[MARIAGE] Pour toutes les promesses faites (Allani + Alma)

Et toutes celles brisées.

Everybodies Dies - | outfit
@Alma Marquez
24/05/1996

Le bonheur lui avait tant souvent apparu comme une denrée indigne d’être goûté, on y trempait ses lèvres que pour sentir le manque qui ne saurait tarder à venir l’instant même où l’on s’était accoutumé. Oui, Allani avait toujours sincèrement cru qu’elle ne pourrait être que témoins des liesses et s’en contenter, le sourire soulagé de ne pas être la victime de cette chute à venir.

Mais cette nuit là, quand Alvaro et Ishtar serraient leurs mains sous la Lune, quand leurs sourires furent harmonieux, Allani eut sa propre liesse. Son propre bonheur ridicule. Peut-être qu’ils méritaient d’être ainsi heureux. Non le doute ne pouvait pas se glisser dans ses pensées, ils devaient l’être car de leur bonheur pouvait découler la plus sincère des raisons pour ce chaos dans lequel le monde était plongé.

Attablés à eux se détachaient les ombres de ceux qu’elle avait hait et qu’elle ne pouvait se résoudre à apprécier, des ennemis d’antan comme des amis d’autrefois. Cela n’était pas à propos d’eux, chuchotait-elle. C’est pour les Forbes, ce couple dont le sens devait dépasser le vacarme et les cris. Les apôtres déambulaient dans la salle comme d’ordinaires hommes, les cavaliers riaient et buvaient avec la vigueur des nouveaux morts et comme un président macabre, Isaac Weidmann se détachait de l’assemblée.

Soupir étouffé par sa main, Allani se contemplait vainement. Avait-elle été plus belle que ce moment là ? Robe offerte et choisie par Dame Forbes, les souliers d’un or qu’elle savait authentique, les oreilles alourdies de ce même matériaux et les mèches d’un blanc passé tressé des fils d’or trouvés. Oui, elle était des mêmes teintes que ceux qui appartenait à Dame Forbes. Aidès batifollait sous son regard, elle l’avait laissé vaqué, voyant dans sa jeunesse les dernières lueurs de son innocence.

Maintenant son regard se portait vers son frère. Côte à côté par l’accident des mouvements, elle ne lui avait pas parlé. Un regard qu’elle avait laissé glissé sur son accoutrement, une façon bien à elle de lui dire qu’elle le trouvait beau même si le coeur ne voulait pas l’admettre. Dans l’assemblée, elle avait vu le regard lourd de reproches d’Aldoria sur l’or qu’elle portait.

Soupir et le verre se porta à ses lèvres.

Que dire ? Que ne pas dire ?
Allani ne souhaitait pas teindre sa joie des affres comportementales de son frère.

Alors elle ne dit rien.
Jusqu’à qu’elle entrevit ses lèvres s’ouvrir.

-Non.

Ton qu’elle savait ferme, regard glissé à la dérobée.

-Tu vas t’excuser et j’ai pas envie d’entendre ça, Alma.

Le verre revint à ses lèvres, nonchlance crispée.

-Je n’ai rien à te pardonner maintenant. Je sais juste pas de quoi te parler. Sommes nous amis, famille ou inconnus ? Au fond, peut-être que je ne t’ai jamais connu, Alma.

Et cette phrase sonnait comme une sentence. Son regard continuait de suivre les arabesques de son fils.

by delirium

under the cities lies a heart made of ground but the humans will give no love ★ Alma ft Allani

Les festivités s’ancrent aujourd’hui dans ce climat chaotique, comme un éclat de vie dans ces paysages engouffrés par la mort ; la salle se pare de décorations soignées, de mets concoctés et de tenues apprêtées — leur découverte n'étant que les signes d'une existence écartée de la normalité. Peut-être est-ce la raison pour laquelle tu as choisi d’inviter Amadis ; amitié tissée dans la galère, habitants de la misère, un air familier avec qui explorer ce nouvel univers.

Car, où serais-tu aujourd’hui si tu n’avais pas croisé le chemin d’Eclipse ?
Ton allégeance s’insère dans une fatalité écrite à l’encre indélébile ; la divinité du chaos attire à elle les réprouvés comme le puissant aimant s’approprient les fragments de fer.
Négligeant ce qu’ils laissent derrière.
Et le destin a décidé de croiser ton chemin avec celui de ta grande sœur.
Allani, le nom ayant porté le chagrin de ta trahison ; Allani, le nom de la sainte qui ne t’aurait jamais infligé un abandon.

Quelle ironie.

Le vacarme de l'assemblée accentue le silence qui vous enveloppe dans cette bulle édifiée.
Un verre coincé entre tes paumes, tu n'oses siroter la moindre goutte du breuvage ; l'attention portée sur Allani, ton regard détaille silencieusement sa tenue gracieuse.
Les yeux dérivent sur les silhouettes connues, dispersées dans la foule, comme pour combler ce malaise, avant de toujours retourner vers elle, n'osant jamais briser ce calme oppressant.

Faut-il encore prononcer
"Je suis désolé" ?

Comme une pensée dérobée, elle balaie toute tentative de s'orienter dans cette voie, formule ce constat partagé qu'il est difficile de trouver un sujet de discussion.
Sa sentence pique le cœur, affiche une mélancolie coupable.

— Peut-être…

Ta voix sonnant comme un souffle incertain.
Tes pupilles perdent leur étincelle, obliquent sur le côté, les paupières mi-closes. L’air pensif, quelques secondes s’écoulent avant que tu ne soupires, l’air sérieux.

