Une flamme dans l'Obscurité ☼ Amaya & Karma

Une flamme dans l'Obscurité

Février 2001

Karma avait cessé de compter les jours depuis la défaite et surtout depuis qu’ils avaient été contraint de fuir dans l’Understadt alors que Némésis investissait la cité haute avec la cruauté qui ne devrait surprendre personne.
Privé de ciel, privé de son temple et privé de son but, l’ancien gardien du temple du feu avait eu énormément de mal à s'adapter à cette nouvelle vie qui relevait finalement plus de la survie que d’autre chose. Quelque chose en lui avait été arraché au moment même où il avait dû se détourner du pont qui, en temps normal, l’aurait ramené à la cité haute, à son quartier. Et bien qu’il garde un silence obstiné à ce sujet, l’ancien gardien n’avait plus goût à rien.

Evidemment, seule une personne assez proche aurait pu comprendre, car l’ancien gardien avait toujours été réputé pour être d’une distance glaciale peu importait le contexte ou les personnes autour. Et cela n’avait rien à voir avec le fait qu’il soit contraint de cohabiter avec son frère, évidemment des leurs, de parfaits inconnus, de vagues connaissances, et le fait, aussi, qu’il soit contraint de voir ses proches vivres dans cette fausse délabrée, payant le prix pour s’être battu contre des terroristes dénués de cervelle et d’humanité.

Alors, pour avoir l’impression d’être un tant soit peu utile maintenant qu’il était privé de son grand pouvoir de protection dont il avait été si fier, Karma avait œuvré pour le camp dès le premier jour où il avait trouvé Graham dans les entrailles de Tempelhelm.
Pour soutenir une idéologie à laquelle il croyait encore dur comme fer, mais aussi pour soutenir tous ceux qui s’étaient retrouvés là, envers et contre tout, allant parfois à l’encontre de leur confort, ou de leur famille, comme Amaya.

La nuit dernière encore, les Olids permettaient tout juste d’avoir une certaine notion du temps, l’ancien gardien n’avait pas pu s’empêcher de remarquer que le sommeil semblait l’avoir abandonner, contrairement à sa foi et à la détermination dont elle faisait preuve pour maintenir les esprits et les coeurs à flot dans leur résistance.
Et cette nuit ne semble pas échapper à la douloureuse règle dont elle était victime. D’ailleurs il ne pouvait que comprendre. Loin de siens, loin de ses repaires, à porter son courage à bout de bras. Elle était encore si jeune, pour vivre tout ça.

En silence, car il était encore plus silencieux qu’auparavant depuis la chute de la cité haute, Karma s’était approché de la jeune femme, enflammant d’un geste très doux le tas de vieilles planches devant elle et qu’elle ne semblait pas décidée à allumer pour se réchauffer.

- Depuis combien de nuits n’arrives-tu pas à dormir, Amaya. Ne crois pas que tu puisses mentir à ton gardien.

Le sourire est si léger qu’il faudrait faire preuve d’une grande attention pour le voir apparaître au coin des lèvres du natif du feu alors qu’il s’assoie lentement au côté de son Envoyée devant les flammes.
D’un geste tout aussi léger que son sourire, il vient poser sa propre veste sur les épaules de la jeune femme.

- J’ai vu que tu fuyais le sommeil, autant que lui te fuyait, ces derniers temps. Tu ne tiendras pas longtemps à ce rythme, bien que j’admire la force dont tu fais preuve depuis le début.

Il semble hésiter. Lui qui n’hésite jamais.

- Tu peux me parler, si tu en as besoin. Tu as toujours pu… Et maintenant encore plus. Puisqu’en réalité, je ne suis plus ton supérieur.

☼ Amaya & Karma ☼

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Abandonner le confort de la tour Prime était un choc rude, bien que volontaire. L'air était putride dans l'Understadt, le sol froid et humide, des paillasses de fortunes avaient été trouvées et dispersées au mieux pour le confort des uns et des autres. Mais tout cela était trop différent de ce à quoi elle avait été habituée, et ce qu'elle avait pris pour acquis.

