Il ne devrait pas être là. Comme à chaque fois qu’il pousse les portes de ce bar huppé d’Anathae, il se dit qu’il ne devrait pas être là. Ce n’est pas prudent. Ce n’est pas raisonnable. C’est une prise de risque. Enfin… ce ne sera ni la première ni la dernière, et depuis qu’Alessia n’est plus là, il a parfois du mal à passer de longues soirées seul, chez eux. Chez ce qui a été leur « chez eux », dirons-nous. Souvent, il retourne au siège de l’Agency, inspecte les travailleurs nocturnes et va s’enfermer dans son bureau, faisant défiler sur son écran les vues des nombreuses caméras de la ville.

Jusqu’à s’endormir, parfois. À sa grande honte. Il ne supporte pas que l’on jase de lui. Il fait toujours en sorte de sortir de son bureau l'air irréprochable, à son réveil, espérant ne pas croiser les employés des shifts matinaux.

Et quand il ne va pas à l’Agency, il sort. Ce bar il le connaît bien, éloigné d’Ashever, au milieu de la cité des arts, et suffisamment chic pour ne pas accueillir « n’importe quelle clientèle ». Cela lui va très bien. Dans son costume impeccable, assis sur un siège haut donnant sur le comptoir laqué de noir, derrière lequel s’agite deux barmans tout aussi impeccables, il attend d’être servi, ses doigts gantés tapotant à intervalle régulier sur le bois brillant. Il n’a pas de patience, ce soir.

Il fait un signe de main agacé à l’homme qui se tourne face à lui. Il ne parle pas et le barman saisit très bien ce qu’il en est. Alors il s’active à servir un dernier client avant de se tourner vers lui.

« Oui ?
- Martini. Sec. »

L’homme a un mouvement de tête et comprend bien qu’il n’aura rien de plus. Il s’exécute et les doigts gantés tapotent à nouveau, tout en fixant d’un œil perçant le verre, les bouteilles débouchées, la quantité versée et le zeste de citron posé en touche finale. Elios a ce côté observateur qui refuse qu’on laisse quoi que ce soit au hasard, en le servant.

« Tenez. »

D’un geste de poignet Elios tend son Olid pour finaliser la transaction et récupère son verre, avant de se reculer, à la recherche d’une table à l’écart où s’installer. Avec un peu de chance, il trouvera une âme égarée à son goût avec qui finir la soirée...

La voix qui l’interpelle est à son goût, mais n’est certainement pas égarée. Quant à avoir une âme.. cela nécessite qu’on s’y attarde. Ce qui est certain, c’est qu’Elios la reconnaît facilement, sans être particulièrement ravi de cette rencontre fortuite. Doit-il être si étonné que cela ? Experte des intrigues, femme envoûtante… elle hante les nuits avec application (sauf celles de son mari).

« Meritxell. » Meritxell Favoro, épouse Favoro. « Bonsoir. » Il ne relève pas de suite ses remarques, prenant simplement le temps de la regarder, en un examen silencieux. Sa chevelure brune, ses yeux curieusement roses et brillants, et ce corps qui n’est plus un secret pour lui. Petite et menue, elle a pourtant ce quelque chose qui n’est pas simplement un archétype de beauté. Mêlé à cet esprit bien trop vif, elle a su attirer son attention, par le passé. Elle parvient à l’attirer encore, peut-être pas tout à fait pour les mêmes raisons. « Et je vois que de ton côté, ta langue est toujours aussi bien pendue. »

Déjà, un bras se glisse autour du sien. S’il a un léger frisson suite à ce contact qu’il n’a pas initié, il se rassure par le fait cette peau dénudée touche simplement le tissu de sa manche de costume. « Me tenter ? Quelle audace. » Il lève son sourcil mais la laisse faire. Il ne s’oppose pas à l’idée de la suivre (à quoi bon ?), et tous deux se faufilent ainsi jusqu’à une table tranquille. Par une étiquette chevillée au corps, il lui tire une chaise afin qu’elle s’y assoit la première, et s’installe à son tour, tout en s’assurant de ne pas créer un pli disgracieux sur sa veste.

