Tu t’autorises un minuscule relâchement - subtile tension dans les épaules qui se dénoue enfin - alors que tu clos votre réunion.
Avec le ravage de Bomei par les Carter - tout du moins leur représentant, mais ta rage t’occulte ta modération - tu as avancé la date de la réunion que vous aviez prévu à la fin du mois.
Tu as été très vite au courant - tu étais au travail quand c’est arrivé et tout Elyon s’est mis en alerte et c’est comme si tout s’effondrait.
Dans ton arrogance coutumière, tu t’es persuadé que tu aurais pu faire quelque chose pour l’éviter.
Comme si ça n’était pas simplement le système tout entier le problème.
Comme si tu étais plus qu’un simple humain.

Avec cette réunion, tu as tenté d’être plus. D’avantage que des hommes, plus proches d’ombres. Tu as vu presque toutes les informations sur cet évènement rester inaccessibles (qui est la personne que Ian Carter a tenté de carboniser avec tant d’ardeur et pourquoi ?), le sceau du secret verrouiller la vérité sur cette affaire qui a rasé la moitié d’un quartier de la carte.
Alors si personne ne veut être honnête et dire les véritables choses, vous le direz. Sans filtre, sans prétention. Vous avez l’ambition d’être objectif - en tout cas, vous ne ferez aucun cadeau, ni  à un camp ni à l’autre.
Vous serez une troisième possibilité, ne demandant pas d’adhésion à votre message - vous n’êtes que les porteurs de la vérité (c’est déjà beaucoup), vous exigerez des puissants - quels qu’ils soient - qu’ils cessent leurs mensonges, qu’ils cessent leur rétention abusive d’informations.

Les merveilles du net étant ce qu’elles sont, vous pouvez apparaître comme des milliers en n’étant que le petit nombre que vous êtes. Envahir la moindre parcelle, dévoiler des semi-vérités, de ces rumeurs que tout le monde soupçonne d’être véridiques sans en avoir la preuve. Vous commencerez plus petit et puis vous avancerez, vous attaquerez à Elyon.
Car après tout, c’est eux que tu vises en premier. Tu restes persuadé que le système est pourri par leur faute. Sans eux… peut-être tout n’est pas perdu. Tu as envie d’y croire, de t’y accrocher.
Tu refuses de t’abandonner à l’adoration d’un dieu supplémentaire, d’un dieu qui prônerait la destruction davantage que la construction, le chaos à tout prix. Tu n’es pourtant pas un fondu de l’ordre envers et contre tout.
Simplement, Eclipse est trop… trop.

C’était assez grandiose, tu dois avouer et l’adrénaline n’est toujours pas redescendue lorsque le dernier membre de Légion quitte la pièce.
Tu as déniché ce vieil immeuble en fouillant sur ta olid, une friche abandonnée, un endroit parfait pour vous réunir tous.
Tu insistes pour vous voir dans l’Understadt pour de nombreuses raisons, l’anonymat n’est qu’une d’entre elles. Pour toi, l’Understadt synthétise bien les raisons de votre combat et tu cherches à ce que personne ne l’oublie.

Seul enfin, la pression redescend. Ton fameux masque d’ours toujours sur le visage, tu amorces un étirement lorsqu’une silhouette se glisse par la fenêtre à laquelle tu fais face.
Disparu le relâchement, encore plus lorsqu’elle le nomme.
Au moins, elle ne t’a pas appelé Odelin murmure ton esprit. (comment aurait-elle pu ?)

Tu détailles avidement sa silhouette de ton oeil unique - le masque n’aide pas à la qualité de ta vision. Heureusement tu as changé de lentilles et celles-ci protègent parfaitement ton infirmité.

— Et toi une intruse qui n’a rien à faire là, répliques-tu d’un ton coupant.
Ses habits trahissent son origine - comme son attitude. Elle n’est pas d’ici. Elle vient d’en haut.
Comment t’a-t-elle trouvé ?

Son nom qu’elle te livre sans y réfléchir te conforte dans ton idée : elle est inconsciente. Complètement inconsciente ou naïve. Ou pire : les deux.
En tout cas pas effrayée, tu vois bien qu’elle cherche ses mots avec peine.
— Et pour remercier les gens, tu les traques dans leur vie privée ? Cette fois, plus circonspect, tu demandes avec sarcasme.
Calme en apparence - toujours -, bouillant en intérieur.
La même question parasite toutes tes pensées :

C o m m e n t  ?

N’est un secret pour personne qu’adl a fondé Légion (après tout, c’est noté dans la bio de ton Freeden). Néanmoins, ces réunions sont secrètes.

