Seule Amaya savait qu’il foulait le sol de Tempelhelm ce soir, et pourquoi. Pas une autre âme n’aurait pu se douter de la direction qu’avait pris Karma quelques heures plus tôt, lorsqu’il était sorti de leur demeure. Ils y avaient veillé et commençaient à développer un sens particulier pour être le moins possible épiés par Arkmere.
Une façon de protéger ce qu’il y avait de personnel à tout prix, encore trop habitués à ce sentiment de liberté qu’ils avaient eu toute leur vie là-haut, au-delà des nuages.

Et pour cette entrevue aussi inattendue qu’improbable, Karma avait eu à cœur de la conserver dans un écrin pour ne pas être dérangé, peu importait les raisons.

Étrangement, en lisant la fin de la dernière lettre reçue de Cronos, l’ex gardien du temple du feu n’avait pas hésité.
Quelques années plus tôt, l’insécurité dans laquelle il évoluait vis à vis de l’ex némésis l’aurait poussé à ignorer cette invitation. Il ne se serait jamais déplacé et n’aurait peut-être même jamais répondu. Si réponse il y avait eu alors, elle aurait été froide et aurait rejeté sans appel cette proposition de paix.

Mais aujourd’hui, il n’y avait plus de némésis, il n’y avait plus de gardien, il n’y avait plus rien. Tempelhelm était nouvelle, bâtie sur de l’ancien pour effacer les traces de sa chute, ne laissant que des souvenirs.
Omni et Eclipse, toujours là-haut, se battaient enfin face à face, cessant de demander aux hommes de le faire à leur place.
C’était comme une trêve, en bas.
Voilà ce à quoi Karma songeait en remontant par les rues reconstruites de son ancien quartier. Helios Starke.

- J’imagine que tu es surpris de me voir. Ou peut-être pas, en fait. Moi je ne suis pas surpris en tout cas.

A quelques pas du temple du feu qui n’existait plus vraiment, plus autant que lors de ses plus belles années, la promesse de Cronos se réalisait.
Il était là, et il attendait. Sous une lune presque totalement effacée de son ciel. Sur les vestiges de leur dernière rencontre.

Durant un court instant, Karma crut que le sol tremblait à nouveau et que la ville allait encore une fois chuter.
Mais la nuit était calme, presque autant que la ville qui les entourait. Helios Starke ne résonnait plus du brouhaha perpétuel des natifs du feu que la chute avait réduit au silence.

- Bonsoir Cronos.  

Toujours aussi droit, toujours aussi solennel. Karma, à quelques pas de Cronos. Cronos, à quelques pas du sol qu’ils avaient foulé en se faisant la guerre. Comme c’était étrange.
Du temps était passé pour penser les plaies. Pourtant, il entendait encore le fracas des dieux, et les hurlements de leurs fidèles. Ceux du fanatique en transe et les grondements du dragon.
Le lieu en était empli, comme chargé d’énergie.

- J’espère que je ne suis pas en retard.

Etrange, oui.
Comme réflexion.