Puis il relève la tête, l’une de ses mains gantées serrant le pied de son verre et prend le temps de l’observer. « Je ne suis même pas surpris de te voir ici... »

Comme une araignée tapie dans l’ombre, qu’Omni s’amuse à mettre sur sa route. Meritxell est de ces femmes intelligentes qui savent briller dans les intrigues, dans les mots chuchotés dans l’obscurité, dans le jeu des corps qui se rencontrent. Elios ne le sait que trop bien. Tout comme il sait quelque chose qu’elle ne sait pas : sa qualité de chuchoteuse. C’est bien un élément qu’il conserve pour lui. A voir s’il lui sera utile, un jour.

En attendant, il prend une gorgée de Martini et se mord rapidement la lèvre, contenant le « Comment va ton mari ? », piquant, qui menace de glisser de sa bouche. En un autre temps, il l’aurait prononcé sans problème. Aujourd’hui, il s’abstient car ne sait que trop bien quelle en serait la suite. S’il a un avantage sur elle, elle en a un autre, bien trop concret, de son côté. Car Meritxell n’est pas bête, loin de là. C’est en ça qu’elle est un danger.

Elle sait, et elle n’a pas eu besoin de se cacher derrière son masque d’or, pour cela.

Meritxell a toujours cette attitude de jeune première un peu idiote, qui doit en tromper plus d’un. Heureusement, Elios n’est pas de cela, et sait que ce n’est là qu’un énième rôle qu’elle se donne, un masque de plus derrière lequel se cacher et atteindre ses proies. Parce qu’elle fait ça très bien, en vérité, et avec sa petite taille, il serait facile de la prendre pour une jeune femme perdue au milieu de mots ou d’enjeux qui la dépassent. Meritxell n’est rien de cela, cependant, et elle sait qu’Elios a vu très tôt clair dans son jeu.

La bêtise n’attire par le Meltzer, de toute façon. Lui, il se délecte des mots soigneusement choisies, des intentions dissimulés, des éclairs de génie ou des esprits créatifs. Il faut faire partie de ceux qui voient loin ou de ceux qui voient « colorés » ou « différents », à travers l’art et toute forme de créations diverses, pour retenir son attention. L’ignorance ou la docilité vides de tout sursaut… il méprise.

Meritxell Favoro, il ne la méprise pas. Il ne la craint pas non plus. Disons qu’il l’analyse, il l’observe et… il veut bien jouer avec, dans un jeu de ce qui se dit, ce qui se sous-entend, et ce qui se dissimule. Car il sait qu’elle ne demande que ça, d’une façon ou d’une autre. Ils sont tous les deux assis, désormais, et l’œil d’Elios ne quitte pas ce doigt qui glisse en un mouvement circulaire autour de la base de son verre à cocktail.

Quand elle brise le silence qui s’est installé de lui-même, elle a ce petit ton si caractéristique, celui qui vient rappeler qu’elle a un petit temps d’avance. « De vrais aimants, oui. » Jusqu’à changer de polarité. Ça glisse presque inconsciemment et il ponctue par un léger hochement de tête. « Le destin est toujours très ironique, c’est certain. » Elle ne croit pas si bien dire, puisqu'elle l'a suivi, d'une certaine façon, jusqu'à l'Assemblée des chuchoteurs.

Elle boit.
Il en fait de même.
Le ravitaillement avant le combat ?

« C’est bien aimable à toi de te soucier de moi, Meritxell. Mon entreprise et moi-même nous portons parfaitement, en effet. » En cela, la santé de la Meltz Agency peut parfois faire office de baromètre de l’état de celui qui la gère, c’est vrai. « Il faut dire qu’Arkmere a toujours besoin de voir et d’entendre ce qui se dit en son sein. » C’est grâce à ça que la nation peut être pacifiée, après tout. Elios a un petit éclair dans le regard, quand elle dit être impressionnée. Il n’est pas hermétique aux compliments. Il ne l’a jamais été.

« Et toi ? Tout va bien à l’hôpital ? Tes recherches en neurolalgologie ? » Il articule ce mot avec application. Ce n’est pas une science forcément bien connue, mais il prouve en cela qu’il a retenu avec précision son champ d’expertise, et qu’il n’a rien oublié de ce qu’elle a pu souffler sur l’oreiller, alors, face à un homme éloigné de la médecine, qui s’appliquait toutefois à entendre et comprendre ce qu’elle lui disait. En ça, elle est impressionnante. Mais il ne le dira pas en retour.