Dormir était difficile. Au-delà du confort, être entourée d'inconnus ne la rassurait pas. Graham lui avait demandé, il y a quelques jours, s'il pouvait lui faire confiance pour ne pas lui trancher la gorge. A dire vrai, cela aurait pu s'appliquer pour elle. Elle portait le nom des traîtres à Omni désormais, certains pourraient penser qu'elle était encore fidèle à sa famille.

L'était-elle encore ?

Quand elle était seule, Amaya songeait à sa famille. A Roy, à qui elle n'a pas pu dire au revoir proprement, et à qui elle avait tant à expliquer. A Mason et Alice, qu'elle n'a pas pu serrer dans ses bras une dernière fois. A Urielle, qui portait ses filleuls en elle. Elle pensait à Eden, qui devait certainement faire une crise de panique derrière ses airs nobles. A Elijah, qui devait penser qu'il avait perdu une autre soeur. Elle pensait, même au plus bas, à Cassandre. Cassandre qui avait contribué à tout cela. Se demandant ce qu'elle allait faire, maintenant qu'elle avait "gagné".
Et elle pensait à Ian, sachant pertinemment qu'il n'acceptera jamais qu'elle soit partie.
Quand elle fermait les yeux, elle le voyait la tuer.
Elle pouvait sentir ses mains se serrer autour de sa gorge.
Son regard la transpercer.

Elle sursauta quand quelqu'un s'assit à côté d'elle, avant de reconnaître Karma. Elle passa une main dans ses cheveux, qui commençaient à être sales avec la difficulté qu'ils avaient à avoir le minimum. Elle les attachait constamment, mais elle haïssait se sentir sale, surtout devant le gardien du temple.

Et elle se demande à quel point il pensait qu'elle devait être misérable, pour qu'il la prenne en pitié ainsi. Elle ne refusa ni sa veste, ni sa compagnie, mais elle aurait préféré que ça soit dans d'autres circonstances.
Pourtant, l'heure n'était pas au romantisme.

« Je ne compte pas. C'est difficile de se sentir en sécurité ici. Ou de dormir dans ces conditions. C'est... encore trop frais dans ma tête, j'imagine. »

Et sans doute que dormir était s'exposer à trop de faiblesse. Amaya savait qu'elle ne pourrait pas échapper au sommeil éternellement, si elle voulait tenir debout, mais il y avait tant à faire. Tant à prouver. Et à digérer.

« Je sais que je ne devrai peut-être pas en parler. Parce que les Carter ont choisi leur camps. Mais ils doivent penser que je suis morte... Tous n'ont pas forcément fait le même choix que Ian. J'aurai aimé leur faire savoir que je suis vivante. Mais c'est mieux ainsi. »

Cela pesait toujours sur son esprit. Pendant toute sa vie, sa famille avait été tout pour elle. Et aujourd'hui, elle allait devoir se faire à l'idée de vivre sans eux.

@Karma Strauss

Une flamme dans l'Obscurité

Février 2001

Il n’avait pas voulu lui faire peur, mais le sursaut qu’Amaya avait eu quand il s’était installé près d’elle n’avait fait que confirmer ce que Karma avait supposé en l’observant. Loin de leur vie d’avant, elle ne se sentait pas en sécurité. Elle ne se sentait pas bien. Quand bien même Graham lui avait accordé une place privilégiée à ses côtés. Privilégiée par la confiance qu’il lui apportait.
Et personne ne pouvait lui reprocher de ne pas être à l’aise dans leur installation de fortune. Personne, dans toute la cité haute tombée dans l’Understadt, ne s’y sentirait à sa place. Même les natifs des lieux, que les yeux et les oreilles affutés du gardien avaient cru repérer, semblaient ne pas être ravi d’y retourner. Et à raison. Quitter ce lieu devait être une véritable révélation.

En un sens, il comprenait qu’on ait voulu remonter à la surface quoi qu’il en coûte.
Le véritable problème, c’est que ce n’était pas à ceux d’en bas, que ça avait coûté le plus.

