Le contact avec Hazel avait été difficile, dernièrement.
Berlin avait pourtant œuvré à l’éloigner du danger pendant toutes ces années, s’était évertué à combattre l’infamie qui ronge l’Understadt pour lui transmettre un avenir paisible et sans risque de mort imminente.
Mais Nemesis n’avait que faire des veuves et des orphelins que leur idéologie provoquait.
Comme l’avait si bien annoncé leur leader, ils se débarrassaient de quiconque se mettrait en travers de leur chemin.
L’envoyé de la terre devait-il autoriser les criminels et les nuisibles à piétiner le sol sacré de la cité sous prétexte d’être étreint par la peur à chaque fois qu’il s’imaginait quitter Hazel malgré lui ?
N’était-ce pas pour éviter d’avoir à faire ce choix qu’il descendait, chaque jour, dans la bouche de l’enfer ?

L’Understadt avait été confiné depuis le décès du Confesseur, toute communication avait été brouillée et il était nécessaire de se préparer à la guerre qu’il avait annoncée plutôt que de chercher à déloger la vermine.
Ils viendraient d’eux-même.
Et aucun habitant de l’Understadt ne pouvait désormais être considéré comme un innocent.
Son travail il l’abattait principalement en compagnie de son frère cadet, Paris.
La coordination était de mise et l’on ne pouvait jamais être trop prudent.
A l’initiative des hérauts, les sorties connues de l’Understadt commençaient à être isolées et cela consistait un travail de longue haleine, compte tenu des précautions qu’ils se devaient de prendre pour ne pas tomber dans un piège.
Qui sait les abominations qui pouvaient bien se dérouler en ce moment même dans les entrailles de Tempelhelm ?

Berlin était venu chercher Hazel avec la ferme intention de laisser derrière lui ces préoccupations, il ne fallait pas troubler l’enfant plus qu’il ne l’était déjà.
Pourtant, à peine son regard s’était-il posé sur Moon qu’il savait avec certitude qu’une décision se devait d’être prise ce jour.
Dans le but de préserver ce qui pouvait l’être.
Un sourire lui avait péniblement été adressé, révélateur d’une fatigue pesante.

Bonjour, Moon.

Alors qu’elle indiquait la voiture d’un signe de la tête, l’envoyé de la terre se contente d’acquieser.
Prend le volant, tente vainement de se montrer à l’écoute avec Hazel, mais les préoccupations n’étaient jamais loin.
Cette scène aurait pu représenter un idylle, si le compte à rebours ne s’était pas déjà activé.

Une fois chez lui et à peine la petite fut endormie que Moon lui communiquait déjà, à raison, les inquiétudes qu’elle nourrissait au sujet de sa position dans la brigade et par conséquent de son implication dans le conflit à venir.
Les lèvres de Berlin s’entrouvrent pour venir accueillir une cigarette, peu importe les maladies maintenant que la mort était si proche, qu’il garde éteinte.
Prend appui sur le plan de travail auquel il tourne le dos.

Nemesis n’a l’air de mener aucune action de surface depuis leur dernière prise de parole. Aucun membre des brigades n’a été pris pour cible. Cela laisse à penser qu’ils n’ont rien à faire de nous sur le plan personnel. Ils ont certainement l’intention de nous écraser tous en une seule fois.

Les intentions d’Isaac étaient encore nébuleuses, il n’avait jusqu’à présent agit que dans un but de destruction évident et n’avait jamais témoigné de son intérêt de prendre la ville, seulement de se débarrasser de ses élites.
Pouvait-on pour autant considérer que les citoyens étaient en sécurité ?
Rien n’était moins sûr.

De par ma fonction je participerais effectivement à la bataille que l’on mènera contre Nemesis. Enfin, s’il s’agit réellement d’une bataille. De par leur attitude générale, j’ai du mal à imaginer ce conflit comme une bataille rangée avec deux armées se faisant face.

Quelle était la cible de Nemesis ?

En somme, je n’ai rien de très rassurant à t’annoncer. Si je doute qu’ils s’en prennent directement à Hazel et aux enfants de Tempelhelm, mon inquiétude demeure malgré tout dans l’avenir que nous pourrions lui laisser si nous venions à perdre contre eux.

Les émotions transmises par les paroles de Moon ne manquaient pas d’atteindre l’envoyé de la terre.
Quel avenir, en effet ?
Mais la question de son avenir, il se la posait avant même que sa vie ne soit menacée.
Que pouvait-il réellement offrir à Hazel si ce n'était les dysfonctionnements d’un père noyé chaque soir dans ses propres démons ?
S’il savait se montrer compréhensif et à l’écoute d’Hazel alors qu’elle était enfant, en serait-il nécessairement de même lorsque cette dernière aura atteint l’âge de l’adolescence ?
Sa relation avec Hazel pouvait-elle être préservée alors qu’il était incapable d’assurer son propre avenir ?

A la question de Moon, il n’avait aucune réponse.
Car il ne désirait pas faire preuve d’hypocrisie en sa présence, parce qu’ils s’étaient bien trop écorchés par le passé, parce qu’il avait laissé Hadrien Steinhart la seule personne dans cette ville à s’être un jour inquiétée de l’heure à laquelle il pouvait bien rentrer ou bien des marques qu’avait laissé son père sur sa peau.

J’en sais rien, Moon. J’en sais rien.

Sa poigne se crispe contre les bords du plan de travail auquel il était adossé.
Il s’habille d’un sourire pénible, désabusé, alors que sa tête bascule vers l’avant, épuisé.

Cette ville, Nemesis, Légion, Elyon, les hérauts, Omni… Plus personne n’y croit. Je ne suis même pas sûr que tu sois toi-même convaincue que l’on puisse gagner, sinon nous n’aurions pas cette discussion. Je ne suis même pas sûr que cette bataille serve à quelque chose. Quoi qu’il advienne, Tempelhelm sera changée à tout jamais.

Pousse un long soupir, dépité.

Les hérauts sont ce qu’ils sont mais… J’ai le souvenir d’un homme qui, malgré les doutes et un combat perdu d’avance, s’est dressé contre Isaac Weidmann et ses forces pour continuer à faire brûler la flamme de l’espoir et sauver ce qu’il pouvait tenter de sauver.

La mort d’Abel Desmont remontait maintenant à plusieurs mois mais il n’avait pas oublié la chaleur rassurante de ses flammes.

Peut-être que si je n’avais pas ressenti la chaleur de ces flammes, je serais tombé face aux élémentaires nous ayant attaqué devant le temple d’Omni. Les gens ont besoin de cette chaleur, Moon.

Relève la tête, une mine gênée et un sourire crispé.
Gratte l’arrière de sa tête, comme il le faisait lors de ces interludes honteuses.

J’irais pas jusqu’à prétendre être quelqu’un d’aussi courageux que Abel Desmont mais j’aimerais montrer à Hazel qu’on est pas toujours obligé de baisser la tête face à l’orage. On peut aussi chasser les mauvais nuages nous-même.

Les yeux levés au ciel.

Un truc dans l’genre.