Mai :: Maison Rajh'khaervar



Il s’était laissé tomber dans son immense lit. Qu’il eût fait remplacer après le départ de leur parent. Père avait quitté cette terre et mère avait été obligé de le suivre. Autant dire qu’à présent il occupait l’une des principales et plus grande chambre de la maison. Son égo ne pouvait se satisfaire d’une petite pièce. Semblait prisonnier, à l’étroit entre des murs bien trop proche. Il en va de même pour le lit, qui devait occuper une plus grande place. Autant de détails qu’il ne pouvait tout simplement pas ignorer.

Le Magnus s’était octroyé une pause bien méritée. Après quelques minutes de travail acharné auprès de toute la paperasse administrative, en vu de la prochaine réunion. Il avait tenu quelques minutes à peine, avant qu’une terrible flemme vienne l’arracher à sa réalité. Passer une journée à fouiner dans des pages blanches n’était pas un travail digne de lui. Digne de sa prestance. Digne d’un être tel que lui. Tout sauf ça. Comme à son habitude, lorsque sa motivation disparaît. Tout le reste ne tarde pas à suivre, empruntant le même chemin. Ne laissant derrière lui qu’une tentative inachevée et une profonde lassitude.

Autant fermer les yeux et paresser quelques instants dans son lit douillé. Il suffisait de fermer les yeux. Doucement et simplement. Il suffisait que ses paupières se ferment. Pour voyager dans un océan de douceur, emmitouflé entre ses draps.

Jusqu’à ce qu’un hurlement l’arrache à ce début de voyage. Ou était-ce un rêve ? Non. Il reconnaitrait cette voix entre mille. Il pouvait rêver de beaucoup de choses, mais sûrement pas de son frère. Maugréant quelques insultes dans son matelas. Il décide d’enfin quitter le confort de ce dernier, se redressant, plus qu’à contre-cœur.

Il le connaissait suffisamment pour savoir qu’il n’allait pas avoir le luxe de l’ignorer. L’envie était forte. Mais il savait Nimrod têtu. Peut-être même plus que lui-même. C’est dire.

Il rentre dans le salon, non sans soupirer lourdement lorsqu’il l’aperçoit déjà avachi sur le canapé. Canapé qu’il avait fait changer il n’y a pas longtemps d’ailleurs. Son frère n’était pas étranger aux raisons de ce changement.

J’ai du travail. Contrairement à toi visiblement. Il faut croire que gérer des putes n’est pas si compliqué.

Il ricane, sarcastique.

Déjà. Moi et mes goûts. On t’emmerde. Ensuite. Le fauteuil là. C’est à cause de toi qu’il est là. Je t’ai déjà dit cent fois d’arrêter de buter tes meufs dans le salon. Cent fois Nimrod. Cent fois j’ai fait changer le fauteuil et ce canapé.

Il en profite pour s’asseoir dans ledit fauteuil justement. Se jetant presque dans ce dernier. Non sans rouler fortement des yeux face à sa dernière remarque.

Tu vas finir par m’attirer des problèmes. En parlant des magnuls. Le dernier en date. Moustachio. Commence à me prendre sérieusement la tête. J’ai l’impression d’avoir Mister Propre à la table du conseil…

Laisse tomber sa tête en arrière, tandis qu’un râle contrarié s’échappe de sa bouche.

Il me stresse avec sa tête de Labrador à moustache. T’as pas idée.

Attrape une bouteille de vin rouge ouverte, qui traînant là sur la table. Depuis combien de jours ? Aucune idée. Avant de boire à même la bouteille une gorgée.

Bref. Et toi ? Comment ça se passe avec ta bande de dégénérés ?

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Leur relation était pour le moins particulière. Voir peur commune. Ils avaient beau être distant d’apparence et sarcastique l’un envers l’autre. Il n’aurait confié sa vie à personne d’autre sur cette terre et dans ce continent. Ils pouvaient s’insulter un moment avant de tomber d’accord celui d’après. Au final, il était le seul à pouvoir s’octroyer ce privilège. Les menaces leur étaient réservées. Les autres n’avaient pas à jouir de ce droit.