- Je comprends. Je ne dors pas beaucoup non plus.

Bien que dans son cas, il n’ait jamais vraiment beaucoup dormi.
Un sourcil se hausse, seul changement flagrant dans l’expression du gardien lorsqu’Amaya évoque sa famille. Il avait beau avoir été informé des actes de Ian Carter durant le soulèvement de la basse cité, il ressentait toujours un profond attachement à certains membres de cette famille. Seule l’incompréhension vis-à-vis des actes du patriarche lui permettait de prendre du recul.

- Connaissant ton frère, je pense que les Carter ont choisi la survie avant tout. Et au fond d’eux, ils doivent sentir que tu es toujours en vie, Amaya.

Du bout des doigts, Karma fait grossir lentement la flamme devant eux, afin qu’elle les éclaire un peu plus. Jouer avec le feu ne pouvait que lui rappeler le visage des enfants assis en cercle autour de lui dans le parc du temple, attendant qu’il les subjugue de tours de passe-passe.

- Et si tu as besoin de parler d’eux, il faut que tu le fasses. Bien sûr… Tous ici ne seront pas réceptifs à ta douleur aux vues des actes de Ian durant la guerre mais… Je t’écouterai si tu as besoin de parler. Finalement, je suis plutôt à l’aise avec le fait d’avoir un frère qu’on a longtemps considéré comme un fou, un monstre ou un pariât.

Il grimace légèrement. Rares étaient les excuses qui venaient du gardien mais en ces temps incertains…

- Pardon, je ne voulais pas… Utiliser ces mots là.

Pas devant elle. D’ailleurs, parler de folie pour les actes opportunistes du patriarche des Carter aurait été trop facile. Une façon de plaider son innocence comme s’il n’avait pas toute sa tête. Hors c’était bien là tout le problème.
Et ça non plus, ce n’était peut-être pas quelque chose à dire devant Amaya, pour l’instant.

- Je sais que ce n’est pas comparable, mais tu trouveras une famille ici, dans l’adversité. On veillera sur toi, tu le sais, n’est-ce pas ? Et tu n’as pas besoin de ton frère pour exister. Je sais que tu l’as remarqué aussi.

☼ Amaya & Karma ☼

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une flamme dans l'obscurité

Amaya secoua la tête.
Elle avait déjà essayé, de se convaincre que Ian avait fait cela pour garantir la survie de sa famille. Au fond, une part d'elle y croyait toujours. Parce qu'il fallait protéger Roy, parce qu'il fallait préserver les jumeaux dans le ventre d'Urielle, parce que même si la méthode laissait à désirer, ultimement, il jouait aux échecs pour que leur famille reste en vie, en sécurité, et au pouvoir.

Mais avec le recul, avec ses cauchemars, elle commençait à comprendre que la notion de préservation que Ian avait pour les Carter n'était que pure égomanie. Il protégeait les Carter, parce que les Carter avait son nom. Ils n'étaient qu'une extension de lui, qu'il allait amputer à la moindre tâche sur son glorieux patronyme.
Comme il l'avait fait pour Cassandre.

Cassandre l'avait abandonnée, et elle avait abandonnée Ian.
Elle n'était pas totalement sûre que ça soit son frère, le monstre, le pariât. Elle aussi avait laissé sa famille derrière. Elle aussi avait choisi de suivre ses propres convictions plutôt que de préserver son nom.
Elle avait voulu devenir comme Ian, et elle est devenue comme Cassandre.
Le destin avait une drôle de façon de la punir.

« ... Il est vrai que ton frère est parmi nous, maintenant. Comment te sens-tu par rapport à ça ? Au moins il est dans notre camps mais... peut-on lui faire confiance ? »

Graham semblait croire qu'Aeron était une personne de confiance, puisqu'il en avait fait un bras droit au même titre qu'elle. Elle devait avouer que, au vu de son passif criminel, c'était bien plus difficile pour elle de le croire. Mais après tout, Omni l'avait également choisi lui, c'est qu'il devait avoir confiance en ses capacités.