Leurs si grandes différences ? Vraiment ? Il serait aisé de le croire et il joue de son sous-entendu. Il est homme, elle est femme, il la surpasse en taille et en force, elle le bat sans mal sur le plan de la séduction et sur son expertise dans bien des domaines. Elle est chercheuse, il est observateur, chacun à leur façon ils excellent quand il s’agit d’épier, de regarder, de gratter sous la surface pour trouver ce que d’autres cachent, ce que l’on tait ou qu’on essaie de nier. Et sur le plan des mystères, bien qu’elle ne le sait pas, ils ne sont pas chuchoteurs pour rien. Ils savent jouer avec les masques, dire sans dire, faire avouer des choses que les gens n’osent pas formuler. Ils savent jouer dans l’ombre et par bien des aspects, sans doute qu’elle le devance, même. Elle est plus agile, plus lascive que lui, ce n’est pas vraiment un secret. Et elle a su en faire une arme redoutable, d’ailleurs.

« Nous nous ressemblons sans doute plus que nous voudrons l’admettre. » Il dit cela sans vraiment s’expliquer et goûte à son verre, en l’écoutant. Leurs mariages leur servent (servaient ?) d’apparat et ils ont osé se perdre dans des plaisirs de la chair, sous l’excitation de l’infidélité et des désirs cachés.

Il voit qu’elle rit de ses succès et ne s’en offusque même pas. Elle est ainsi, et s’il a accepté de venir à sa table, il sait qu’il devra (en partie tout du moins) jouer selon ses règles, sa spontanéité, ses bons mots et son ironie qui perce parfois. Il est fier de sa réussite et ne s’en cache pas, alors il incline doucement la tête. « Merci, Meritxell. Mais je te rassure, je ne t’oublie pas non plus. » Comment le pourrais-je ? Je te vois et t’entends dès que l’assemblée est convoquée… Et au-delà de ça, dès qu’on le questionne sur l’absence de sa femme, dès qu’on lui demande comment se porte Alessia, il la voit encore, Meritxell. Son air entendu quand elle a fait son premier diagnostic sur sa femme. Ce regard qui savait, déjà, quand lui-même refusait de la croire.

« Je ne suis pas omniscient, et certainement pas saint, tu le sais tout comme moi. Mais je pense que tu confonds les professions, ma chère. Je ne suis pas non plus détective, je ne me contente pas de fouiller les basses trahisons et percer les petits secrets de famille. » Bon, cela lui arrive, mais ce n’est pas vraiment le sujet, ni ce qui fait son orgueil quand il évoque l’Agence. Il n’est pas un petit fouineur de pacotille. « La Meltz Agency est entièrement dédiée à la sécurité du pays. Depuis l’époque de mon père, nous n’avons plus vraiment de concurrence en la matière... » L’entreprise pourrait presque se vanter d’être nationale, car elle a obtenu des accords de longue date pour que seules ses caméras puissent avoir une captation quasi intégrale des rues et autres lieux publics d’Arkmere, de ses institutions et lieux de pouvoir. Il aimerait avoir des yeux réellement partout, voire dans l’espace privé, mais a dû se limiter aux accords précédemment signés par son père, et aux règles qu’il a contracté auprès de l’assemblée en devenant chuchoteur. Car ces derniers aiment tirer profit de ses informations, mais ne veulent pas en être la cible (tiens donc).

« Je ne pensais pas que tu pourrais m’envier, cela dit. N’est-ce pas déjà suffisamment amusant d’être toi, Meritxell ? » Toi qui as ce je-ne-sais-quoi de toujours aussi perçant dans le regard, aussi électrisant dans l’attitude ? Il fixe de son œil la mèche qui vient se dissimuler à son regard et l’écoute évoquer l’hôpital et son service.