Quoi qu’il en soit. Il l’écoute du coin de l’œil. Entre deux gorgées, à moitié concentré. Ce n’était pas la première fois qu’il écoutait sa tirade, discours presque appris par cœur à ce stade. Et il avait bien peur que ce ne soit pas la dernière fois qu’il l’entende. Il ne fait même pas mine de cacher sa lassitude en poussant un soupir qui venait un peu trop du cœur.

Oui. Oui d’accord. Je le connais ton speech de grand génie du mal. Je sais. J’imagine pas le travail et la paperasse que tu dois faire à chaque nouveaux mariages. J’ai compris !

Avant de rouler tellement des yeux qu’ils auraient pu sortir de leur orbite.

Me parle pas de science par pitié et encore moins pour justifier tes problèmes de libido.

Un héritage génétique qu’il ne semblait pas, pour l’instant, partager avec ce dernier. Ce qui n’était pas pour lui déplaire en voyant le résultat de ce dernier sur son frère. Qui consacrait bien trop de temps à redevenir célibataire à chaque fois.

Il se braque et manque de renverser la bouteille en recevant un coussin furtivement. Qu’il n’avait pas vu venir. Repose la bouteille sur la table d’où elle vient avant de s’insurger.

Toi-même ! J’ai presque dû changer de fauteuil ! Pour une fois que c’était à cause de moi. T’as raté une occasion. Roooh c’est bon. Je suis chez moi.

Malgré tout. Il se fait violence et attrape un verre cette fois-ci. Presque machinalement. Avant de se resservir une nouvelle fois.

Ah. Tu crois pas si bien dire. Ils sont tous jaloux. A vouloir me prendre de haut tous ces vieillards. Alors que j’ai accompli en quelques années plus qu’eux dans toute leur vie ! Je peux comprendre que ce soit frustrant pour eux ! Voir à quel point notre vie est fade, à quel point ils n’ont rien accompli dans leur domaine ! Ils feraient mieux d’en rire que d’en pleurer ! Moi je rigole en tout cas !

Effectivement, sur ces mots il s’esclaffe. Non sans avoir gonflé le torse à la base. Affichant sans aucune gêne toute sa fierté et son mépris pour les autres. Il se savait supérieur, il n’allait pas s’abaisser au niveau des autres. Loin au-delà du commun des mortels, ce n’était pas à lui de faire des efforts pour s’abaisser à leur taille. Mais bien à eux d’espérer pouvoir atteindre son pallier au moins une fois dans leur vie.

En parlant de main d’œuvre d’ailleurs. Avant que t’essaye encore une fois de changer de sujet. Pourquoi t’es en retard ? Un problème depuis que nos « sauveurs » ont débarqués ? Tu sais que je travaille sur un gros projet. Et je commence à manquer de rats de laboratoire…

Les expériences étaient de moins en moins concluantes sur les animaux. Et… l’autre type de « cobaye » se faisait de plus en plus rare. Du moins légalement. Les volontaires sont peu nombreux. Il n’a pas le luxe d’attendre. Surtout avec un produit aussi expérimental. Mais il avait besoin de concrétiser ses recherches. Aussi bien pour sa gloire personnelle que pour l’humanité tout entière. Sans compter l’immense montagne d’argent qu’il serait en mesure de se faire.

Non vraiment. Il avait toutes les raisons du monde d’insister sur ce point.

M’en parle pas. Ces types sont complètement dégénérés si tu veux mon avis. Ils se croient élus. Soi-disant qu’ils sont tombés du ciel de la nation de leur dieu ou je ne sais quoi. Une bande de fanatique chouineur tout simplement. Ils sont incapables de se sauver eux-mêmes, leur ville ou quoi que ce soit d’autres. Mais ils pensent nous sauver. C’est pitoyable.

Il riait, comme s’il venait de raconter une excellente blague. Pourtant. Il ne faisait que décrire des faits. C’était peut-être là ce qu’il y avait de plus risible.

