A toi les ombres dansantes sur ton corps de porcelaine, à toi les rayons d’un soleil étranger sur ta peau, à croire presque que le soleil avait un goût différent que celui de ta terre natale.

Naître était un acte bien laid, pensais-tu, tes mains étouffant l’inspiration de tes lèvres. Naître est glorifié alors qu’aucune conscience n’est nécessaire, un acte purement biologique rendu gloire et honneur par des coutumes défaites des hommes. La mort répondait à ses dictats et tu trouvais cela d’un ennui presque grossier, une vacuité toute particulière que les êtres aimaient consommer.

A dawndale, ton visage n’intéressait que le curieux et le flatteur. Tu n’étais guère aussi connue ici qu’à Arkmere, tes pas chuchotaient de la même façon que cette foule sans visage et oubliés des dieux.

Pour en savourer un nouveau, un plus sain, à la hauteur du vivant.
La Science, comme régnante et entité guidante d’un quotidien
i r r égulier.

Tu étais venue pour voir ton roi des ombres, ton maître des secrets, celui que tu pensais avoir domestiqué mais dont la vérité fluctuait selon vos humeurs et vos désirs. Tantôt tu le laissais te rappeler les termes de votre accord, ces choses qu’on ne dit que lorsqu’on veut rappeler à l’autre que la victoire de l’un ne se fera qu’au dépend de la victoire de l’autre tu baissais le front et bandait ses plaies.

Parfois, tu t’érigeais dans les néons crude de sa pièce, laissant l’ombre de ton corps le dominer. Lui rappeler que tu faisais de lui son fournisseur et que par cet acte seul, il était ta chose et ta créature. Tout Duc qu’était Nimrod, toute créature de chair et de sang qu’ils furent toi et lui, vous répondiez à ces mêmes principes. Noués par la volonté du destin et les attentes longues dans les parties communes car désormais on n’avait guère besoin de te faire appeler.

Tu te faufilais dans ce lieu d’accueil où la figure grave de Nimrod paraissait dominer même les reliures des livres disposés comme une vulgaire parure. Tes lèvres se joignèrent en une moue dont la malice était voulue, l’air d’une jeunesse presque moqueuse car cela était ton jeu.

-Niimrod, il fait trop chaud à Dawndale.

De ta démarche fluide, tu viens t’asseoir sans manière contre ses côtes. Ta tête contre le creux de son épaule, tu prenais tes aises dans les drapés du tyran.

-Vraiment terrible, je vais mourir Niiimrod. Comment puisse-je être d’utilité si mon fond de teint fond ? Fait quelque chose, c’est affreux.

Tu faisais écho de ce dernier mot, roulant les syllabes avec soin, perle roulante le long de tes gencives de ces mensonges si bien enrobés.

Ta main se saisit de celle de Nimrod jouant avec ses phalanges, jouant de cette peau trop froide contre la tienne

brûlante
violente
colérique

-J’aurai pu oublier notre sac avec cette chaleur, tu aurai été si furieux contre moi hihi.

Et tu ris, comme le carillon secouée, ce son cristallin dans la quiétude d’une pièce vide. Il savait autant que toi que jamais tu n'oubliais ce que tu devais. Débitrice vigilante mais créditrice cruelle, ce que tu dois disparaît, ce qu'on doit sera maintenu par dessus les têtes jusqu'à que la lame s'abatte.

Un mensonge cru n’est rien de plus qu’une vérité en attente, un voeu sur le point de s’effondrer en lui même comme ces étoiles trop vieilles dans le ciel de la nuit d’hier. Combien de fois as tu contemplé le visage de Nimrod pour y déceler que cet air de contentement ? Trop de fois, et cela t’amusait follement.

Tes mains prisonnières de siennes, ta joue posé contre son épaule, l’amour absent ennuyait le désir de ses revendications. Alors tu ris avec lui, tu ris encore parce que bientôt il faudrait laisser glisser le masque d’incompétence. Tu singeais la douleur, frêle créature prisonnière et pourtant tes lèvres purpurines glissaient ces mots comme un murmure :

-Qui ne te dit pas que je ne désire pas ta chaleur ? Voyons Nimrod…

Peut-être que tu voulais? Peut-être que cela n’était qu’un jeu ? Tu t’en moquais bien, Meritxell. Du moment qu’il te suppliait pour tes faveurs, le reste n’avait guère d’importance.
La confiance entre eux se consumait sans jamais atteindre la lie de la chandelle, tantôt tu savais qu’il serait toujours là, tapi dans les ombres des feux artificiels de ton existence, tantôt ton souffle s’égarait à la haine viscérale que la dépendance t’offrait. Tu l’avais vu fragile, tendre oiseau blessé entre tes mains.

Tu aurai pu l’écraser, cet homme à la mine de supériorité tranquille.
Tu aurai pu le tuer, cet homme à la rousseur livide.
Tu aurai pu le tuer mais tu le laissais à tes côtés

car le perdre t’aurait trop coûté.

Mine élargie par un sourire trop profond, tu t’extasiais :

-Uuuuh, Nimrod, tu me gâtes, quel charmant homme tu fais. Je reviendrai pendant les plus hautes températures pour ce plaisir, sentir cette fraîcheur sur ma nuque, un délice…

Un soupir satisfait et tu penchais la tête, curieuse de ses propositions, l’esprit tout occupé par les ramifications de ses demandes. Tes jambes glissaient sur celle de l’homme, les rapprochant d’autant plus que leur chair et le tissus de sa robe leur permettait. L’espace vital se brouillait ainsi, ils devenaient le roi des rats.

Suprème créature, aux membres emmelés et aux têtes multiples.
Affamé, isolé, destructeur.