— Non… Tu as raison. Au fond, peut-être que je ne t’ai jamais vraiment laissé me connaître. Peut-être qu’il y a encore ça… à me pardonner.

Les cordes vocales tintant de regrets et de maladresse. A avoir dressé des murs de secrets étouffés pour ne pas faire fuir chaque individu qui te tolérait. Pour garder les gens à proximité tout en maintenant une distance contrôlée. Et briser ces frontières pour incarner le réservoir des intentions d’autrui. Si tu demeurais le pantin de tes affres, Allani incarnait la victime.

— Moi non plus, je ne sais pas… Je sais juste que je ne te vois pas comme une inconnue. Je n’y arriverai pas… je pense.

Perdu dans ce brouillard émotionnel, formuler tes idées apparaît comme une épreuve éreintante. Conscient de la colère qu’elle renferme, conscient de ses anciens désirs de t’arracher ton dernier souffle de vie.
Et alors que ce mois a insufflé une félicité terne dans ton cœur, tu ne souhaites pas que cette journée hors des temples soit infesté d’embarras. Elle dévoile des nouveautés te permettant de te distraire dans cette morosité, alors ta voix s’imprègne d'une douceur gênée, le regard dirigé vers la foule.

— Je ne savais pas que tu avais un fils. Tu m’avais dit que certains de nos frères et sœurs étaient parents, mais je ne savais pas que toi aussi… Si tu ne sais pas de quoi me parler, tu peux me parler de lui.

Le coin des lèvres faiblement remonté, tes prunelles se dirigent vers la silhouette d’un adolescent qui semble attirer son attention.

— C’est lui, là-bas ?

Y a-t-il ne serait-ce encore qu'une chance pour converser
En ignorant le poids de tout ce qu'emmêle le passé ?

Et toutes celles brisées.

Everybodies Dies - | outfit
@Alma Marquez
24/05/1996

Il parlait, enchaînait ses petits mots plein des intonations du doute et de la peine. Autrefois il l’aurai attendri ainsi empétré dans une sociabilisation qu’elle savait lacunaire, Allani lui aurai tendu ses doigts pour qu’il s’y accroche et lui aurai promis que peu importe ce qu’il souhaitait dire, elle le comprenait.

Cela devait convenir à la définition d’une faute originelle, celle dont les conséquences transparaissent aujourd’hui. N’avait-elle pas formater son frère à lui dire que ce qu’il lui convenait ? Et lui avait accepté ce jeu car il désirait être aimé ou se servir d’elle. Allani ne lui en tenait guère rigueur désormais, elle savait à quel point tout le monde ne vivait que pour se servir d’autrui.

Cela pouvait être tout à fait innocemment, tout à fait simplement des faits lissés et oubliés pour un altruisme dépassé ou avec des intentions bien plus sombres qu’Allani les pardonnait tous.

-Tu n’as pas besoin de mon pardon.

Allani le regardait son frère, son fils, son aimé et celui pour qui elle avait juré tout et rien, une protection contre les plaies et une source infinie de biens matériels pour ses pas. Elle se rappelait de la première fois que sa peau a touché celle plus sombre de son cadet, de cette petite bouche étirée en un baillement et de son visage qu’il a pressé contre son sein d’enfant. Allani se rappelait de l’émerveillement que ce petit coeur lui avait procuré et du rire de leur père.

“Tu seras une bonne mère plus tard.”

Voici plus tard papa. Voici les années passées, déchainées. Alma traître et apôtre, Allani traître et rien.

-Tu n’as pas besoin de mon pardon Alma, parce que je t’ai forcé à la faute. Tu n’étais plus ce bébé que j’avais le devoir de protéger et d’aimer. C’est d’autant plus douloureux car j’ai la sensation que si mes choix avaient différents, si j’avais été plus forte, tu n’aurai pas été ici à danser avec des monstres. Mais peut-être que c’est moi qui pense trop hautement de moi même ou de toi.

Comme une habitude jamais guérie, elle laissait sa main courir dans ses cheveux. Pour sentir la douceur des mèches sous sa main désormais rugeuse, pour s’apaiser elle-même ne pas laisser les larmes d’indifférence ruiner le travail fait sur sa figure. Elle lui sourit quand il lui dit qu’elle n’arriverai pas à la voir comme une inconnue. Elle aimerai de ne pas arriver à le voir tout court, juste reprendre son verre et prendre le bras d’un inconnu pour danser. On danse jusqu’à la fin des temps, la trahison de l’absolu.

-Voyons nous justes comme ce que nous sommes, Alma Marquez.

Elle ne disait rien et tout en même temps, il n’était que le fruit du même sang qu’elle et de ce fait, cette famille qu’elle avait pensé posséder par le sang n’existait plus. Allani se trouvait désormais seule et pour la première fois de sa vie, elle n’en souffrit pas. La voix timorée d’Alma lui arracha un rire furtif, oui, le fils. Elle lui avait dit , il est vrai.

-Tiens tu tant que ça à me parler ?

Elle se tenait face à lui désormais, grande par sa stature mais petite par ses rêves.

-Mais oui, c’est lui. Il s’appelle Aidès Skyler-Marquez, je l’ai eu quand j’avais…16 ans je crois ? Obligée de l’abandonner, j’aimais pas parler de lui même à toi. Je voulais pas qu’on sache que je l’ai abandonné. Son père est Gage Seadust, c’est drôle comme le hasard est fait. Vous êtes désormais collègues pas vrai ?

Aidès lui faisait un signe de la main et elle lui rendit, souriante, heureuse un instant.

-Il me ressemble, pas vrai ?

Parce qu’au fond, Allani restait hantée par les mots de Gage.

by delirium

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