Amaya presse les paumes de ses mains sur ses yeux. Elle est fatiguée, ses yeux sont irrités, et la lumière de la chaleur est agréable pour ses os, mais difficile pour sa vision. Même en fermant les yeux, les flammes lui évoquent sa maison.

« Non. Je crois que c'est bien le problème. Je n'ai jamais vécu sans les Carter, sans mon nom. Et on me l'arrache, car je n'y ai plus droit, je ne suis plus digne. Mais ce n'est pas ça qui m'empêche de dormir... »

Car au-delà du confort, être seule avec ses pensées forçait Amaya à voir la réalité en face. Avec une certaine lucidité, qu'importe l'issue de la guerre, elle savait qu'elle allait devoir affronter sa plus grand peur.

« Karma, tôt ou tard, je devrai confronter ma famille. Il se peut qu'ils ne soient pas dans notre camps, et que je doive les affronter... »

Elle secoue la tête.

« Si cela devait arriver, il faudra me tuer. Car je sais que je n'aurai pas la force de les blesser. Pas même Ian. »

Surtout pas Ian.
Ca la détruirait.
C'était ce qu'il avait voulu depuis le début, qu'elle soit incapable de vivre sans lui ? D'imaginer s'éloigner de lui ? Elle était comme une enfant sans repère, à devoir naviguer le monde sans boussole. Sans sa famille, Amaya n'était plus rien ni personne.

@Karma Strauss

Une flamme dans l'Obscurité

Février 2001

Si Karma avait évoqué sa relation avec son propre frère, ce n’était pas pour qu’Amaya reporte son attention sur lui, ni même pour qu’elle s’inquiète pour lui. En premier lieu, il avait voulu la rassurer, et trouver un nouvel argument qui puisse faire comprendre à la brigadière qu’elle pouvait se confier en toute confiance. Et qu’elle ne serait pas jugée.
Il se laisse même surprendre par le fait qu’elle puisse rebondir sur le sujet, et ce, même si la jeune femme avait toujours été d’une tendresse infinie à son égard, et que cet intérêt pour son état ne devrait, finalement, pas le surprendre.
Sa question et ses remarques sur Aeron arrivent alors à arracher à l’ancien gardien un léger souffle qui trahit un rire quelque peu gêné. S’ouvrir n’était pas le domaine dans lequel il était le plus à l’aise.

- Je vais être honnête Amaya, je suis doué pour vivre dans le déni pour quelques situations bien précises et Aeron en fait partie. Cependant… Il reste mon frère. Un allié puissant. Et un élu d’Omni. Alors pour ce qui est de lui accorder notre confiance sur notre but commun, je n’ai aucun doute là dessus.

Graham n’était pas un idiot. Et même si Karma avait toujours trouvé le fanatisme de son frère dangereux, il ne pouvait pas nier que la force de ses convictions était importante face aux fidèles de Némésis. Et il ne pouvait pas se permettre de faire la guerre à un membre de son propre camp.

- Il reste mon frère et même si je l’évite un peu… Je suis heureux qu’il soit de notre côté. Je ne pardonne pas ses crimes. Ils sont impardonnables. Mais peut-être que ces épreuves sont une façon pour Omni de le racheter à mes yeux.

Ses yeux se portent sur Amaya et sa mine fatiguée. Ils se plissent, inquisiteurs, car Karma est inquiet de la voir à bout de force.
Il ne l’interrompt pas.
Etrangement, il se retrouve en elle, quand elle parle d’avoir perdu quelque chose qu’on lui a arraché. Au fond de lui, se sentir désemparé de ne pas retrouver ce pour quoi on était né, il pouvait le comprendre. Un peu trop bien.

