are we the brutal hearts ? ✧ cronos

Are we thebrutalhearts ?

Le monde semblait plus gris quand Cronos n'était pas là. Saoirse attendait, cependant, guettant le moindre bruit près de la porte d'entrée pour s'apprêter à l'accueillir dans sa propre demeure. A sa demande, elle avait nettoyé ses draps. Elle ne lui demandait plus d'où venait le sang, se contentait de ce qu'elle avait appris ici et là pour enlever les tâches. Elle avait aussi ordonné ses feuilles volantes, sans lire ce qu'il avait écrit, et remis les meubles à leurs places. Il y avait, dans cette chambre, des choses qui n'avaient rien à faire dans un endroit où l'on passait la nuit, mais elle ne souhaitait pas fouiner. Si Cronos la laissait entrer exceptionnellement, c'est qu'il comptait sur elle pour ne pas mettre son nez là où elle n'avait pas sa place. Même les domestiques n'étaient pas autorisés à entrer. Pour quelqu'un de sa famille, c'était une tâche ingrate que de faire le ménage, mais personne ne comprenait qu'il s'agissait d'un privilège - car c'était l'endroit où Cronos Lynes était le plus vulnérable.

A présent, elle ordonnait les requêtes adressées au Porteur. Depuis qu'il avait pris ses fonctions, le village semblait prendre vie et comptait sur lui pour prendre des décisions dans divers domaines. Qu'il s'agisse de la gestion des champs, des célébrations à l'Eglise, des conflits sur les vignes... Chacun honorait maintenant la présence de Cronos parmi eux et s'attendait à ce qu'il ait réponse à tout. Alors, Saoirse triait les requêtes par ordre de priorité, et par domaine. Elle assisait comme elle le pouvait, comme elle avait auparavant aidé la princesse. Saoirse pensait s'ennuyer à faire ce genre de tâches rébarbatives, mais elle trouvait un nouveau sens à servir Cronos et à se rendre utile. Et il se montrait reconnaissant envers ses services. Il ne lui fallait pas beaucoup plus.

Enfin, alors qu'elle terminait d'agrafer deux papiers ensemble, elle entendit la porte. Efficacement, elle empila les dossiers et les rangea en sûreté. Elle n'avait pas besoin de vérifier s'il s'agissait bien de Lui, elle pouvait reconnaître au son de ses pas que c'était bel et bien le maître des lieux qui était rentré. Et c'était difficile, de se forcer à ne pas accourir pour l'accueillir, mais Saoirse modéra ses pas avant de se présenter à lui.

On devinait aisément à son expression qu'il n'avait pas passé un bon moment, chose assez rare quand il revenait de son club.

« Bonjour... Est-ce qu'il s'est passé quelque chose ? »

Et encore une fois, Saoirse n'avait pas besoin de la réponse pour savoir qu'il avait dû se passer quelque chose, car Cronos lui était passé devant sans lui adresser un regard, sans lui porter la moindre attention. Déjà, elle sentait l'inquiétude vriller ses sens.
Elle se ressaisit. Elle savait, d'expérience, que lorsqu'elle paniquait juste par manque d'attention, cela ne faisait que faire fuir ses aimés. Alors elle se force à se calmer, à réfléchir. Comment faire pour qu'il la regarde ?

Quelques minutes plus tard, elle lui apporte un plateau avec une de ses meilleures bouteilles et lui servit un verre, restant à distance raisonnable de lui, mais toujours dans son champ de vision, à sa portée. Attendant qu'il daigne bien la regarder et la toucher.

« Vous ne voulez pas en parler ? »

Elle si.
Parler de tout, de rien.
Mais qu'il lui parle à elle.
Tant qu'il ne l'ignorait pas.

CIARAN

are we the brutal hearts ?

melodiam / tenue

les choses allaient parfaitement bien ces deux dernières années. tout allait très bien. on te fichait la paix. mais la vie a toujours adoré se jouer de toi. à ramener orion aussi brutalement qu’une tempête. à mettre le chien de la couronne dans tes pieds.

plus rien ne va désormais.

le manque dévore ton esprit. qu’importe la réelle source. elles sont trop nombreuses, à vrai dire. affamé, habité par ce besoin de sang et de chaos qui s’éveille de temps en temps, tu as fui le reste de la journée. cherchant refuge à ton club, tu en es sorti qu’encore plus las et agacé.

