En ce 20 juillet, Elios Meltzer est l’un de ces hommes impeccables, tirés à quatre épingles, qui circulent entre Arkmere et Tempelhelm. Il faut dire que l’occasion est toute particulière : la Princesse de Greygarde, Mordred Harcourt, l’a convié à une entrevue. Et s’il a toutes les raisons du monde d’être méfiant, c’est la curiosité infinie d’Elios qui est sur le qui-vive de même que son goût pour les belles choses. Pour ce qui brille. Pour cette royauté de Greygarde aussi dangereuse qu’intrigante. Alors il a accepté. Bien sûr qu’il a accepté ! Ce serait mal le connaître que croire que le simple prétexte qu’il s’agisse de l’ennemi suffirait à le détourner.
Il sait combien il est important de connaître son ennemi. De savoir à qui il a à faire autrement que par les descriptions qu’on en fait, les on-dits et la voix du conseil des chuchoteurs. Pouvoir discuter en face à face avec Mordrer Harcourt, c’est autre chose, et cela sera autrement instructif, il en est certain. Il sait tout cela sans être bêtement naïf, tout de même, c’est pourquoi un homme large d’épaules, au visage impassible, le suit quelques mètres en arrière, sans broncher. Comme il l’a annoncé dans sa réponse à la princesse, c’est l’un des membres de son équipe de sécurité.
Il tient trop à la vie pour aller simplement converser avec la royauté de Greygarde les mains dans les poches. Fusse en territoire « neutre ». La notion de neutralité étant encore à confirmer, dans son esprit. Il a été déposé non loin de l’ambassade et termine le trajet à pieds (sa propre excentricité). Tandis qu’il arrive devant la porte à double battant qui s’ouvre pour le laisser passer, il aperçoit son reflet et hoche la tête d’un air satisfait.
Il aime l’image qu’il renvoie et ne peut que remercier intérieurement, une fois de plus, le talent de Lison B, qui a ajouté une dimension de style et d’originale élégance à sa garde-robe. Après qu’on lui ait confirmé la présence de la princesse dans le plus haut salon, il gravit avec détermination les étages et lisse d’un geste maniaque ses manches, avec d’accepter que l’on frappe pour l’introduire.
Le lieu en impose, c’est raffiné, décoré avec soin et même fleuri. Le regard du Meltzer glisse sur ce qui l’entoure avant de se fixer sur la pièce maîtresse : Mordred Harcourt. Élégante dans l’un des canapés en velours, elle le salue avec nonchalance, presque, et il soutient son regard de son seul œil valide. Il porte son habituel œil en verre blanc.
«
Votre Altesse. » C’est bien ainsi que l’on dit, non ? Il avait eu une hésitation, lorsqu’il avait répondu au massage sur son Freeden, avant de se rappeler des cours d’étiquette que son père lui avait imposé. Ce n’est pas « son » Altesse, mais c’en est une, alors… autant s’y plier. Il n’a pas l’intention de créer un incident diplomatique, ce serait fâcheux.
Il hoche la tête et va tranquillement s’asseoir en face d’elle, en sachant que son homme de main est derrière la porte, prêt à agir s’il entend le moindre bruit suspect. «
Oui, merci. À peu de choses près, j’imagine que mon trajet n’a pas été bien plus long que le vôtre. » S’ils sont chacun partis de leur capitale, ce qui est son cas tout du moins.
Il lui rend un fin sourire poli et elle reprend la parole. Ainsi, elle est du genre à aller droit au but. Tant mieux. Sans trop de surprise, les décisions des Chuchoteurs à l’encontre du commerce illégal des ducs à Arkmere on porté leurs fruits, et l’information a vite circulé, visiblement. Il acquiesce donc, à nouveau et va pour répondre quand elle lui propose un verre. «
Je veux bien, merci. » Il n’a rien loupé de la gorgée qu’elle a bu elle-même, et cela le conforte dans l’idée qu’il pourra y goûter sans risque à son tour.
Il récupère le verre finalement tendu et lui répond finalement : «
Je pourrais m’attribuer tous les mérites, cependant je préfère être honnête avec vous, Majesté : j’ai simplement mis à disposition de ma nation les moyens d’aider à y arrêter définitivement le commerce des ducs. Une révérence serait donc hors de propos. » Jouer la carte de la modestie, bien évidemment. «
Sans être l'instigateur d'un tel projet, je suis bien ravi du résultat. Tout comme vous, j’imagine, un état préfère être souverain et avoir plein regards sur ce qui transite dans ses frontières. »
Elios porte finalement le vin à ses lèvres. C’est une bonne bouteille, clairement. «
Je suis honoré en tout cas que vous souhaitiez me rencontrer. Est-ce donc de politique commerciale que vous voulez discuter ? » Autant demander directement. Sans être expert, il trouvera toujours à dire, si tel est le cas.