Cette ambivalence le rongeait. À la fois, Auguste avait l’impression que Catharsis progressait, plutôt rapidement, à la fois, il ressentait l’envie d’aller plus vite, bien plus vite. Remonter à la surface, sentir les rayons du soleil sur son visage lui manquait terriblement. L’espoir que cela se réalise avait été ranimé, lorsqu’une alliance avec Elyon fut établie. Certains diront qu’il a joué des coudes de manière égoïste, d’autres qu’il est tout simplement légitime à avoir son signal GPS désactivé… Le moustachu ne s’était pas fait prié pour obtenir ce passe-droit. Il en était rendu là, tel un rat heureux d’apprendre qu’il pourra remonter à la surface, contrairement à ceux dont le signal provoquerait une mort atroce de la main des Némésis.

Bien sûr, ce nouvel atout, mettant en péril la vie de certains rebelles de la tyrannie imposée par Weidmann, n’était pas destiné à assouvir le simple plaisir de sentir l’air frais dans ses cheveux. Et bien que l’envie de parcourir la Cité Haute pour retrouver son fils lui avait traversé l’esprit, Auguste se cantonna à la mission qui lui avait été attribuée, en compagnie de l’envoyé.e de l’Air Zora et de la gardienne du temple de la Terre Harper. Enfin, pouvait-il toujours les assimiler à ces fonctions ici-bas ? C’est que les vieilles habitudes sont tenaces. L’espoir un peu revenu dans le camp de fortune des Catharsis propageait cette manie de parler du passé comme s’il était palpable, comme s’il allait très bientôt se mêler à l’avenir. Pourtant, pas d’illusion à ce sujet, ce sera extrêmement laborieux.

Les contacts au-dessus n’étaient pas nombreux, ils prenaient moult risques à chaque action menée pour aider un tant soit peu Catharsis. Cette nuit, c’était un membre des Buchanan qui leur avait donné un prétexte pour retrouver la surface. Le but ? Récupérer une cargaison de produits d’hygiène de base, mais surtout de médicaments et autres antibiotiques, que Zayn avait rassemblé à un point stratégique, dont la position leur avait été communiquée en toute discrétion. Graham n’avait plus eu qu’à choisir les rebelles qui devront s’y rendre et à leur confier des ordres.

La marche à suivre était simple comme bonjour : ne pas se faire voir, ne pas se faire entendre, ne pas être retenu prisonnier, le cas échéant ne rien dire à l’ennemi. Il n’était pas question non plus de tuer ou de prendre pour prisonnier un Némésis, ou un civil apparut au mauvais moment, au mauvais endroit. La disparition d’un signal GPS des radars de l’ennemi, en une fraction de seconde, mènerait sans doute les fanatiques à faire une incursion dans l’Understadt. Et Catharsis n’était pas prêt, d’où la discrétion, d’où les précautions à n’en plus finir. Il ne fallait pas non plus que l’avantage d’une alliance avec Elyon soit mise en péril, que ceux d’en haut soient démasqués et qu’ils perdent cet espoir.

La nuit était tombée, bien qu’en dessous de la Cité Haute, cela ne faisait pas grande différence. Le trio s’était préparé ensemble, pour une meilleure cohésion. Il régnait entre eux une certaine excitation. Bien sûr, pas de blague à outrance, ni de petits cris de joie. C’était simplement l’idée de respirer un air frais et sain, de sentir une brise passer sur leur nuque et de pouvoir lever les yeux vers le ciel étoilé, qui les plongeait dans une certaine effervescence. Les derniers préparatifs terminés, Auguste s’était assuré de serrer la main de Saul, son meilleur allié et ami ici-bas, histoire que, s’il ne revenait pas, il n’aurait pas le regret de ne pas l’avoir vu une dernière fois.

Chacun possédait dans son dos un sac pour ramener les vivres. Auguste, lui, avait opté pour l’un de ces sacs très grands, que l’on utilise notamment dans l’armée, supposés contenir l’équivalent de son propre poids. Sa constitution, son endurance et sa forme physique lui permettront de bourrer au maximum son sac, tout en suivant le rythme du retour. Ils se trouvaient à la limite de l’Understadt. Il pouvait déjà imaginer l’éclat des étoiles se reflétant dans ses iris. Ici encore, ils pouvaient parler sans craindre d’être entendus, alors il s’adressa à ses compagnons de missions.

- Prêts les enfants ?