Il contemple le visage dur et sérieux de celle qu’il avait toujours vu pleine de détermination. Il la voit perdu, et peine à trouver les mots pour lui retirer ce poids qu’elle semble porter depuis trop longtemps maintenant pour pouvoir croire qu’elle peut vivre sans.
D’un geste hésitant, il tend les doigts vers les siens. La situation absurde de l'Understadt fait reculer bien loin le souvenir de ces jours où il évitait tout contact. L’heure n’était plus à se recentrer sur sa petite personne.
Doucement, Karma prend la main d’Amaya dans la sienne. Ce n’est pas très adroit, malgré l’agilité dont il a fait preuve contre ses ennemis. Mais ça avait le mérite de ne pas être forcé.

- Tu n’es pas juste une Carter, Amaya. Certes, ça fait partie de toi. Mais tu es bien plus que ça. Tu sais vivre hors de l’ombre de ce nom. Quand je t’ai demandé d’être mon Envoyée, tu as fait ce que ta flamme à toi, te dictait. Ce qui te semblait juste. Pas ce que les Carter auraient voulu. Vivre par toi-même ça ne veut pas dire les rejeter, ou rejeter ce qui t’a construit. Seulement écouter ta voix en premier, celle qui s’est façonné auprès de ta famille, mais aussi auprès de Narcisse, de Graham, de tes amis et maintenant de Catharsis.

Penchant doucement la tête, il cherche de ses yeux glacés ceux, fatigués, de sa cadette.

- Mais si cela peut te rassurer. Si tu venais à faiblir, je ferais ce qui est en mon pouvoir pour faire à ta place ce que tu ne peux pas te résoudre à faire. Et tu vivras libre.

☼ Amaya & Karma ☼

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une flamme dans l'obscurité

Il était vrai qu'il y avait peu de personnes qui pouvaient comprendre ce que pouvait traverser Amaya, avec la trahison de son frère, mais Karma en faisait parti. Pour autant, aujourd'hui, son frère avait reçu la bénédiction d'Omni, et elle comprenait ce qu'il voulait dire. Une épreuve de rédemption. Est-ce que Omni offrirait Sa grâce à Ian à nouveau s'il le voulait ? Ou est-ce qu'il n'y avait plus rien à sauver ?

De ce qu'elle avait pu comprendre... Ian avait assassiné Jessica Black, puis tenter de s'en prendre à Auguste et à Octavio. Ce n'était pas comparable à tuer une dizaine de moines au temple du feu ni le reste de sa famille... si ? Ian aimait sa famille. Il avait sa propre manière de le montrer, il était souvent incompris, mais c'était quelque chose qu'elle ne pouvait pas lui enlever, et ce à quoi elle s'était accrochée toute sa vie.
Ian Carter aimait les Carter, tant qu'ils suivaient ses règles.
Et tous ses frères et soeurs étaient étaient tous aussi désespérés qu'elle à se raccrocher à cela.

Et Amaya ne pouvait pas les blâmer, elle ne les blâmerait jamais d'avoir choisi de rester avec lui pour leur propre sécurité. Elle savait, grâce au dernier conseil de famille, qu'ils n'avaient jamais réellement voulu rejoindre le camp des traîtres, que Ian avait tranché pour tous. Peut-être que si elle avait tenu à la vie plus qu'à son honneur, elle n'en serait pas là.

« Je ne sais pas si Omni pardonnera un jour à mon frère. Je prierai pour lui, pour son âme, en espérant qu'il reste quelque chose à sauver. Encore aujourd'hui, je veux croire qu'il a fait tout ça pour protéger sa famille. Roy, et ses enfants à venir... Il n'a peut-être pas choisi les meilleurs méthodes, mais ils vivront grâce à sa décision. »

Et elle ne pouvait pas en dire autant des autres dynastes. Galmor et Newton étaient morts, Hadrien avait rejoint l'Understadt, et son cadet par miracle. Elle espérait de tout son coeur que Lison, sa douce Lison, ne dépérirait pas des mains d'Isaac, que son nouveau coeur n'allait pas la lâcher quand son amour et ses proches en dehors de sa famille avaient fuis ici-bas. Elle n'avait même pas pu lui dire au revoir.

