Échappée du regard de son père depuis à peine quelques instants, après avoir constaté fatalement qu’elle aurait aimé être à mille endroits plutôt qu’ici, Alix s'était réfugiée dans un coin pour se cacher des yeux curieux.
Assise à même le sol, en tailleur dans les froufrous de sa robe élégante dans laquelle elle n’était pas franchement à l’aise, elle avait été prise d'une angoisse inattendue en posant les yeux sur les somptueuses invitées.
Désintéressée de ces choses là, la tenue était réellement la seule chose qui lui permettait de ne pas faire trop tâche parmi les convives. Et elle qui se fichait pourtant de ce genre de détail, se retrouvait finalement complexée, à tenter de faire quelque chose avec sa tignasse noire qu’elle avait laissée libre sur ses épaules et qu’elle tentait de discipliner en vain.

- Ciaran… Je… Je dois admettre que oui…

L’adolescente avait levé ses yeux d’ambre sur l’ami d’Amadis, partagée entre la honte et la résignation d’avoir été surprise dans cette situation. Sa mine reste revêche, même si elle consent à se hisser sur la chaise que le jeune Buchanan désigne.

Et ses joues s’empourprent d’être le centre d’attention tout à coup, la faisant marmonner.

- Tu sais, c’est sûrement une cause perdue. Je veux pas te faire perdre du temps.

Elle avait suivi son regard vers celui qui devait être son cavalier.

- Et puis tu es accompagné alors… T’es pas obligé.

Amadis lui avait dit que Ciaran était un bon gars. Elle avait pu le constater elle aussi. Pas qu’elle ne lui fasse pas confiance mais après l’avoir vu proche d’un cavalier d’Isaac Weidmann notamment, elle préférait s’assurer elle-même des choses.
Et elle préférait également ne pas abuser de la gentillesse en général.

Malgré tout, elle désigne ses cheveux d’ébène avec une moue teintée d’espoir.

- Tu sais t’y prendre avec ça ?    

Un coup d'œil curieux vers le dénommé “monsieur” alors que Ciaran la rassure. Et comme elle n’est pas du genre à insister, elle se contente de hausser les épaules en approuvant d’un signe de tête un peu vague. Elle avait d’autres préoccupations en tête de toute façon.

Elle qui détestait qu’on la féminise, elle laisse pourtant les mains du jeune homme prendre soin de sa chevelure dont elle ne se préoccupe presque pas. Et peut-être que ça se voit. La gêne flirte avec l’indifférence quand son sauveur évoque ses sœurs. Elles avaient probablement de plus beaux cheveux qu’elle, à en juger déjà par ceux de Ciaran.

- C’est vrai que tu as de beaux cheveux. Et je n’ai vu que des gens bien coiffés.

Constat neutre dans lequel la jeune fille ne laisse pas de place à la jalousie. Ciaran avait même réussi à lui arracher un sourire malgré tout. Alors les épaules raides d’Alix s’affaissent un peu.
Ce n’était pas aussi désagréable qu’elle l’aurait imaginé, de se faire chouchouter.

Attentive et aussi immobilie qu’une statue quand le jeune Buchanan s’affaire juste sous son nez, qu’elle plisse, d’ailleurs, semblant ne pas comprendre lorsqu’il évoque Amadis. Vraiment.

- Une chance qu’il t’ait demandé de l’aider. Il a tendance à ressembler à un chien fou qui aurait trop joué avec un sèche-cheveux. J’ai hâte de voir quelle tête il a maintenant.  

Son reflet dans le Olid de son aîné la fait brièvement se taire alors qu’elle se laisse surprendre par l'œil artistique de Ciaran et de son talent pour rendre sa tignasse noire plus présentable qu’elle ne l’avait espéré.

- Et woah, Ciaran… J’y connais rien mais j’admets que tu es très doué. C’est encore mieux que ce que j’imaginais.

Son visage est peu expressif mais la commissure de ses lèvres est légèrement étirée. Elle lui était vraiment reconnaissante.
L’adolescente porte ses doigts à l’une des mèches savamment dégagées par son sauveur, l’enroulant entre ses doigts délicatement.

- … Je peux te poser une question ? Tu trouves que je ressemble à une meringue trop cuite dans cette robe ?