouves à ouvrir les paupières pour croiser son regard, son front posé contre le tien.
les lèvres tremblent tant tu désires lui promettre que toi non plus, tu ne partiras pas.
mais peux-tu seulement y croire ?

un silence lui répond alors que tu hoches simplement la tête, glissant tes mains entre vos corps pour les voir retomber autour de ses épaules. l'empêchant de lire les émotions dansant dans ton regard, tu le serres fort dans tes bras, nichant ton visage contre sa peau.

— oui, ne pars pas.

retiens-moi, elijah.
de mener seul ce combat.
laisse-moi croire encore un peu à l'espoir.

paupières lourdes, coeur ébranlé, tu te caches. refusant qu'il voit toute la peur au fond de tes yeux. il fuira lorsque tu lui avoueras la vérité.
que le chaos a imposé sa marque dans tes chairs abîmées.
coule dans tes veines la mort avec laquelle tu as flirté.

il fuira. mais pas ce soir.
tu souhaites encore le croire enchaîné à cet amour empoisonné.