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Sin regardait son frère du coin de l’œil. Il pouvait remettre en cause beaucoup de certitudes sur ce monde. De même que ce monde pouvait remettre en cause beaucoup de vérité à son propos. Mais une seule chose était d’une vérité absolue. Le fait qu’ils étaient bel et bien frère. Partageant le même sang, les mêmes gènes. Et surtout, les mêmes réflexes. Le même instinct qui les anime. Nimrod aimait autant se mettre en scène que son cadet. Ou qu’il soit. Ou qu’il se trouve, il se devait de jouer son rôle à la perfection. D’attirer les regards, qu’ils soient bons ou mauvais. De faire en sorte que les projecteurs se braquent sur lui. Rien que sur lui. Qu’ils ne le quittent jamais. Quoi qu’il arrive ou quoi que les autres fassent. Qu’ils demeurent entièrement focalisé dans cette seule et unique direction.

Une émotion qu’il ne comprenait que trop bien. Une émotion qu’ils partageaient entièrement. Une émotion qu’on ne pouvait pas leur enlever. Il n’avait pas besoin d’y penser, pour adopter une posture, non pas similaire, mais dans la lignée de celle de son frère. Croisant les jambes, la main qui vient se saisir du verre, avant de faire tournoyer le liquide à l’intérieur.

Je n’ai jamais compris ton obsession pour les femmes. Sincèrement. J’ai toujours trouvé ce genre de relations. Au mieux futile. Au pire un fardeau.

Roule volontairement des yeux, pour marquer encore plus son ennui à propos de cet sujet. Un sujet qu’il avait volontairement évité au long de sa vie. De peur de perdre ce contrôle sur lui. Et surtout sur les autres. Sur les êtres humains en général. Qui lui est si cher. Si ce n’est littéralement vital. Au quotidien et dans sa vie.


Il t’arrive quoi ? Tu vas me faire croire que tu commences à développer une fibre paternelle maintenant ? Je ne bois pas souvent je te ferai remarquer. Pour le peu de plaisir que me procure cette substance chimique.

Son ton était sarcastique, mais il n’en demeurait pas moins amusé par sa remarque. Il était encore mieux placé que lui. Pour connaître les ravages de l’alcool sur le cerveau humain. Dans les bas-fonds. Dans la poubelle qui sert de décharge à ciel ouvert de cette ville. Qui sait combien ont perdu raison de vivre à cause de ce mal ? Un problème qui le survolait totalement. Il ne s’intéressait pas du peuple. Seule l’élite avait un quelconque intérêt à ses yeux. Le reste n’était qu’une information de plus, que quelques notes griffonnées sur une page. Et comme toutes les statistiques. Elles sont malléables et oubliables.

Un peu de respect. Ce passe-temps. Comme tu dis. Va me permettre de rentrer dans l’histoire. Pendant que mes idiots de collègues s’efforcent de débattre sur des sujets inutiles. Moi. Je fais avancer la science. Que dis-je. L’histoire de l’humanité tout entière. Ce que je suis sur le point de découvrir. Va refaçonner notre univers tout entier. Je vais être à l’origine d’une nouvelle forme d’ordre mondial. Moi. Sin.

Il s’était paré d’un sourire bien trop large pour être sain. Levant les bras avec ferveur. S’affichant dans son spectacle habituel. Lorsqu’il s’emportait avec passion. Lorsqu’il parlait avec autant d’affection pour ses travaux. Il n’y avait aucun doute là-dessus. Il serait celui qui chamboulera ce continent. Il sera le pionnier. Le premier des hommes. À percer les secrets de cette terre. En dehors de la gloire qu’il récoltera. Il deviendra l’élu du monde de demain.

En parlant de tes petits camarades justement. Ils sont étonnement calmes. J’espère que vous ne préparez pas encore un plan foireux. Tu sais à quel point c’est fatiguant de trouver des excuses à vos crises ? Faire passer l’explosion d’un laboratoire pour une simple erreur matérielle. T’as bien de la chance d’avoir un frère aussi intelligent.

Fais une révérence en direction de son frère, tout sauf respectueuse. A croire qu’il s’attendait à des applaudissements de sa part. Le pire, c’est qu’il s’attendait réellement à des félicitations. Comme s’il n’y avait rien de plus normal. De quoi le motiver à poursuivre son travail. Il était encore jeune. Et plus que l’attention, il avait cruellement besoin de reconnaissance. Ce n’était pas pour rien qu’il perdait autant de temps enfermé dans son laboratoire, à faire avancer ses recherches.