Oui, bon. Son fils lui manquait gravement et on ne lui enlèvera jamais le rôle de papa poule, plus vieux que tous les autres. Rien d’humiliant, c’était purement affectueux.

Si le sphinx lui répondit avec un certain humour, permettant au dessous de la moustache d’Auguste de légèrement s’étirer, le hiboux quant à iel, ne semblait pas enclin.e à les rejoindre dans leur délire. Peu importe à vrai dire, car ce petit jeu ne pourra pas durer dès lors qu’ils auront officiellement rejoint Bomei District. Une poignée de pas, tout au plus, et le sérieux devra être leur priorité.

Tous les trois étaient de nouveau sous leur forme humaine - comme s’il pouvait en être autrement pour le doyen du groupe. En leur compagnie, le moustachu ne pouvait s’empêcher de songer à sa capacité de téléportation sabotée. Un lourd tribu qu’il a gagné en survivant à bien des épreuves. Un avantage qu’Elyon lui avait repris, profitant de sa confiance pour cette institution, sous couvert d’une mise à jour. Il l’avait en travers de la gorge, cela passait difficilement, mais il ne pouvait plus se téléporter dorénavant. Le souvenir de ses dernières tentatives lui frappa l’esprit et avec beaucoup d’amertume, il conclut mentalement qu’en comparaison de ses deux acolytes, il n’avait vraiment plus rien de particulier.

L’Envoyé.e de l’Air ouvra la voie, accroupi.e pour être le plus invisible possible. Galant (et surtout protecteur), Auguste fit un signe de la main pour encourager la Gardienne du temple de la Terre à rejoindre leur acolyte. Ouvrir la voie était un risque qu’avait pris Zora et le papa poule tenait absolument à être le dernier, celui qui pourra littéralement protéger les arrières de ses compagnons de mission. Accroupi à son tour, avec discrétion et dynamisme, il rejoignit les deux autres.

Ça y est, ils venaient de quitter l’Understadt. Le silence régnait entre eux, mais la vie suivait son cours tout autour du trio. Ils pouvaient entendre quelques bruits domestiques, des personnes parler, peut-être une télévision au loin. Si Némésis n’avait pas dérobé la Cité Haute aux Hérauts, cela ressemblerait à s'y méprendre à une nuit parfaitement normale. Et dire que certains citoyens se complaisaient dans cette situation et n’ont aucunement opté pour la rébellion ! Auguste chassa cette pensée qui avait plus tendance à l’agacer qu’autre chose. La brise se souleva et, s’il n’avait pas pour impératif importance. Il avait tant envie de pouvoir traîner sous le ciel étoilé, de profiter de la fraîcheur, de l’air pur, tout comme ses acolytes, sans doute. Dommage que l’objectif de cette sortie ne leur permette pas.

Il s’était déroulé peut-être une minute, durant laquelle tous les trois avaient convenu de manière tacite de profiter, avant de retourner à leur mission et de ne plus quitter leur but. Leur route reprit, ils avançaient en se tenant le plus près du sol possible, rendant leur progression plus lente. Chaque zone non éclairée était leur terrain, chaque muret, leur cachette, chaque ruelle, leur embranchement. À eux trois, ils avaient une connaissance suffisante du quartier de Bomei pour progresser, mais une ligne droite n’était pas possible. Pour passer par les recoins les moins fréquentés et surveillés, il leur fallait zigzaguer autant que faire se peut. Un itinéraire longuement étudié dans l’Understadt, alors qu’ils préparaient au mieux cette mission.

Auguste récitait, comme une petite comptine qu’il aurait pu chanter à son fils pour l’endormir, chaque intersection qu’ils devaient prendre, chaque passage où ils devront redoubler d’attention. Finalement, leur progression se déroulait tranquillement, bien que lente.

C’était sans compter sur un groupe de Némesis (des punks à chiens, si vous voulez l’avis du moustachu), visiblement éméchés, bruyants, rassemblés autour de poubelles qu’ils avaient eu la bonne idée d’utiliser comme un feu de camp. Alerté par leur présence, un peu brutalement malheureusement, Auguste attrapa Harper et Zora pour les attirer dans l’ombre d’une imposante statue autrefois à l'effigie d'Omni. En murmurant à leur attention, il visualisa les cartes de Bomei dont Catharsis disposait dans l’Understadt.

- Ces déchets foutent en l’air notre traversée, on opte pour quel chemin ?