août :: Understadt


La discussion avait tourné bien vite. Sans même t’en rendre compte. Tu te retrouvais à présent dans une situation inconfortable. Pour vous deux. Tu t’en mordrais les lèvres si tu étais derrière ton olid. Le souci. C’est qu’ici et maintenant. Ton interlocuteur était bel et bien en face de toi. Tout était tellement plus simple de l’autre côté. Et si inutilement compliqué ici. C’est dans ce genre de moment que tu en venais à regretter la réalité. Bien peu pratique, pour un être tel que toi.

Tu me rassures. J’avais peur que ce ne soit pas le cas….

Il faut dire qu’être borgne n’était pas dans les critères de chance. De personne. Tu admirais le recul dont il faisait preuve par rapport à cette perte. Il possédait réellement une force que tu étais incapable d’afficher. Voir même de comprendre. Mais que tu ne pouvais t’empêcher d’idolâtrer. A l’image d’une incroyable découverte que tu venais de faire.

C’est ce que je me dis également.

Là encore, tu manquais d’éléments de comparaisons. Tu n’avais qu’une facette de cette vie. Tu n’avais aucune idée d’à quel point l’autre côté pouvait être éprouvant. Tu ne pouvais qu’imaginer ce qu’il serait. La seule conclusion que tu avais trouvé à ces interrogations. La tienne n’était pas particulièrement enviable non plus. Une preuve de plus que sa volonté était bien plus solide que la tienne. Quoi que, tu n’en doutais pas réellement de ce point en particulier.

Franchement, je t’admire. Tu prends tout avec une facilité déconcertante.

Presque envieux de ce don qu’il avait. Presque une jalousie naissante. Tu aimerais aussi pouvoir te détacher du reste. De ce monde. De ce passé qui t’entrave et qui t’enchaîne. Qui avait forgé la personne que tu étais devenu, bien malgré toi. Tu as longtemps vécu en pensant que tout était prédestiné. En le voyant, un léger doute commençait à naître dans ton esprit. Peut-être que ce n’était pas le cas pour tout le monde.

Perdu. Ce mot t’arracha un nouveau rictus. Une nouvelle grimace. Tu pouvais t’étendre longuement sur la question. Il y avait tant à dire. Tant à raconter. Principalement tes regrets. Pourtant, tu n’avais aucunement l’intention de lui infliger ça. Tes états d’âmes. Ce n’était pas à lui de le supporter à ta place.

Certaines choses…. Ma famille. Dans un murmure presque inaudible. Rien qui ne vaille la peine d’en parler. (Plus à présent)

Et voilà que le sourire triste refait surface. Tu te forces à sourire, à paraître heureux. Distant comme lui. Mais force est de constater que tu en étais incapable présentement. Alors que tu arrivais pourtant à maintenir un semblant de masque en temps normal. Tu ne pouvais plus te résoudre à lui mentir. A faire semblant. Une fois de plus. Une fois de trop.

J’y compte bien. On est parti pour en plus.

Tu levas ton verre d’ice tea en l’air. Vers adl. Comme si tu portais un toast. Tu n’avais pas de vin, encore moins d’alcool. Mais c’était mieux que rien. C’était le symbole qui comptait réellement. Rien d’autre. Comme pour les cadeaux. L’intention qui prime avant tout.

A Legion. A nos nombreuses découvertes. Et aux nerfs de la guerre. L’information !

Cul sec le vert. Facile sans boisson alcoolisé. Moins risqué. Si ce n’est le hoquet. Rien d’insurmontable. Et rien susceptible de te ridiculiser davantage. Que demander de plus ?

Tu comptes repasser à l’occasion ou ce n’était qu’une visite de présentation ?

Tu avais beau lui sourire. Tu avais beau en rire. Tu sentais malgré tout cette pointe lancinante qui te prenais. Te blessant de l’intérieur. Conscient que tu retrouveras ta solitude de toujours après son départ.

août :: Understadt


Il y avait quelque chose de rassurant dans son comportement. Presque d’apaisant. Tu te sentais bien en sa compagnie. Suffisamment pour ne pas être stressé en permanence, l’esprit en totale ébullition. Oui, cette rencontre, bien qu’inattendu, avait été plus qu’agréable à tes yeux. C’était l’une des premières et elle n’avait pas manqué de te faire sourire. Même en y repensant. Même lorsque tu levais ton toast l’air insouciant.

Le voir t’accompagner dans chacune de tes lubies. Rien que pour ça, tu voulais le remercier davantage. Mais plus que tout, tu ne voulais pas le mettre mal à l’aise sous une pluie de reconnaissance. Alors tu restes muet, tu gardes le silence. Tu l’écoutes, de façon détachée, c’est à ton tour à présent.

Je t’inviterai à l’occasion alors. A voir. Advienne que pourra.

Tu hausses les épaules. Tu sembles distant face à cette perspective. Alors qu’en réalité. Tu étais tiraillé. Entre l’agréable journée que tu venais de passer. La sensation d’amitié que tu nourrissais face à adl. Et la gêne à l’idée de l’inviter. De l’obliger à se déplacer. Encore. Toujours autant camouflé. De peur de t’imposer. De le déranger dans ses recherches.

On verra.

Autant laisser l’avenir décider. Si tu étais incapable de le faire à sa place. Par dépit, tu passes à autre chose. Le regard rivé vers ton olid. Vers ton repère de toujours. Ta planque usuelle. Ton compagnon des nuits incertaines, passés sous la couette sous les hurlements de ton père sur ton frère. Une nuit comme une autre.

Du coin de l’œil, tu le vis se lever en silence. Se diriger vers la sortie. Il était l’heure. L’heure pour lui de rentrer. L’heure pour lui de quitter cette pièce. L’heure pour cette pièce de regagner son statut initial. De vide, éclairé par les faibles lueurs de tes olids. Rien de plus. Ou nulle autre voix que la tienne ne viendra troubler son silence.

Tu ne craignais pas la solitude.

Persuadé que tu y étais habitué.

Tu te retournas vers lui, lui offrant un dernier sourire. Accompagné d’un léger signe de la main.

Merci adl. Au plaisir.

De se revoir. De se recroiser. De pouvoir à nouveaux échanger. Non pas à travers leurs olids. Non pas à travers la distance. Mais bien l’un en face de l’autre. Comme maintenant. Comme deux amis. Pourtant si distants.

C’était la vie que tu avais choisi.

La solitude que tu avais accepté.