tout, absolument tout te glisse entre les doigts et depuis bien trop longtemps. armand n’est pas là, à siester sur un des bancs de l’église. juniper n’est pas là, à courir après un enfant turbulent qui ne veut pas manger sa soupe. delilah et gage ne sont pas là, à te laisser t’immiscer dans leur vie juste pour te sentir vivant le temps de quelques heures.

alma est toujours là, lui.

n’aurais-tu pas noyé greygarde sous des litres de sang
s’il t’avait abandonné, lui aussi ?

et ça hurle dans ta tête, grouille sous ta peau. ces idées mauvaises que d’être violent, brutal avec alma pour le forcer à se rappeler que sa place est à tes côtés.
et ces idées qui hurlent aussi à l’idée même que cette fichue couronne ne t’arrache ton trésor.

tu pourrais la gifler en apprenant que la simple idée n’aurait pu lui effleurer l’esprit que de te quitter, de retourner auprès de cette princesse qui ne sera jamais la tienne.

tu es affamé, cronos. tous ces abandons qui ont creusé le trou béant en ton âme, te rendant encore plus insatiable avant votre chute. tu es affamé, et ta virée au club n’a ~~rien~~ changée.

aucune réelle réponse pour ton délicat trésor qui t’accueille, comme à chaque fois que tu t’absentes. elle est là, toujours aussi douce, aussi dévouée. et toi, tu ne lui offres qu’un simple grognement en guise de bonjour. aucun regard, aucune délicate attention comme à ton habitude. tes doigts restent sages, ne viennent pas caresser sa joue, jouer avec une de ses mèches. tu les gardes pour toi, tes mains. parce que tu te sens sale, cronos. toi, l’être choisi et béni par Eclipse en personne, jugé trop impur pour oser toucher une fleur si délicate, si rare, si précieuse.

et elle t’énerve, saoirse.

parce qu’elle ne te connait déjà bien plus que tu ne te connais toi-même.
elle a compris comment tu fonctionnais. elle a appris à lire dans ta gestuelle, dans tes grondements, dans tes silences.

le grand salon vide de gens, tu t’installes dans un des divans après avoir jeté de rage ta veste de costume tout contre un meuble. étouffant dans ton propre corps froid comme la mort, tu as ouvert certains boutons de ta chemise en soie. les pieds croisés sur la table basse, tes paupières sont closes, l’arête de ton nez pincée entre tes doigts.

tu l’entends, reconnais son pas léger juste le parquet. elle est là, tout proche. dépose un verre sur le guéridon à tes côtés. tu ne lui as jamais dit, mais quand elle te regarde, quand elle te parle, tu te sens grand, cronos. puissant, aimé, adulé. arrives-tu seulement à lui rendre la moitié de l’affection qu’elle te donne au quotidien ? non, sûrement pas.

— excuse-moi. bonjour, saoirse.

pas de petit surnom affectif.
pas de “viens, approche-toi”.
pas de regard attentionné pour elle.

ta main se frotte contre ton visage avant, qu’enfin, tu ne redresses légèrement la tête vers celle qui veut se faire discrète. tes traits sont froids, dénués de toutes émotions réelles autre qu’un certain agacement. mais elle sait te regarder réellement, saoirse. elle verra dans ton regard tout le mal-être qui détruit toujours plus ta psyché.

— j’ai simplement faim.

comme si ta faim était simple. nombreux·ses hakarois·es se sont montrés curieux·ses, ont voulu savoir. il est désormais plus connu, dans Falemore, que son porteur, béni d’Eclipse en personne, a besoin d’assouvir une faim dans l’unique but de pouvoir rendre hommage à l’Unique. donner sa vie pour renforcer ces croyances, cette divinité maîtresse en ces lieux.

— assis-toi, s’il te plaît.

main tendu vers le fauteuil face à toi. d’habitude, tu l’aurais invité à venir au plus près de toi si ce n’est sur tes genoux. tu aimes lorsqu’elle pose sa main chaude délicate tout contre ton front froid. geste fort en signification pour toi, d’autant plus qu’emprunter à delilah.