Amaya se laisse surprendre quand elle sent une paume contre la sienne. Elle regarde le gardien déchu, peinant à cacher sa surprise face à ce geste anodin. Elle est trop épuisée pour interpréter son geste autrement que par un effort de sa part pour la réconforter. C'était connu, que le gardien refusait tout contact pour la plupart des gens. Heureusement pour lui qu'elle non plus n'avait pas l'habitude d'être tactile, elle aurait été incapable de dire que c'était peut-être un peu maladroit. Et, bien que faiblement, ça le fait sourire un instant.
Et ses paroles la réchauffent.
C'était toujours difficile de croire qu'on l'estimait autrement qu'à travers la gloire de ses ancêtres et de ses adelphes. Pourtant, elle pouvait croire en la sincérité des mots de Karma. Ils l’apaisaient.

Et il avait raison ; il n'y avait pas que ses frères et soeurs dans sa vie. La plupart des brigadiers auprès desquels elle avait combattu étaient là. Catharsis, c'était Graham, Cybèle, Lilith, Liz. Harper, Saul, Auguste, Zora. D'autres, qu'elle ne connaissait pas très bien. Mais c'était différent avec eux, il n'y aurait pas qu'un seul chef, pas qu'une seule personne pour trancher pour tout le monde. Ils existeraient tous, indépendamment des uns et des autres, mais unis.

Etait-ce comme ça, qu'une famille devait fonctionner ?

Ses doigts se resserrent sur les siens.

« Tu as peut-être raison. Mais je ne m'en rends compte que très tard. Et je ne suis pas prête à ne pas culpabiliser. Pas encore. Tôt ou tard, il faudra que je fasse un choix, et je n'ai pas envie d'y penser. »

Elle lève ses yeux fatigués vers Karma.

« Si un jour, on en vient à cela, promets-moi. Promets-moi que tu me tueras avant quiconque d'autres dans ma famille. »

Parce qu'elle-même ne se ferait pas confiance pour ne pas les trahir au dernier moment pour sa famille.
Et elle ne pouvait pas demander à Graham de faire cela. Lui qui avait déjà trop perdu. Lui qui lui faisait confiance.
Elle ne voulait pas encore devoir choisir entre Omni et sa famille.

@Karma Strauss

Une flamme dans l'Obscurité

Février 2001

Les mots d’Amaya résonnaient bien trop facilement, se réfléchissant en miroir dans le passé de l’ancien gardien de temple qui comprenait ses espoirs autant que ses doutes. Il n’avait pas été aussi confiant lorsqu’Aeron avait franchi un point de non retour pour tous les membres de la famille Strauss et aux yeux de la cité entière. Aujourd’hui, face à l’espoir et aux réserves dont fait preuve la brigadière envers son frère, il se rend bien compte qu’il n’avait pas placé autant d’amour fraternel envers son propre sang, que la jeune femme. Mais il comprenait que cela était possible. Dans certains cas.

Et puis, il y avait le reste de sa famille qu’elle laissait derrière elle. Lui n’avait pas été écarté de sa famille au contraire. Les choix de son aîné l'avaient éloigné, lui, de leur famille et non pas l’inverse. Dans le cas d’Amaya, c’était comme prendre des otages qui n’étaient consentants que parce qu’ils avaient envie de vivre. Et devoir constater ce choix, impuissante.
Il était difficile de trouver les mots, face à ce sentiment. Alors Karma hoche la tête en silence car il ne pouvait pas priver la jeune femme de l’espoir de voir ses proches survivre à tout ça.

Il reste aussi silencieux, ne remarquant que trop bien la surprise d’Amaya quand il lui prend la main. Même au fin fond de l’Understadt, il lui semble accorder un privilège énorme et pourtant, étonnamment naturel. Tout comme le sourire de la jeune femme lui semble être un cadeau dans la noirceur de cette ville souterraine.

Admettant sans mal que sa peur des contacts était de notoriété publique, mais que son franc parler l’était aussi. Il espérait qu’elle comprenne. Qu’elle soit apaisée.
Et la pression des doigts sur les siennes lui arrache un sourire bien plus notable.