« Félicitations. » Il ne doute en aucun cas de ses compétences en la matière, et du bien fondé de ses recherches, qui font leurs preuves, d’ailleurs. La suite, cependant, ne peut que retenir sa curiosité. Il pourrait croire qu’elle le fait exprès. Il est quasi certain qu’elle le fait exprès, et pourtant…

« Je n’ai décidément pas à faire grand-chose pour te faire parler. Tu ajoutes donc du mystère au mystère que tu incarnes déjà tout entier ? Tu en as dit trop ou pas assez. » Ce sera à lui d’en juger, ensuite. Il prend son verre pour le faire tinter contre celui de sa compagne de table, et ajoute d’une voix velours : « Parle, et on verra bien qui est l’idiot de l’autre. »

Savoureuse, méprisable, intrigante, méprisante, dangereuse… En un claquement de doigt, Meritxell pouvait être l’une et l’autre sans la moindre difficulté. En face d’elle, Elios le sait. Elios le voit, même, sans vraiment parvenir à s’en défaire. Parce qu’il n’a pas dit non quand elle l’a amené à cette table, pas plus qu’il ne s’éloigne, désormais. Il aime ce jeu presque malsain, celui du chat, de la souris, du chat chassé et de la souris empoisonneuse. Je sais tant de toi après tout. C’est vrai, mais elle ne sait pas tout. C’est vrai et il en sait aussi, des choses, sur elle. Il y a ce qu’elle lui a dit, ce qu’il est parvenu à deviner et... ce qu’il a recherché, un peu, aussi. C’est qu’il ne partage pas le lit de n’importe qui, il y a trop en jeu, trop à perdre.

Tout comme elle, il se concentre sur son verre, prenant une longue gorgée et se contentant d’un hochement de tête quand elle le félicite sur son monopole. Difficile de savoir si elle est sincère. A quand commence le vrai, à quand s’arrête le masque ? Il sait qu’il doit être vigilant, qu’il ne doit pas plonger dans ses non-dits, dans les mots qu’elle articule en un murmure, avant de se rétracter, de changer d’idées.

Une fois de plus, il entend un sous-entendu sans savoir s’il a réellement été prononcé en sa direction. Voyons… rien n’est dit au hasard chez la Favoro. « Et j’imagine sans mal que tu excelles quand il s’agit d’écouter les malheurs de tes patients. » Ce n’est presque pas ironique. Quand elle enfile sa blouse, la curiosité de Meritxell prend une teinte différente, professionnelle, plus sérieuse. Il l’a vue auprès d’Alessia. Il aurait aimé que ce ne soit pas le cas mais oui, il l’a vue.

Quand il est question du Séraphin, Elios tend le cou, presque malgré lui. Karl Laois. Gros bras grande gueule, un garçon modelé pour faire la guerre et qui est devenu chef des armées, désormais. Elios n’a qu’un avis réservé sur l’homme, mais il se demande bien ce qu’il vient faire dans les tribulations de sa sœur. Sont-ils proches ? Ça il ne le sait pas vraiment. S’il pouvait glisser un « œil » dans le bureau du Séraphin, il ne dirait pas non, cela dit… la guerre que l’homme évoque dans chacune de ses apparitions publiques, Elios y croit. Il a conscience que leur nation ne peut pas se complaire dans l’immobilisme. Chacune à leur manière, Dawndale et surtout Greygarde s’agitent. Arkmere ne peut pas rester cachée dans sa tour d’ivoire et faire comme si elle ne voyait rien.

C’est comme s’il était devant une grande étendue d’eau, les méandres de Meritxell, ce qu’elle dit, ce qu’elle ne dit pas, elle qui souffle le chaud et le froid et il est comme un gosse qui trempe les pieds en sachant pertinemment qu’il est risqué de pleinement se mouiller. Il peut y avoir un trou béant au milieu de ce qui semble être une petite mare, dans laquelle il serait si facile de disparaître, comme elle le dit. Il ne se laissera pas avaler tout entier.

« Es-tu taillée dans le même bois que ton frère, Meritxell ? Es-tu de ceux qui envisagent la guerre ? » Puisqu’elle attend qu’il se confie, dit-elle, il continue : « Moi, je pense qu’elle arrivera tôt ou tard, et qu’il serait donc de bon ton de l’anticiper. » Parler de la guerre est presque tabou, parce que tous savent que si elle a véritablement lieu, elle ne se fera pas sans perte. Une guerre n’est pas une guerre si elle ne compte pas son lot de victimes.