— Je doute avoir fait quoique ce soit qui mérite tant d’efforts. Un message aurait suffit si tu brûlais tant de me remercier.
L’idée que tu puisses avoir des “admirateurs” te dépasse complètement - c'est pourtant bien ce que tu vois sur son visage. Et puis qui d'autre prendrait des risques pareils pour "remercier" quelqu'un ?
Tu n’as jamais rien fait de bien sérieux - à part Légion. Tu faisais chanter des harceleurs comme occupation égoïste - l’impression que tu étais puissant quelque part.
T’as jamais été quelqu’un d’altruiste. Pas que ça t’embête qu’on le pense, après tout les apparences sont trompeuses.

Avec un petit soupir, tu enchaînes - toujours en recherches de réponses, tes pas te rapprochant d'elle :
— Qui as-tu suivi pour trouver cet endroit ? la voix basse, presque menaçante. Tu dois savoir, ne serait-ce que pour récupérer ce contrôle qui semble vouloir se faire la malle.
Que tu saches à qui faire un sermon sur la discrétion - ou qui écarter, s’iel a parlé de Légion sans faire attention.

— Tu me cherchais, objectes-tu. Étant donné que je n’ai pas été suivi, tu as forcément suivi quelqu’un d’autre.
Tu es bien certain de ton coup, tu fais toujours en sorte de passer par des endroits étroits où rester silencieux est impossible - autant pour toi que pour une éventuelle personne qui te suivrait.
— Tu n’es pas arrivée par magie, n’essayes pas de me faire croire le contraire car ça ne marchera pas.
Tu es peut-être arrogantconfiant mais pas au point de perdre toute lucidité. La réunion était intraçable - si une personne pouvait pirater votre conversation, elle n’aurait pas envoyé quelqu’un de cette manière et vous seriez intégralement compromis - tu t’en es assuré personnellement.

— Certains soirs, oui , tu réponds honnêtement (sans préciser qu’ils se comptent sur les doigts d’une main ces deux dernières années).
Les soirs où tu doutes - ils sont rares mais ils existent, déjà bien trop nombreux à ton goût.
Ces soirs de grande solitude où tu hésites à prendre une pause, où tu te questionnes sur le bien-fondé de tes méthodes.
La même conclusion revient toujours : le système ne s’embarrasse pas de méthodes bienveillantes, pourquoi toi tu devrais t’ajouter cette contrainte ?
Ce simple constat est amer; celui de voir la bienveillance comme une gêne, mais que peux-tu faire d’autre ?

— Il y en a trop pour que je réponde à tous, encore cette même honnêteté crue qui devient cruelle. Tu ne cherches pas à épargner l’égo de cette agaçante inconnue (menaçante surtout, tant que tu ignores comment elle a fait). Qu’est que ça changerait de toute façon, que j’y réponde ?
Tu as déjà ta réponse ancrée depuis des années : rien. Absolument rien.
Totalement insensible à ce qu’est la reconnaissance, à ce qu’elle peut faire faire d’incroyable aux gens.
Sans ciller, à travers le masque d’ours que tu as eu le bon sens de garder, tu ajoutes : Qu’est ce que ça ajouterai à l’action ? Je pouvais le faire, je l’ai fait.
ça change des vies d’un côté mais pour toi ça ne sont que des grains de sables. Tu as beau les amasser depuis des années, tu en es encore à construire un pathétique château à la merci de la marée qui monte de plus en plus vite.

— Que je la trouve déplacée ou non, elle existe, répliques-tu en éludant le sujet. Tu peux changer beaucoup de choses mais ce sentiment absurde n’en fait pas partie - ou du moins, tu le préfères encore au mépris pour tes actions. La reconnaissance est parfois agaçante mais elle a ses avantages. Ton nom est lié à tes actes, qu’il s’agisse de ceux qui engendrent cette “reconnaissance” ou des actions de Légion.

La dernière pique pour te faire réagir probablement - pas vraiment ce qui t’intéresse. Elle veut te pousser, peut-être est-elle vraiment déçue.
Mais de la part d’une inconscient pareille, tu ignores à quoi t’attendre vraiment.
— Ne m’insulte pas je te prie, le ton lointain, la voix stable mais distante. J’ai créé tout ça tes mains englobent le lieu pour évoquer Légion et plus encore (tu sais pertinemment qu’elle a du entendre une partie plus ou moins importante de la réunion)pour briser le système. Ça ne marchera peut-être pas mais j’aurai essayé.
Et “essayer” un euphémisme. Ta vie entière tourne autour de ce but depuis quinze ans, soit la moitié de ton existence.
L’idée que tu puisses échouer te brûle la langue mais cette rencontre inopinée a fait redescendre l’euphorie de la réunion, l’amertume est de retour bien plus vite que prévu (qu’espéré).
Ces réunions sont secrètes pour une bonne raison et je suis inquiet que des oreilles moins bien intentionnées que les tiennes puissent les entendre.
C’est la vérité, une fois de plus, simplement légèrement enrobée. Il te faut cette information et tu es prêt à peu près tout pour l’avoir.