Et tu penses qu’ils ne traînent pas leur nez dans tes affaires par bonté de cœur ? Bien sûr que non. C’est encore bibi ! Je suis vraiment partout. Autant les autres sont des magnuls. Autant je suis ton magtop. Sur tous les fronts à te couvrir. A centre les débats sur des sujets plus important que de simples disparitions en pleins jours. Qui se soucis de la vie de son prochain ici ? Personne sauf ces sauveurs.

S’arrête de rire. Adoptant une posture presque sérieuse. Si seulement il n’avait pas les jambes croisés et un air contrarié sur le visage. En voyant l’air fermé qu’arborait son frère à cet instant. Il soupire en écoutant son speech. Roulant une fois de plus des yeux.

Oui. Oui. La routine donc. Je sais gérer. Arrête donc de me prendre pour un gamin. Je te tiens au courant ok. Mais en dehors de ça. J’arriverai à m’occuper d’un type à moustache tout seul. Bref. Tu l’auras ton bouquin et les résumés de nos réunions. De toute façon tu les liras pas donc bon… Si ça te permet de mieux dormir la nuit.

Lève son verre vers son frère. Se contentant d’hocher la tête pour répondre à son toast.

De ? L’honneur ?

Cligne des yeux, avant de plisser ces derniers vers son frère. Non sans avoir froncé un sourcil avant. Marque une pause et s’exclame d’un rire bruyant. A nouveau.

C’est quoi encore ces conneries idéalistes et naïves ? L’honneur je pensais que c’était pour les cafards. Tu sais les nuisibles qui refusent de crever ? De superbes cobayes si seulement leur adn était proche du notre. Hélas. C’est loin d’être le cas.

Un léger sourire se dessine en coin sur ses lèvres.

Mais tu soulèves une question intéressante. Je me demande à quel point ils sont plus résistants que nos concitoyens… Ces tempeleurs. Je demande jusqu’où ils peuvent tenir. Avant de se briser.

Avant de crever dans une éprouvette.

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Il ne peut pas s’empêcher de bomber le torse et de briller davantage. Que ce soit avec son frère ou les autres. Son égo était intarissable. Incapable de laisser parler une autre partie de lui-même. Étouffant tout le reste de sa personnalité. Ne laissant place qu’à ce monstre insatiable. Capable de consumer tous et chacun.

Il ne se croyait pas meilleur. Il ne se prenait pas pour le meilleur. Il était le meilleur. Cette nuance seule était suffisante pour résumer son état d’esprit permanent. Il n’avait plus rien à prouver. Ayant atteint ce que d’autres passent une vie entière à rêver. A un âge auquel il ne l’aurait jamais imaginé. Comment pouvait-il en être autrement avec autant de faits d’armes à son actif ?

Il était né pour ça. Destiné à des grandeurs.

Venu au monde pour le changer.

Merci, on me le dit souvent aussi.

Sourire large, bien trop, qui inonde son visage tout entier.

Ne t’en fais pas, je sais bien que tu n’as pas assez d’émotions humaines en toi pour développer de réels sentiments. Pas plus que de l’obsession. Je trouvais juste ton passe-temps étrange. Mais s’il t’amuse. Je ne peux que t’encourager à continuer.

Il se permet une pointe de sarcasme derrière un humour douteux. A dire vrai, s’il se permettait ce genre de remarque, c’est qu’il l’estimait déjà bien au-dessus des autres. Son ton n’était pas aussi moqueur avec ceux qu’il estimait proche. Bien plus froid et cassant. Et avec les autres. Ils n’avaient droit à rien. C’est à peine s’il prenait la peine de retenir leur existence. Alors leur nom.

Il éclate de rire face à sa prochaine remarque. Un rire gras, tonitruant, qui prend place dans toute la pièce. Qui dure d’ailleurs bien trop longtemps avant qu’il ne parvienne enfin à se calmer.

L’amour ? Moi ? Les hommes et les femmes ne m’intéressent pas. Sauf si c’est à but scientifique. Dans le cadre de mes études. Dans ce cas oui, j’aime passer du temps avec eux. Mais j’ai bien peur que ça ne soit pas réciproque.

Il hausse les épaules, persuadé qu’il était immunisé face à ces désagréments. Il aimait jouer avec les émotions et les sentiments des autres. Mais loin d’être à but récréatif, c’était simplement par pure fascination. Il était persuadé que l’être humain, à l’instar d’une autre espèce. Avait un comportement prévisible. Agissant malgré eux par mimétisme les uns envers les autres. Chose qu’il aimait constater par lui-même chez ses cobayes, vivants ou non. Consentants ou non.

