Dans les méandres de son esprit souffrant, Meliodas appelait à l'aide. Il tournait en rond, hurlait à l'agonie mais personne n'entendait. Il avait essuyé des semaines d'état maladif, où il ne pouvait pas travailler - et durant lesquelles sa dette à Covent s'allongeait, car il n'était pas en état de les représenter. Les courts moments de conscience et de lucidité où il ne comatait pas, étaient sollicitées par l'équipe marketing qui ne cessait de boucler son agenda de diverses réunion à distance pour des collaborations futures. La plupart étaient assurées par Cesar, qui s'obligeait à faire des comptes-rendus à Meliodas qui les lisait une fois sur deux.

Les caméras le rendait fou, l'absence d'alcool ou de stupéfiant semblait rallonger son sevrage, et y ajoutait une souffrance psychologique dont il se plaignait de moins en moins ouvertement. Car il le savait, au fond de lui, que celui des deux qui souffrait le plus, n'était pas lui. C'était Cesar et Cesar encaissait. Meliodas l'admirait pour cela, et pour la première fois depuis qu'ils s'étaient rencontré, Meliodas prit exemple et la ferma.

(...)

Les premiers rayons du soleil perçaient les pointillés des volets mal fermés la veille et s'échouaient en pluie d'or sur les visages de Meliodas et Cesar. Depuis qu'ils étaient entré dans cette prison de luxe, ils ne s'étaient pas touché. Les deux dormaient même dans des chambres séparés. Mais ce matin là est particulier, car l'un des deux s'est retrouvé durant la nuit dans le lit de l'autre.

Il se redresse sur les coudes et baille, observe le visage lisse et damasquiné de Cesar, dont la chevelure rose délavée lui rappelle pourquoi il était tombé amoureux de lui des années auparavant. Avant qu'ils ne se détruisent, se détestent et se déçoivent.

Meliodas attend que Cesar ouvre les yeux ; il est assis sous les draps, le menton posé sobrement sur ses bras croisés. Il l'entend se réveiller et tirer sur la couette. Alors que Cesar se redresse, Meliodas décide de le saluer en capturant ses lèvres.

Meliodas lui-même ignore pourquoi - et en quel honneur. Il s'était couché la veille dans ses draps et avait rêvé de chaleur. Le seul être présent entre ces murs demeurait Cesar. Ça avait toujours été lui, depuis le début. Le seul qui était resté malgré tout, le seul prêt à rester au bout ; quand bien même le rêve d'amour s'était mué en cauchemar pour tous les deux. Leur mariage avait été un naufrage et Meliodas avait laissé son capitaine couler dans les abysses des amoureux.

Ça te déplait ?

Meliodas s'enquit de sa méfiance. Il plisse les paupières en retour, l'imite en quelque sorte dans l'espoir de dédramatiser la situation, ou du moins en minimiser les potentielles répercussions.

Je peux retourner dans mon lit, la nuit prochaine.

Il étire un demi-sourire, tapote le matelas puis se laisse retomber sur l'oreiller. Ses cheveux avaient poussé depuis des mois, et l'enfermement l'avait fait perdre en masse musculaire, légèrement. Meliodas avait un peu changé.

L'hiver ne va pas tarder à arriver, je me suis dit qu'on pouvait faire des économies.

La main de Cesar caresse le pli de ses boucles blondes. Meliodas le dévisage, incrédule, mais le laisse faire. Il se doute bien que son comportement inspire la méfiance, car cela faisait bientôt plus d'un an qu'ils adoraient se détester et que Meliodas tuait dans l'oeuf toutes les tentatives vaines de Cesar pour le récupérer. Il avait fini par passer à autre chose (c'est ce que Meliodas croyait que Cesar prétendait) et Meliodas cerna le bon moment pour le rappeler au pied.

La vie est pleine de surprises !

Il étire un sourire charmeur, n'acquiesce pas concernant le cauchemar mais ne dément pas non plus. Meliodas joue à un jeu dangereux. Il se sent plus seul que jamais et Cesar est le seul à sa portée, l'autre prisonnier de cette cage dorée - non, pas dorée - de cette cage tout court.

Quand Cesar se lève pour aller se faire du café, Meliodas soupire et l'attend. Il se redresse pour s'adosser au mur et accepte la tasse brulante entre ses mains. Il ne boit pas encore, il n'a pas très soif.

Je sais pas, ouai. Pourquoi pas ?

Il rajoute sur un ton léger et détaché.

Je ne suis pas contre le sexe non plus.

Au cas où ce n'était pas clair. Meliodas n'est plus gêné par les caméras qui les regardent, plus depuis des semaines. Il aurait pu être dérangé, au début - mais la pudeur d'être observé même quand il se lave ou quand il est aux toilettes lui a ôté définitivement pudeur et fierté.

Cesar refuse. Meliodas s'y attendait un peu avant de poser la question - il ne mentira pas en expliquant qu'il avait juste dit ça pour tester sa réaction. Ça serait faux.
La rudesse de Cesar, aussi justifiée est-elle, lui serre le coeur et effrite son égo. Il bat des cils, feint l'incompréhension dans un sourire faussement poli. Meliodas est crispé. Il est rattrapé par les fantômes de leur mariage raté.

Ouai, ok. Legit'.

Il détourne le regard en fronçant les sourcils. ll a les joues rouges, marquées par la honte. Meliodas n'a pas souvenir d'avoir essuyé un seul refus - avant, il était séduisant et captivant. Que reste-t-il du présentateur que tout le monde connaissait et admirait ?

C'était pas une question de faire la pute.

Souffle-t-il, dents serrées. Il ne sait pas comment argumenter pour prouver le contraire. Il a montré par le passé qu'il pouvait être aussi égoïste que stupide - mais pour une fois Meliodas est sincère dans l'expression de ses sentiments, même insipides.

C'était une proposition maladroite et cavalière, j'le conçois.

Il se gratte l'arrière de la tête et se mord la lèvre.