Dans la boue jusqu’au cou

Tous ces jours – bien trop de jours – passés ici bas ne réussissent guère à Saul Grant. (à qui réussissent-ils, hein ?) L’ex Envoyé de l’Eau refuse toujours autant d’accepter pleinement ce qui s’est passé, ce 19 février, et il n’est probablement pas le seul. Pour certains, cette colère est un moteur et leur permet de rester debout, à croire et fomenter des plans, des actions, pour reconquérir Tempelhelm. Saul le souhaite tout autant, bien sûr, mais les séquelles sont grandes et nombreuses, et au-delà de ses actions pour aider le groupe des Catharsis, pour sécuriser la zone et réfléchir à quoi faire ou comment, il rumine.

Il rumine beaucoup. Un peu trop. Ressasser sa rage, sa haine et sa culpabilité n’a rien de bon. Pire, il voit des ennemis partout, un danger omniprésent, des trahisons à chaque coin de rue. Il refuse d’être naïf comme il a pu l’être, par le passé. Alors, dans les premiers temps des Catharsis, il s’est avant tout tourné vers ceux qu’il connaissait (ou croyait connaître, tout du moins). Comme une nécessité pour se reconstruire, en parti. Auguste, forcément, dont la présence est comme une béquille inespérée, indispensable pour se relever. Cassian également, compère Envoyé et dont l’expertise de l’Understadt est une force pour le groupe mené par Graham. Ses cinq brigadiers, enfin, qui l’ont accompagné sans ciller vers une mort annoncée…

D’autres visages connus et un, en particulier, Rose. S’il n’est pas ignorant de ce qu’elle est devenue, avant l’ascension des Nemesis, il ne s’attendait pas forcément à la voir ici, dans l’ombre de l’Understadt. Et pourtant. Il lui a fallu quelques jours pour l’aborder, pour se faire à l’idée que cette femme qui a parlé d’une voix si assurée, lors du premier Forum Catharsis était bien le jeune chat sauvage qui l’avait accompagné, jeune brigadier, dans un périple dans les rues de Bomei, à l’époque. Ils s’étaient revus puis éloignés, et la retrouver là est quelque peu déstabilisant. Il ne l’a vue évoluer que de loin en tant qu’inquisitrice, conscient des exactions qui l’avaient menée jusqu’à ce rôle.

Dans la situation qui les préoccupe aujourd’hui, tout cela ne compte guère. L’important est de vivre. L’important est d’agir. L’important est de réussir par tous les moyens à jouer les fauteurs de troubles dans les plans des Nemesis. Et ça, il y croit. Petit à petit leur groupe se structure, avec quelques contacts là-haut. Alors, un jour, de but en blanc, le voilà qui lance à Azrael (appellation avec laquelle il n’arrive guère à se faire) : « Hé, mademoiselle l’inquisitrice, ça te dit un entraînement ? Faudrait pas que tu rouilles... » Un sourire sur les lèvres. Interagir avec Rose, malgré les années passées et le contexte, lui rappelle toujours leur rencontre et l’énergie bouillonnante qu’elle avait alors.

« Cet aprem, tu sais où, ramène ta sœur, si tu veux. »

Tu sais où étant une espèce de zone aménagée de bric et de broc, avec de l’eau stagnante dans un coin et différents trucs trouvés par-ci par-là faisant à la fois office d’obstacles et de mannequins. Tout est bon à prendre quand il s’agit de s’entraîner.

Quant à l'invitation étendue à sa sœur, ce n'est pas anodin. Il voit bien la proximité entre les deux jeunes femmes et se dit qu'un entraînement peut être bon à prendre, pour l'une comme pour l'autre. Son côté ancien Envoyé qui parle, probablement... on n'est jamais assez entraîné, surtout contre la fourberie à l’œuvre, au-dessus de leurs têtes.