Elle tourne sur elle-même, Juniper et ses bas blanchis par les mains de l’Understadt, elle s’admirait de cette vanité simple des petites filles. Voilà que son reflet prenait les traits de cette autre qu’elle aurait pu être, si elle était née en août. Si Juniper avait été une Carter, ses cheveux auraient été noués de la même manière derrière ce béret de velours rigide. Si Juniper avait été une Carter, son existence aurait été magnifique compressée sous le regard de cette pathétique ville.

Un baiser envoyé à son reflet et elle s’envole de sa ridicule allégresse. Voici que ses pensées se formaient dans le semblable moule que ceux des enfants se déguisant pour le malin plaisir de duper la volonté des Dieux quant à leurs apparences. Urielle y verrait-elle autre chose que cette petite bourgeoise aux pièces volées ou rachetées aux suppliants devant le sol de l’Understadt ? Ce florilège de possibilité lui semblait infinie sous les cieux clairs de cette journée d’été, et c’était d’un grisant dont l’inexplicabilité rendait le florilège de possibilité d’un rouge conquête splendide.

Il est temps de partir, tirée par toutes les épingles et pourtant aucun marionnettiste ne tirait ses fils. Il fallait apprendre à marcher, apprendre à sourire, apprendre à tromper le monde. Bien heureux est son père de lui avoir appris que chaque mensonge valait dix fois la vérité par le soin élaboré qu’on apportait à ceux-çi. Elle désirait se rapprocher d’Urielle car, non pas que la personne de cette génitrice choisie pour son potentiel par son frère lui plaisait, elle possédait l’accès direct à l’esprit malléable de ses neveux et nièces. Un exquis festin de doux rêves se déployait sous ses doigts et elle était prête pour cela à jouer dans la main de cette très chère belle sœur.

De quoi pouvaient-elles bien parler ces deux femmes opposées par la naissance et la vie ? Voici ce qui aurait pu alourdir son cœur de vaines préoccupations. Mais Juniper n’était pas ce genre de femmes, même si il était plutôt compliqué de définir quel genre de personne elle était. Elle supesait chaque aspect d’elle pour l’offrance à la matriarche Carter, la femme qui occupait la position tant convoitée par son père.

Elle allait lui dire qu’elle se sustentait du respect pour offrir comme pitance à ses admirateurs, la somme de sa grâce et de son pedigree. On la disait mère poule.

(les poules sont mangées par les lionnes)

Les photos étaient imprimées dans son cerveau tandis que dans les vitres du métro la guidant dans cette tour mille fois connues, elle mimitait les sourires de cette femme. Mais quand bien même, quelle étrange coïncidence qu’elle accepte. Ian avait-il mentionné son existence ? Fort distrayant, les pièces se mouvaient de plus en plus sur l'échiquier désolée de la ville chérie d’Omni.

Arrivée devant le café, on la fit entrer sans contrainte. Il fallut l’annoncer sous ce nom ridicule qu’elle s’était inventée et là voilà face à la chevelure noirâtre de la femme de son frère. La pièce commence, plus aucun bruit dans la salle et les souffles se suspendent au milieu de la salle tel les gouttelettes d’eau qui par leur condensation et leur maintien, formaient les nuages.

-Bonjour Urielle, merci de venir à ma rencontre malgré votre emploi du temps rempli. Ian vous a-t-il parlé de moi ?

Pluie, brouhaha. Dante écrit désormais furieusement sa comédie divine. Qui sera le dindon de cette hâblerie ? Cette politesse était si râpeuse comme costume, vivement que leurs coeurs se trouvent à nus.