Comme un aimant, elle est attirée parfois vers ce quartier qui, autrefois, était rempli de vie et de vice. Pauvreté mais découverte, premier lieu qu’elle a osée affronter quand elle a eu cette liberté de se mouvoir en dehors de Aer Suburb. Ce dernier anéanti par l’affrontement alors que la chute s’engageait. Tombant du ciel comme des damnés, n’étant plus digne de flotter près de leur divinité après que la révolution fut « gagnée ».

Des pertes, il y en a eu partout.
Elle est bien heureuse d’avoir survécu et surtout que sa famille aussi en soit sortie indemne.

Ses yeux se lèvent, contemplent ce ciel qui paraît maintenant si loin, avant de se poser sur un banc qui traine, son carnet de dessin à la main. Il serait mentir de penser qu’elle n’est pas attachée au passé, pour autant elle n’est pas non plus enchainée à ces évènements au point d’en oublier l’avenir qui se présente. C’est juste qu’elle a parfois cette sensation… De frustration. Comme si on lui avait arrachée une vie pour la forcer à en vivre une autre. C’est un peu ce qui s’est passé vous me direz, elle devrait même être contente de cette nouvelle opportunité qui s’est présentée à elle.

Maintenant, elle est libre.
Elle sait se battre, elle a un pouvoir.
Le prix a juste été trop élevée pour que sa conscience soit tranquille.

Non, ce n’est pas de sa faute, elle ne porte pas tout le poids sur ses épaules. Elle réfléchit juste un peu trop, elle ressasse en se posant des questions qui resteront à jamais sans réponses. Si ça s’était passé autrement… Les fameuses théories qui finalement sont bien inutiles, les habitants ayant chacun fait un choix qui n’amenait fatalement qu’à cette fin.

Son crayon trace sur le papier, son air devient concentré.
Son passe-temps actuel est d’essayer de se souvenir au mieux de son quartier d’avant, celui qui flottait et qui donnait cette sensation de pouvoir voler. Celui qui avait pour héraut un certain Laurie Blomsberry qu’elle a quelque fois vue sans jamais avoir osée lui parler. Même maintenant qu’il fait partie des Ivoryrift, elle se sent toujours intimidée. C’était, après tout, un héros qu’elle admirait, l’assimilant à ceux qu’elle lisait dans ses romans.

Sur cette pensée, c’est un léger sourire qui naît. Tellement de choses ont changés, pas vrai ? Deux ans que son monde n’est plus le même. C’est à la fois de la joie et de la peine. Joie égoïste de pouvoir faire un peu ce qu’elle veut, peine car elle aurait souhaité que cela se passe autrement.
Son crayon s’arrête quand elle t’entend, sa tête se tourne automatiquement et son air devient plus doux quand ses yeux croisent les tiens.

« Alessio… Je ne m’attendais pas à ce que tu sois là. Tout va bien ? »

Ah Alessio. Tu as été… Non, tu es toujours comme un pilier dans sa vie. Car vous vous êtes retrouvés dans la même situation, celle d’un rejet parce que vous étiez différents. Cette anomalie vous a permis d’être deux face à l’adversité et c’est sans surprise qu’elle t’a suivi alors que tu as choisi Ishtar comme guide dans cette nouvelle vie.

« Si tu veux une nouvelle mission, il va falloir attendre un peu. J’ai donné les dernières quêtes reçues ce matin même. »

Ce groupe est occupé en permanence.
Tant mieux.
Comme ça vous avancez, doucement mais sûrement.

Gael.
Ce surnom lui fait remonter des souvenirs d’une époque maintenant à la fois si proche et si lointaine. Ça ne remontre pourtant qu’à deux ans mais les évènements sont passés tellement rapidement qu’elle a l’impression que cela fait bien plus longtemps. Le changement s’est imposé, il a écrasé la vie d’avant pour s’adapter à celle de maintenant.

« Gael… Tu sais que tu es encore le seul à m’appeler comme ça ? »

Elle a bien conscience de s’être présentée de cette façon mais les habitudes ont la vie dure. Et puis quelque part, t’entendre encore l’interpeller ainsi lui remplit le cœur de nostalgie. Tu as changé aussi mais pas en mal Alessio. Non, tu t’affirmes, tu oses plus t’exprimer quitte à désobéir afin de faire ce qui te semble juste. Quelle belle évolution tu as, digne d’un héro de roman qu’elle lisait autrefois.

« Je vais bien aussi, je me perdais aussi… J’essaie de dessiner Aer Suburb mais mes souvenirs sont un peu flou, au final j’y ai passé beaucoup de temps mais je n’ai pas vraiment explorée ce quartier… »

Non, elle est juste restée enfermée dans sa chambre une partie de sa vie sans oser sortir avant que son frère n’arrive et ne la libère de tout ça. Osant sortir en s’appelant Gael pour ne pas qu’on comprenne qu’elle n’est pas normale et qu’on la rejette sans essayer de la connaître. Tu sembles ensuite désigner quelqu’un Alessio mais les yeux de Galathea ne peuvent pas le voir, spectre qui restera à jamais invisible aux yeux de la jeune femme.

« Non ne t’en fais pas… Avec qui est-ce que tu es ? Je ne peux pas voir les esprits donc… J’imagine que c’est Pipou ? »

D’où la caresse dans le vide que tu as fait il y a tout juste quelques instants. Lui-même étant mort en ces lieux après cette catastrophe, il ne serait donc pas étonnant que son esprit erre dans les parages. Voir qu’il soit complètement accroché à toi, n’est-ce pas ?

« Il va bien, je lui envoi souvent des messages. J’aimerais aussi lui envoyer une peinture mais je ne sais pas quoi prendre comme modèle… Je n’ai eu l’occasion de beaucoup voir Céleste, j’aimerais bien lui faire quelque chose en rapport avec elle mais… Peut-être que ça lui fera plus de mal que de bien. »

Il a l’air d’être en paix sur ce sujet.
Mais son regard semble à jamais éteint après ce qu’il s’est passé.
Peut-être que d’avoir juste son portrait pourrait le soulager, même un peu ?

« J’y pense… Mais tu aimerais avoir quelque chose toi aussi ? »

Tête qui se penche, soudainement curieuse.
Étrange, qu’elle ne t’en ai jamais fait la demande.