Finalement ton regard revient sur elle et la voix radoucie tu reposes la question cruciale :
— Qui as-tu suivi ? Je fais confiance à chacune des personnes qui étaient présentes dans cette pièce et ça n’aura pas de conséquences sur eux, si c’est ça qui t’inquiète.
Rien d’autre que ta paranoïa qui te jouera des tours pendant plusieurs mois, mais tu t’efforceras de ne pas trop leur en faire payer les frais.
Tu as été négligent, c’est ta faute si ce genre de situations arrive.
Si tu avais répondu à son stupide message, peut-être aurais-tu la paix et pas une inconnue d’en haut qui a suivi une bonne partie de la réunion, arrivée tu ne sais pas comment précisément.
Tu te félicites d’autant entretenir le mystère sur toi. Parfois tu aimerais tisser de véritables liens avec les autres mais tu te rappelles les conséquences possibles et ça te fait comme une douche froide.

Prudence est mère de sûreté.

— Je leur fais confiance mais je reconnais qu’ils puissent être faillibles, ça n’a rien de contradictoire, opposes-tu.

Amer, frustré que tes tentatives demeurent des échecs. Ta part adl prend bien trop de place - elle suffit toujours dans ces situations. Pourtant tu te dis, qu’ici, Odelin aurait été bien plus utile.
Tu ne t’y es jamais perdu, la frontière demeurant bien nette (tu ignores les exceptions que tu t’autorises car elles aussi, elles demeurent encadrées).

Haussant un sourcil, tu doutes sérieusement de ce qu’elle te raconte ; l’idée qu’une deuxième personne ait pu vous écouter te dépasse complètement. Tu n’y accordes en fait aucun crédit tellement ça te parait improbable.
Mais elle te tient tête, tu comprends bien que tu n’arriveras à rien en continuant comme tu le fais. Elle t’a offert son nom complet, te facilitant grandement la tâche pour remonter jusqu’à celui qu’elle aurait pu suivre. Mais tu t’attaches à un point de détail, perdant de vue l’essentiel. Te battre pour une information comme un chien pour un bout de viande ne t’aidera en rien.
Alors tu recules, concèdes une excuse que tu n’aurais jamais lâchée en temps normal.

— Je te présente mes excuses. Tu m’as surpris, je ne savais pas comment réagir et j’ai mal réagi. Un soupir, le masque te parait bien lourd.
Nous ne faisons pas ici des choses particulièrement légales, tu l’auras bien compris. Notre anonymat est essentiel, c’est notre seule protection. Voir une parfaite inconnue dont j’ignore tout, à commencer par ses motivations, n’était pas quelque chose que je prévoyais.
C’était en fait quelque chose que tu n’envisageais même pas - mais si tu y avais pensé, tu aurais ardemment souhaité l’éviter.

Ses reproches pèsent bien peu pour toi, comme un souffle de vent face à un rocher bien arrimé ans le sol.
Tu n’es pas un révolutionnaire (si peu) ; ce qu’elle dit n’a donc pas de sens et ne t’affectera donc pas.
Et tu traites tes ressentis comme des choses pragmatiques et logiques, ce qu’ils ne sont pas en fait. Mais c’est plus simple de te dire que tu maîtrises, de te dire que ce que dit Céleste Campbell, cette inconnue si assurée, ne trouve aucune prise en toi plutôt que d’admettre l’inverse.

— Arrête de me vouvoyer, s’il te plait. Je ne suis qu’un homme qui essaye de faire de son mieux en se battant pour des causes auxquelles il croit.
Tu aspires à plus, pourtant, à tellement plus.
Dans ce lieu désaffecté finalement, tu te sens tout petit - et tu détestes ça.

— Ce n’étaient pas simplement de belles histoires, affirmes-tu, ton regard derrière le masque qui vient retrouver le sien.
C’est plus, bien plus. C’est le début de ton combat, c’est ce qui te rappelle d’où tu viens. Ce que tu ne devrais pas perdre.

— C’est soit courageux soit complètement inconscient de descendre ici, commentes-tu.