Artorias & Cronos
La Maison Harcourt avait toujours fait preuve de méfiance envers les Tempeleurs depuis leur arrivée sur le continent.
En premier lieu il s’agissait simplement d’une méfiance dirigée vers l’affiliation des habitants de la ville sainte : étaient-ils voués à rejoindre les rangs d’Arkmere pour apporter leur soutien à la ville de l’Ordre dans le conflit l’opposant à la nation de la Gargouille ?
En second lieu, la sensibilité des Épeires à l’énergie astrale faisait d’eux les armes parfaites pour se débarrasser de l’infection.
Par extension, et même s’ils l’étaient moins que les Épeires, les Chrysallis étaient eux aussi sensibles à l’influence qu'exerçaient les Tempeleurs sur l’énergie des astres.
Parmi les plus puissants manieurs de cette énergie figurait celui qui s’était présenté, fut un temps, comme le héraut de Omni : Graham Blomsberry.
Ce dernier avait effectivement rejoint les rangs de la cité au scarabée, de même pour plusieurs des inquisiteurs.
Par chance quelqu’un s’étant présenté pendant son existence à Tempelhelm comme le héraut d’Eclipse s’était chargé en amont de réinstaurer le culte du Dieu corrupteur.
Ce dernier avait d’ailleurs choisi des élus en la personne des Cavaliers de l’apocalypse : Famine répondait au nom de Juniper Grant, Mort était Nova Dwight, la Conquête s’était incarnée en Ishtar Forbes et Cronos Lynes avait hérité de la guerre.
Greygarde était parvenue, à l’aide d’un véritable tapis rouge, à placer sous son égide trois des Cavaliers.
Chacun occupait désormais une partie des terres de la nation à la Gargouille et répondait à la couronne en la qualité de Porteur.
Cela n’avait pas pour autant incité la Maison Harcourt à baisser sa garde face à eux.
En réalité, cette offre permettait plus de maintenir les Cavaliers sous contrôle dans une prison dorée qu’autre chose.
Il n’en était pas attendu plus d’eux qu’une parfaite immobilité.
Cronos Lynes était, parmi les servants d’Eclipse, l’un si ce n’est le plus dévoué de tous les dévots.
Jusqu’à marquer son front d’un œil représentant la présence du Dieu corrupteur, son fanatisme ne semblait connaître aucune limite.
Mais son excentricité avait rendu le personnage plutôt sympathique pour le souverain de l’Aube Rouge.
Une sorte de tradition s’était installée entre eux : tous les six mois Cronos Lynes demandaient audience et tous les six mois le Roi le plus accordé.
C’est pour cette raison que le Porteur était en droit de se déplacer ainsi dans l’enceinte du château Harcourt.
Artorias avait patienté dans la salle du trône, placé en hauteur sur son siège à l’allure sinistre.
L’escalier qui effectuait une montée en direction du trône était parsemé de différents ornements, allant d’épées fondues au crâne des opposants au régime de l’Aube Rouge.
Le souverain de Greygarde siégeait tout en haut de cette fresque, en un monarque impétueux et colérique.
Régnant parmi les monstres.
Le Cavalier de la Guerre était coutumier du caractère capricieux du Roi, raison pour laquelle il n’avait jusqu’alors jamais oublié de venir à sa rencontre accompagné d’un présent.
Lorsque la boîte d’un écrin bleu nuit s’ouvrit face à lui afin qu’il puisse contempler la valeur et la brillance des pierres serties en bijoux, les lèvres du Roi s’écartent dans un sourire satisfait, comme si la simple vue du travail d’orfèvre suffisait à apaiser ses ardeurs.
Le bras métallique du souverain s’avance pour s’en saisir mais, au dernier moment, s’abat sur l’écrin pour le refermer et le laisser entre les mains du domestique.
Là n’était pas l’heure de la contemplation.
Son regard se plante sur le cavalier, curieux à l’évocation de cette requête devenue suggestion.
Nous sommes à votre écoute, Cronos Lynes. Lève un sourcil, interpellé.
Qu’est-ce donc que votre “suggestion”, très cher Porteur ?