- Il n’est jamais trop tard pour se rendre compte de choses ou pour faire des choix. C’est toujours un bénéfice. Pour plus tard, s’il nous a fallu du temps pour le réaliser. C’était ce que mon grand-père disait en tout cas.

Quand il croise son regard, il a l’air plus grave mais le sourire ne l’a étrangement pas quitté.

- Je ne les laisserai pas te faire du mal. Et je ne laisserai pas les membres de ta famille qui y seraient contraints, se salir les mains en faisant un choix qu’ils n’ont pas décidé. Je te le promets.

Avait-il promis de l’enlever des crocs des Carter en lui enlevant la vie ? Il l’ignorait, et espérait qu’un moyen détourné se présenterait le moment venu. Car le moment viendrait, pour chaque membre de Catharsis, de faire un choix en remontant à la surface.

Lentement, ses doigts relâchent la main d’Amaya pour frôler sa joue comme un courant d’air avant qu’il ne repose son dos sur le mur de pierre derrière eux, dossier sans grâce et sans confort que lui offrait l’Understadt.

- Pour l’instant, tu as d’autres choses à penser. Et tu dois dormir avant toute autre chose. Je vais y veiller.

On ne pouvait pas plus le prendre au mot, quand il ouvre le bras, le passant par-dessus les épaules d’Amaya en l’incitant du regard à se reposer contre lui.

- Viens. Je reste là. Avec toi. Il ne t’arrivera rien. Je te promets quelques heures de repos. Si tu ne parviens pas encore à dormir, tu pourras au moins fermer les yeux.

☼ Amaya & Karma ☼

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Les muscles d'Amaya se détendent légèrement. Savoir que Karma serait là si jamais elle devait en arriver au choix le plus redoutable de sa vie, pour l'empêcher de dévier le chemin qu'Omni a tracé pour elle, lui apportait un peu de paix dans ces temps troubles.

Par réflexe, elle résiste un peu quand le gardien passe un bras autour d'elle. Ce n'est pas le contact qui la dérange, mais elle ne veut pas être prise en pitié, et elle se dit encore qu'elle n'a pas besoin de dormir, bien que son corps tienne à peine debout. Et pour une raison qui lui échappe, ce simple geste de réconfort lui fait ressentir une immense tristesse.

Qu'avait-elle fait, pour qu'aujourd'hui ce soit Karma Strauss qui la prenne dans ses bras ?

Etait-elle réellement la seule de sa famille à s'être enfuie ? Est-ce qu'elle ne devra compter désormais que sur d'autres personnes pour la réconforter ? Pour se confier ?
Jamais plus, ce ne serait un de ses frères qui la prendrait dans ses bras.
Jamais plus, ce ne serait une de ses soeurs qui la consolera.

Alors Amaya se laisser aller dans cette étreinte, se cala contre l'épaule du dragon, les yeux rougis.

« Peut-être que je fermerai les yeux quelques minutes. »

Mais elle n'aimait pas s'endormir sur des idées noires, elle ne voulait pas penser à des choses fâcheuses, car elle savait que ça ne ferait que nourrir ses cauchemars. Elle était bien trop épuisée pour réfléchir à des moments heureux dans sa vie, ceux qui n'impliquaient pas sa famille.

« Est-ce que tu as réfléchi ? A ce que tu ferais si on réussit à retourner à la surface... Dans un monde idéal où peut-être, tout redeviendrait comme avant. »

Ce soir-là, Amaya n'arrivait pas à s'imaginer un avenir après la victoire.
Mais ça n'était pas parce qu'elle n'avait pas d'espoir pour elle qu'elle ne pouvait pas concevoir celui des autres. Puisqu'elle ne se battrait pas pour elle, elle le ferait pour ceux qui voudraient vivre.

