Et voilà. Enfin, ses plus grands rêves s'étaient réalisés.
Enfin, cette cité qu'elle avait tant haït et qui l'avait haït tout autant, était tombée.
Elle est arrivée dans un monde où elle n'est plus une minorité crasseuse, mais une majorité écrasante.
Un monde où son pouvoir de lumière lui a valu l'invitation de la plus prestigieuse des nations.
Plus besoin d'avoir peur, plus besoin de se cacher, plus besoin de se battre.
Alors, qu'est-ce que ce sentiment qui lui tord les tripes ?

Tout ce temps, ses chaînes ont été brisés par d'autres.
Elle a enfin le pouvoir, l'argent, la liberté.
Mais le cœur est lourd et les mains, vides.
Orion et Alma ont tellement grandis en quelques mois…
Elle n'est toujours rien.

Profitant simplement de la vie de luxe apporté par son frère, sa seule famille.
Combien de temps cela pourra-t-il durer ?
Combien de temps avant qu'Elijah ne vole Orion pour de bon et tente de se débarrasser d'elle ?
Combien de temps avant que les Forbes l'entraînent dans une de leurs grandes aventures pour la laisser seule ?
Combien de temps avant qu'Orion ne la voit plus que comme un poids mort d'une époque révolue ?

Tous les jours sont vides de sens, tous les jours se ressemblent.
Elle met encore une heure à se faire belle le matin, pour aller nulle part.
Arkmere… Tempelhelm, peu importe ce qu'elle en dit, Omni est toujours là où elle est.
Comme pour la narguer. Pourtant aucun des Dieux ne se préoccupe de sa misérable existence.
Elle est seule dans sa haine sans fin, sans même savoir où la diriger.
Et maintenant sa haine la dévore silencieusement.

La voix de son frère la salue avec une douceur familière.
Ces matins prospères lui font presque oublier qu'elle a failli le perdre.
Mais la lueur dans les yeux d'Orion a changé.
Il n'est plus le garçon perdu qui l'avait suivi par loyauté au sein des Nemesis.
Orion Armstrong n'était plus.
C'est bête, Genevieve ne se serait pas privé de prendre son nom de famille. Mais maintenant…

Mais c'est d'un air visiblement joyeux qu'elle salue son frère, comme si de rien était.

Coucou toi ! J'espère que vous avez quand même pas fini tout le pain sans moi ?

Prenant place à ses côtés, baignant dans la familiarité de ses doigts dans sa chevelure sombre,
Un bout de pain immédiatement dans la bouche et le regard dans le vide, aveugle à l'expression compliquée qu'arbore Orion.
Elle pose sa tête sur son épaule, sans rien ajouter. Continuant à grignoter.

La mention d'Ishtar fait crisper sa posture.
Ah, une de plus qui lui prend son frère.
La main d'Orion sur son épaule ne la réconforte en rien.
Plutôt, elle la prépare au pire.

Ah, j'étais pas au courant… Cool pour elle.

Et le pire arrive.
Un long silence s'installe. Silence assourdissant.
Ah, ça lui a coupé l'appétit.
Elle repose sa tartine entamée et un soupir s'échappe de ses lèvres.

…Et ça veut dire quoi, "la rejoindre" ?

Est-ce que tu pars, Orion ?
Est-ce que tu vas me laisser toute seule ?
Est-ce qu'ils sont plus importants que moi ?
Est-ce que je suis devenue un fardeau à tes yeux ?
Elle le pense si fort, mais n'ose prononcer ces mots.
Effrayée à l'idée qu'ils deviennent réalité.

Combien de temps avant que les Forbes l'entraînent dans une de leurs grandes aventures pour me laisser seule ?
Combien de temps avant qu'Orion ne me voit plus que comme un poids mort d'une époque révolue ?
Voici venu le temps des réponses.