Et ne t’inquiète pas pour ça. Je ne suis ni gourmand, ni avare. Ces choses-là ne m’intéressent guère.

Il n’était qu’insatiable.

Il pose son verre de vin pour ponctuer ses propos. Rassurant ainsi également son aîné par la même occasion.

Il affiche une moue contrariée face à son manque de réaction. S’attendant à un peu plus de louanges. Ou plus de conviction dans ses propos. Mais il ne prend pas la peine de relever. Se contentant de garder une mine boudeuse de façon passagère.

Je me doute que toi et les vôtres vous êtes impatient. Si nous avons besoin de notre Cerbère. Heureusement que vous avez votre Apollon dans les cieux. Capable de veiller sur vous en vous offrant la bénédiction du conseil.

Il ne lésinait pas sur les éloges, adressés à lui-même. Ce n’est pas parce que les autres n’en font pas suffisamment, qu’il faut savoir se priver des bonnes choses. Que ce soit le monde ou sa propre personne, tous sont en mesure de reconnaître son génie. N’est-il d’ailleurs pas le mieux placé pour savoir ce dont il est capable ?

Je n’oublie pas. Et je saurai m’en souvenir le moment venu. Si jamais les choses venaient à se compliquer. Tu seras le premier informé n’en doute pas. On verra enfin si tu résous les problèmes du dessus aussi efficacement que moi !

Plus qu’un défi. Il voyait cela comme un jeu. Une compétition fraternelle qu’il maintenait avec lui depuis qu’il avait appris à parler. Une façon stimulante de rester le numéro 1 dans tous les domaines.

Moi ? Discret ? Allons. Ne m’insulte pas. Que je sois discret ou non ne change rien. Ils ont beau être incapables. Les magnus ne sont pas totalement stupides pour autant. Ils savent que malgré mon caractère excentrique, je reste l’un de leur plus grand génie. Ils ont besoin de moi autant que cette ville a besoin de moi. Ce détail-là, ils n’y peuvent rien. Qu’ils m’aiment ou non. Ils sont obligés de vivre avec.

C’était une remarque qui touchait tous les magnus. Même lui. Surtout lui. Surtout depuis l’arrivée de ces enfants du ciel. Entre Jacob le robot et Auguste le justicier, il se sentait cerné à présent au conseil.

Il grogne d’ailleurs un coup. Rien qu’à les avoir en tête suffit à le contrarier.

C’est à cause de ces conneries de morales idéalistes que la science piétine depuis des années. Que nous stagnons sans pouvoir progresser. Ironiquement. L’arrivée des tempeleurs nous a ouvert une nouvelle vision du monde, il est vrai qu’ils ont mis au point des avancées pour le moins…. Intéressantes. Mais ils ont aussi emmené avec eux leur naïveté et leur hypocrisie. A l’époque de feu notre père. Ils n’avaient pas autant de mal à se procurer de la main-d'œuvre. Sans compter que le « travail » des Ducs était également moins surveillé.

Il se redresse sur son fauteuil, droit, face à son frère. Emporté sans même s'en rendre compte par son propre discours. Qu’il tenait maintenant avec une ferveur à peine dissimulée, à croire qu’il siégeait au conseil, et non sur le fauteuil de son salon.

Et tu sais pourquoi ils sont aussi en avance ? Grâce à leur énergie. Celle dont il disposait avant. J’en suis persuadé. C’est impossible de mettre en place de tels objets sans avoir accès à une source colossale de puissance. Une source intarissable d’énergie. Si j’arrive à mettre la main sur quelque chose de similaire. Ah. Le conseil sera obligé de me donner carte blanche.

Ses doigts se mettent à pianoter nerveusement sur l’accoudoir.

Je serai libre. Libre d’agir, d’aller et de faire ce que bon me semble. En plus d’être enfin reconnu comme le plus grand génie de ce siècle.

Cette promesse. Il ne la faisait pas seulement à son frère. Mais à lui-même. Il trouverait. Quoi qu’il lui en coûte. Un moyen de produire une énergie nouvelle. Qu’aucun n’a jamais rêvé ou imaginé.