Éternel jeu d’équilibriste. Elios sait manier la parole, il sait généralement quand s’arrêter, quand respirer pour mieux entendre, quand laisser courir une intention sans la montrer tout à fait… quand défendre, quand attaquer. Cette danse des mots est toutefois plus complexe lorsque la personne en face sait en faire tout autant. Dans ce tango assis, verre à la main, il y a quelque chose qui s’éveille en lui. Il apprécie. Il est à deux doigts de tomber dans le venin, de se laisser souffler par un baiser mortel, d’être pris dans le piège d’une femme qu’il n’aime pas mais dont il reconnaît la vivacité d’esprit et l’aura dangereuse qu’elle incarne. Être sur la brèche et se retenir de tomber, esquiver les sifflements de serpent et tenter de reprendre le dessus. C’est ce qu’il aime.

Mais c’est elle qui a l’avantage, en cet instant. Elle le sait parfaitement et il a un simple hochement de tête quand elle conforte ce lien si spécial qu’elle entretient avec ses patients. Tous ses patients. La peur de mourir… Elle choisit ses mots à la perfection. Une fois de plus, ils savent tous les deux ce qu’ils ne disent pas, pourtant. Meritxell ne lui fait pas l’affront de prononcer le prénom d’Alessia, sa femme. Et pourtant, c’est comme si elle l’avait avec lenteur, articulant chaque syllabes.

Alessia a eu peur, probablement. Il ne l’a pas écouté. Quand il aurait pu le faire, au fond de lui, il savait que c’était trop tard. C’est Meritxell, probablement, qui a écouté la femme aux longs cheveux blonds, déjà amaigrie et aux tempéraments plus renfermé qu’à l’accoutumé. Elios, il ne savait pas quoi faire, alors. Il se voilait la face, il ne voulait pas savoir, pas entendre la réalité. C’est la Favoro, celle assise devant lui, qui le lui à annoncer, et pourtant là encore il n’a pas voulu entendre.

Pas plus qu’il ne veut entendre son sous-entendu. Bien sûr qu’Alessia était changée, alors. Certainement qu’elle l’est bien plus encore, aujourd’hui. Parce qu’elle vit encore, il en est persuadé. Elle vit et il reste quelque chose d’elle, sous la créature d’agressivité qu’elle est devenue. Omni doit s’en assurer, il veut le croire. Meritxell doit bien voir, sous l’effet de ses mots, la main du Meltzer qui se crispe sur son verre, son visage qui se ferme. Son venin fait mouche.

Elle commande un autre verre et il préfère attendre, de son côté. Il en profite pour reprendre contenance, silencieux. Parler de la guerre est chose aisée, en comparaison. Ce n’est que parler d’une réalité évidente. Quelque chose qui va se produire, on le sait. Reste à savoir quand. Si Arkmere veut retrouver sa gloire d’antan, elle ne pourra qu’en passer par là. « Et le meilleur ne se produira pas sans conflit. » Le rire de la brune s’accorde en cela.

Cet avis qu’il exprime sur cette guerre à venir semble ravir son interlocutrice. « Oui. » La voir en parler aussi sérieusement l’étonne et renforce ce fascinant charisme qu’elle dégage. Dangereuse et lucide. Comme toujours. « C’est vrai. Arkmere n’a que trop souffert des attaques de Greygarde. Il faut laver cet affront. Omni nous soutiendra dans ce combat contre les hérétiques. » Sa voix trahit son enthousiasme. À la question qui résonne ensuite, il a un temp d’arrêt et fixe la concernée. « Mes yeux voient. Cela ne veut pas dire que je sais tout. » Cela fait un moment qu’il sait qu’il aura un rôle à jouer lorsque la guerre se mettra en place. Pour lui, ce n’est pas une histoire de « si » mais de « quand ». Seulement, le chuchoteur en lui a conscience qu’il ne sera qu’un maillon d’une longue chaîne, lorsque cela se produira.

« Les frontières n’ont pas de secret pour moi. » Il termine son verre d’une dernière gorgée et ajoute : « Il y a quelque chose que tu voudrais savoir, Meritxell ? » Comme toujours, elle en dit trop ou pas assez..