@Karma Strauss

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Février 2001

Il avait bien senti Amaya se tendre à son geste inattendu, et il comprenait parfaitement ce genre de réactions tant par l’improbabilité de la chose et par le fait qu’il soit loin d’être la personne la plus tactile du monde. Mais malgré le fait qu’il ne puisse que le comprendre mieux que quiconque, Karma avait volontairement choisi d’ignorer cette légère réticence à se laisser aller, pour le bien de la jeune femme qui n’arriverait peut-être même pas à trouver le sommeil. Même comme ça.

Il ignore tout de ce qui peut traverser l’esprit de la dynaste brisée qu’il sert doucement contre lui lorsque cette dernière consent à se reposer enfin contre son épaule. Il ne voit même pas ses yeux rougis par les prises de conscience et les questions qui tournent probablement dans sa tête. Les siens se perdent dans les flammes comme pour lui laisser un peu d’intimité, de toute façon.
Malgré tout, il est heureux de sentir qu’elle lui fait confiance.

- Prends ce dont tu as besoin. Et si le sommeil vient, promets moi simplement de ne pas lutter.

Le regard toujours rivé sur les flammes, il hausse un sourcil quand la voix de la jeune femme s’élève encore. Il aurait pu lui dire que parler ne l’aiderait pas à dormir mais pour la première fois, Karma retient ses mots maladroits et se contente d’inspirer doucement.

- Je n’ai jamais été très doué pour me projeter dans la vie. Ça a toujours été plus facile de le faire pour les autres. Gérer les autres.

Pour elle, il n'évoquera pas le fait que son nom et l’héritage qu’il portait lui avait toujours donné l’impression d’être guidé.
Devant eux, ses longs doigts pâles remuent doucement en direction du feu qui frémit au même rythme.

- Je regagnerai mon temple, dans un premier temps, j’imagine. Il me manque tu sais.

Sans grande concentration mais avec une infinie précision, il redessine les flammes devant eux, les faisant danser comme si elles venaient de prendre vie sans son intervention.

- Maîtriser le passé pour en faire une force et non une faiblesse. Comme une sorte de renaissance. J'essaierai de m’ouvrir un peu plus. Aux autres. Du moins aux personnes qui comptent pour moi, parce que je t’assure qu’il y en a.

Son rire est presque inaudible et ses yeux quittent les flammes avec lesquelles il joue entre ses doigts pour observer ce qu’il peut voir de la jeune femme blottit contre lui.

- Ou alors… M’exiler dans la zone agricole. C’est tout aussi tentant. Qu’est ce que tu en penses ?

☼ Amaya & Karma ☼

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Amaya soupire légèrement. C'était agréable, d'imaginer qu'en retournant à la surface, quand ils pourraient avoir un semblant de vie normale, ils pourraient agir sur les choses qu'ils regrettaient. Karma parlait de s'ouvrir aux autres... Et Amaya comprenait cela. Pendant si longtemps, son monde n'avait évolué que dans le cocon familial. Aujourd'hui, parce qu'ils n'étaient plus auprès d'elle et qu'elle ne pourrait sans doute plus jamais être auprès d'eux, elle sentait son monde s'écrouler.

Elle avait la question, au bout des lèvres : est-ce qu'elle comptait pour lui ?

Mais elle n'osait pas, elle n'osait plus.
Karma avait toujours été une lumière pour elle, inatteignable. Et il était beau, sur son piédestal, et ça la comblait, qu'il soit une oeuvre à admirer, pas à toucher. Elle n'avait pas besoin de plus, si ce n'est de savoir qu'il existait, et qu'il savait qu'elle existait. Qu'il reconnaisse sa dévotion.

Karma était devenu une constante dans sa vie, bien qu'il ne s'imagine pas à quel point. Si jamais elle l'entendait dire, à voix haute, qu'elle ne comptait pas pour lui, elle n'arriverait pas à l'encaisser. Pas avec la réalisation qu'elle ne comptait plus pour sa famille.
Amaya devait garder l'envie de vivre et de se battre, encore suffisamment longtemps.
Suffisamment longtemps pour que Graham triomphe.
Et ensuite...

« ... S'exiler, c'est très bien. »

Elle ferme les yeux, et s'endort.

@Karma Strauss

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