— comment s’est passée ta journée ? tu as mangé aujourd’hui ?

cette dernière question, tu ne supportes pas que l’on te la pose. mais toujours tu te préoccupes de ça pour alma, pour saoirse. ta façon, maladroite, de leur prouver que tu t’inquiètes pour eux, qu’ils comptent pour toi. ce besoin constant de te montrer dominateur jusqu’aux moindres détails de leur vie privée. ils t’appartiennent.

elle T ' A P P A R T I E N T .

et tes doigts qui te démangent de sentir la chaleur de sa peau tout contre toi.
mais ça hurle encore dans ta tête. ce dégoût pour ta personne.
toi, être abject et immonde, ce monde te fait sentir

que tu n’es plus r i e n,
plus ~~personne~~
pour oser espérer posséder tel trésor.

Are we thebrutalhearts ?

Cronos la regarde enfin et lui adresse la parole. Alors son monde reprend légèrements quelques couleurs. S'il ne lui avait pas désigné le fauteuil en face, Saoirse se serait assise bien plus près. Elle avait faim, de son contact, et elle avait soif de son attention. Mais Cronos la veut ailleurs, alors elle s'exécute, et prend place face à lui, ses yeux cherchant encore et toujours les siens. Instinctivement, elle sait qu'il bout, de l'intérieur, il est tracassé, agacé. Et elle veut aider, Saoirse, s'il lui disait ce qu'il attendait d'elle.

Il a faim.

Il a faim, mais c'est à elle qu'il demande si elle est rassasiée.

« Oui. Est-ce que j'aurai dû vous attendre ? Je peux vous ramener quelque chose. »

Ou quelqu'un. Cronos n'avait pas à lui cacher sa vraie nature, elle savait que la bénédiction d'Eclipse venait avec une faim insatiable qui ne pouvait pas être comblé autrement que par les autres. Ca ne la dérangeait pas, ni ne l'horrifiait, si telle était la volonté de leur Dieu.
Saoise se lève et s'agenouille près de Cronos, à même le tapis.
Elle n'ose pas, mais elle aimerait lui prendre la main.

« Est-ce que vous voulez me manger, moi ? »

Si c'était ce que Cronos voulait.
Si c'était ce que Eclipse voulait.
Elle s'offrirait corps et âme.

Il n'y a ni peur ni tristesse dans ses yeux, rien que le désir de vouloir servir, de vouloir être utile, de vouloir être aimée.

CIARAN

tw: mention légère de pensées suicidaire

are we the brutal hearts ?

melodiam / tenue

tu l’aimes pour sa faculté d’être si docile. peut-être l’aimerais-tu un peu plus si elle osait avec toi. mais tu apprécies sa douceur, sa pureté. que jamais elle n’agisse d’elle-même avec toi. mais peut-être ce soir aurais-tu préféré qu’elle s’impose, vienne à toi, réclame ce qui lui appartient. parce qu’elle a beau t’appartenir, tu n’en restes pas moins à elle aussi, d’une toute autre manière.

elle le connait, le roi-démon qui lui fait face.
toujours affalé dans ton canapé, tu effleures à peine la peau laiteuse de ton regard épuisé, las de toute cette vie ici-bas. certaines nuits, tu en viens à te dire que sans elle à tes côtés, tu aurais craqué depuis bien plus longtemps. elle, ce trésor qui est à toi et que tu ne penses pourtant pas mériter ce soir. elle, qui apaise tes plaies les plus béantes avec un simple sourire, un simple regard, une simple caresse. son silence est d’or. capable de calmer tes angoisses, tes envies morbides envers toi-même.

— non non. tu as bien fait de ne pas m’attendre.

pupilles se dégage du corps de la blonde.

— laisse faire. ce n’est pas cette faim là.

doux soupir t’échappe tandis que tu viens frotter l’arête de ton nez. paupières closes, tu ne fais qu’entendre ses mouvements. ose-t-elle enfin ? et c’est lorsque tu rouvres les yeux et la vois à genoux tout près de toi que tu ne peux t’empêcher de sourire. un sourire malheureux. un sourire empli d’un certain désespoir. et sa soudaine question libère une tempête de blizzard en toi. ce froid qui est si froid qui vous brûle. lentement, tes pieds ne sont plus sur la table basse. tu te redresses quelque peu, baissant les yeux sur la douce à tes pieds. et un léger rire de ta part se fait entendre. un rire qui n’a rien d’heureux.

— toi ? saoirse…

tu continues de la regarder. elle est magnifique à genoux devant toi. ta main froide se pose contre le sommet de sa tête et en vient de tendres caresses. ses cheveux sont doux. elle sent bon, ta colombe. doigts lâchent la chevelure blonde pour venir attraper en délicatesse son menton. l’obligeant à redresser le visage, tu te penches vers elle. d’un geste à la fois innocent et pourtant empli de non-dits, la pulpe de ton pouce vient caresser ses lèvres pulpeuses.