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Les doigts du jeune garçon commencent déjà à s’agiter. Cherchant désespérément de quoi les occuper. Ils trouvent refuge dans le verre vide qu’il avait dû abandonner il y a de cela quelques instants. Le faisant tourner doucement entre ses doigts, à mesure que son grand frère s’exprime. Déjà qu’il avait bien du mal à rester immobile en temps normal, il l’était depuis bien trop longtemps.

Penche la tête sur le côté en écartant les yeux à la remarque de Nimrod. Ce qui semblait être une évidence à ses yeux, qu’il laissa échapper avec son sarcasme habituel :

Les soins ne rentrent pas dans mon domaine d’expertise. Moi j’améliore. Je transcende. Je fais en sorte que les choses soient meilleures. Je découvre, je renouvelle. Je ne répare pas comme un vulgaire bricoleur. J’innove.

Le dit avec une évidence telle. Une confiance telle. Que nul ne pouvait douter de ses mots. Convaincu qu’il disait la vérité en cet instant. La seule vérité. Toute la vérité. Quoi d’autre ?

Ne réagit pas face aux mouvements de son aîné. Bien trop habitué, et surtout désabusé. Il pouvait lui faire la totale. Son spectacle tout entier. Il savait bien à quel point il aimait tout particulièrement s’afficher à travers ses grands gestes et ses mises en scène aussi théâtrale. A croire qu’ils avaient sans cesse besoin de prouver leur lien de parenté. Lui qui n’avait de cesse de briller face aux yeux des autres. Et celui-là qui n’a de cesse de mettre en avant ses gestes et ses représentations, toutes plus extravagantes les unes que les autres. Les habitudes ont la vie dure pour la famille Rajh’Khaervar. Plus ancré que le poison qui coule de leur salive et de leur mot.

Tu n’écoutes donc pas ? C’est l’autre clown à moustache. Tout ça c’est à cause de ces Tempeleurs. Tu les verrais. De vrais boyscouts. A jouer les agents de la justice et du bien-être. Ils se pensent encore plus sauveur que moi. C’est dire. Et pour être honnête. Je ne sais pas ce qui m’énerve le plus. Le fait qu’ils viennent me mettre des bâtons dans les roues. Ou l’audace de se croire sauveur comme moi. Sans cet idiot. Toi et les tiens vous pourriez vous présenter aux prochaines épreuves que la population de cette ville n’aurait rien à y redire. Mais tant qu’il sera là. Il va falloir oublier les petites sauteries mondaines et soirées. A moins que tu n’aies prévu une soirée costumée ou un bal masqué.

Ricane face à cette image ridicule qu’une partie de lui n’avait de cesse de réclamer. Par curiosité malsaine. Voir son frère costumé avait quelque chose de plus drôle qu’il n’aurait jamais pu l’admettre à haute voix.

Se redresse après son souffle. Clou de son spectacle. Maintenant qu’il en avait terminé avec leur petit cinéma. Il avait des tâches sur lesquelles s’atteler.

Comme tu le fais remarquer si bien. La science n’attend pas. Et cette énergie que tu mentionnes ; Figure-toi que c’est le fruit de mes recherches. La seule chose que je désire réellement dans ce monde. La chose qui me rendra plus connu encore que ces dieux aux noms de produits détergents auxquels les faibles d’esprit sont encore attachés. Même si tu n’y connais rien et malgré ton manque flagrant de connaissance à ce sujet. Tu marques un point. Ce n’est pas en restant assis dans un fauteuil que mes recherches avanceront.

S’échappe de son emprise alors qu’il sent sa main frôler son cuir chevelu.

Arrête ça. Je suis pas un gamin.

S’éloigne vers la sortie d’un pas rapide. Avant de s’arrêter en posant la main sur la poignée.

Ah. Oui. Et Nimrod. J’étais sérieux. Plus de sang dans cette maison. Pas plus sur le canapé en cuir du salon. Je me fous du sort que tu réserves à tes catins. Mais fais-le ailleurs que sur des meubles d’époque.

Lui fais un dernier signe de la main en passant le pas de la porte, qu’il referme derrière lui.

Reste en vie. Personne d’autre que moi n’a le droit de te faire la peau.