— fais-tu cela parce que je ne t’ai pas assez remarqué aujourd’hui ?

aucune méchanceté dans la voix. seulement de la curiosité dans le regard. tu restes encore un instant à caresser sa bouche innocente. puis, enfin, ta main glisse jusqu’à son poignet que tu tires d’une délicatesse déroutante pour l’homme que tu es habituellement. tu l’intimes ainsi à se lever, la guidant pour qu’elle vienne s’asseoir à même tes genoux. ta main droite sur ses reins, la gauche se pose, sage, sur sa cuisse.

— il faudrait deux comme toi pour que je me sente comblé. je n’ai pas envie de t’abîmer. et même si je pourrais être doux et ne rien te faire sentir, je ne sais pas si j’ai envie de te manger toi.

tes yeux noirs se perdent dans la contemplation de son visage, viennent se noyer dans son regard clair. doigts reviennent à l’attaque sur son menton, l’attirant à quelques centimètres à peine de ton propre visage. ta voix n’est plus qu’un doux murmure.

— en as-tu vraiment envie, mon chat ? si je te grignote un peu, tu seras définitivement mienne, tu comprends ? je ne voudrais plus jamais te rendre à qui que ce soit, mon magnifique et précieux trésor.

monstre fatigué semble ravaler tout son dégoût.
parce que tu le sais.
elle est l’unique à pouvoir nourrir autant ton égo.
alors si c’est elle qui le demande,
pourquoi refuser ?

Are we thebrutalhearts ?

Saoirse devine, à sa posture et à la lueur d'intérêt dans ses yeux, qu'elle a enfin réussi à capter son attention. Elle s'en nourrit avec le même désespoir qu'un homme assoiffé dans un désert, s'y raccroche et y enfonce ses crocs comme si cela pouvait la maintenir en vie. Ses pupilles se dilatent légèrement quand elle lève ses grands yeux vers lui, désireuse de plus de contact, attendant sagement ses instructions.

Saoirse aime lire la tendresse dans son regard.

Elle avait aimé maintes fois, auparavant, mais peu avaient montrés un intérêt envers elle, jamais comme Cronos semblait le faire. Avec lui, elle se sentait choyée, valorisée, aimée, d'une manière qui transcendait la raison. Il ne lui dit pas toujours, mais il n'a pas besoin. Trop souvent, les gens disaient ce qu'ils voulaient sans le penser. Mais avec Cronos, elle pouvait voir qu'il la traitait différemment des autres, qu'elle était spéciale et unique pour lui.
Elle exhale doucement lorsqu'il touche sa lèvre, et suit ses commandes silencieuses en prenant place sur ses genoux, passant un bras autour de son cou. Sa main vient caresser sa joue, maintenant qu'il lui donnait l'autorisation d'être plus proche de lui.

« Je sais que j'en demande trop... Mais je ne le dis pas pour ne pas vous incomber. Si je m'écoutais, si je m'exprimais, je ne quitterai jamais vos yeux. Mais ça me va aussi... de partager votre attention. Je serai votre ombre. J'attendrai en silence. »

Cronos était un homme important, un homme occupé, elle savait qu'elle ne pouvait pas raisonnablement lui demander d'être avec elle tout le temps, tous les jours. Et surtout, il était sa propre personne avec ses propres besoin, son monde ne pouvait pas évoluer autour d'elle, et elle l'admirait aussi pour cela. Pour tout ce qu'il faisait, pour sa foi, pour sa dévotion envers Eclipse.

Alors, quand leurs visages se rapprochent et qu'il la berce de ses mots remplis de tendresses, qu'il lui demande si elle est sûre, Saoirse n'a aucune hésitation.

« S'il vous plaît. Je veux être vôtre. Pour toujours. »

Saoirse se penche en avant pour l'embrasser. Rien que cela semblait provoquer un émoi au plus profond d'elle-même, parce qu'il l'autorisait à le faire, parce qu'il la laissait faire, parce qu'il le voulait aussi.
Comment refuser à quelqu'un qui l'aimait autant ?
Elle n'a jamais été aussi sûre de quoi que ce soit : elle voulait être sienne, elle voulait qu'il la marque, elle voulait qu'il la dévore.
Rien de plus, rien de mois.

CIARAN

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