-Le temps est vraiment notre denrée la plus précieuse. Je t’écoute. Que veux tu me proposer ? Faire la guerre ? Faire la paix ? Plus de drogues ? Moins de drogues ? Hospitaliser les filles réticentes à leurs travaux ? Mais comment cela me profitera t’il cher, très cher ami ? Est ce une FAVEUR que tu me demandes ?

Ta tête levée vers lui, ses doigts caressant ta carotide, tu n’éprouvais aucune crainte.

-Donne moi à boire ce que tu désires, rends moi ivre ou du moins tente, Nimrod.

Leurs yeux luisaient de la même envie désormais.

N’avais tu pas assez donné au genre humain ? Ton génie offert à leurs douleurs, ton corps offert à leurs désirs, ton temps offert à leur besoin. Toute entière disloquée pour les envies de l’humanité, tu soupirais.

Ravie de sentir la vie en tes os, de sentir la dépendance des enfants du monde pour ta chair tiède. Alors c’était contentée que tu contemplais Nimrod se mouvoir, suivant sa silhouette en esquissant une moue d’un caprice presque puéril. Tu n’aimais guère être repoussée dans ce jeu où tu étais passée maîtresse et principale actrice mais soit, la superficialité de vos rapports rendait l’offense amusante et les manières distrayantes. Si Nimrod n’était pas tant comme toi, Si dans les iris fauves de Nimrod tu n’avais pas lu la sœur de ton âme, tu aurais voulu le posséder.


Le détruire sous la violence de tes passions.
Mais de ses envies de femmes, tu ne gardais que cette charmante complicité des deux reptiles trop peu nourris pour leurs tailles.

-Mh, quelle surprise qu’un homme d’affaires n’aime pas la gratuité, tu devrais me peindre de stupéfaction Nimrod.


Raillais-tu, tes doigts enroulées autour d’une de tes mèches noires. La force était respectable, et tu lui aurais cédé si il l’avait utilisé sur toi, car de ton esprit était né un corps bien peu fort, dont la seule vertue était sa résistance. Mais dans leur perception distordue des relations, ils savaient que la violence ne ferait que perdre l’or possible de leurs échanges.

Tu l’écoutais, attentive, pensive. Ces mouvements te sont inconnus car ton domaine n’a nul besoin de s’inquiéter de ces bêtises. Mais au lieu de le repousser de ton rire de niaise, tu l’entendais. Ses doutes, son besoin de contrôle résonnait en toi sans malfaçon alors tu haussais les épaules.

Pour acquiescer ce poids qu’il posait sans nul mensonge.


-My, crois-tu vraiment que j’ai autant de connaissance que ça pour me confier une si lourde tâche ? Je ne suis qu’une petite doctoresse de campagne, allons bon.

Tu riais, t’asseyais avec plus de grâce, mais ta mine devient sérieuse. Ta voix retrouvait le timbre de sa véritable nature. Grave mélopée que tu n’aimais guère chanter.

-Soit, je vais voir ce que je peux faire. Cela ne me surprend pas vraiment, la criminalité n’a jamais été très haute à Arkmere, mais j’ai remarqué que des nouveaux.. participants venaient à marcher dans les cliniques.

La bouteille luisait sous les néons comme l’auréole d’un ange dont le sang servait à nourrir leur soif. Elle ne souriait plus, concentrée sur les faits qu’elle laissait défiler sous ses yeux.


-Je connaîtrai quelqu’un pour toi. Es tu prêt à me demander de le quêter ?

Tu ricanais avant de laisser le masque remonter sur ton faciès.

-Cela fait bien longtemps en effet, cela m'aura presque manqué. J’adore t’être utile, très cher. Tu fais de moi vraiment ce que tu désires, tu aurais dû devenir un parrain de la pègre, tu es très convaincant. Mais Omni seul sait que ma mémoire ne me gâte guère car j’ai pas le souvenir de t’avoir vu me faire réciter l’anatomie.

Et tes doigts s’enroulaient autour du verre, secouant le liquide, méfiante du poison comme de la vérité reposant dans la lie de l’alcool. Qui savait combien de ta place était dû à ce genre d’instant noué et disposé dans leurs mémoires ? Tu ne t’y attardais pas, trop amusée.

-A la nôtre. À notre gloire.


Car cela était la seule qui ait réellement de valeur. Leurs gloires.

L’influence avait été gagnée, méritée comme tu portais ton nom, Merit le mérite. Loin de toi les heures à trimer et à craindre le poing de l'aîné et le mépris de tes géniteurs. Tu le ressentais enfin, satisfaite de l’envie que tu inspirais dans les pupilles du Duc.
Nimrod t’amusait bien, te plaisait sans réellement te plaire mais son statut renforçait toute légitimité dont tu t’étais aviliée à posséder.
Dans cette pièce aux portes closes, tu parlais peut être trop, confiante quant aux faits que les tapis de velours épais absorberaient tes péchés et tes confidences.

Ici tout n’était que luxure, ordre et beauté,
Calme et Agonie.

Tu le regardais encore, il se mouvait dans l’air comme si aucun de ses mouvements n’était maintenu par la gravité. Roi de son domaine et toi, ambassadrice d’une puissance étrangère dont tu lui flattais les bienfaits sans jamais en dire le nom.


Il ne fallait pas qu’il devine que tu étais plus, il le savait déjà mais à quel point ?


-Ta confiance en moi m’honore.


Mots simples presque sirupeux sous tes lèvres rougies. Une femme flattée était une femme comblée, disait ton père sans aucune autre forme de regard pour l’autre moitié de sa race. Ta tête contre le rebord du canapé, tu fixais Nimrod sans détour, admirait sans plaisir la courbe de sa mâchoire et l’éclat d’avidité dans son regard.


Elios donc…
Cela sera une raison pour toi de renouer avec un amant d’autres nuits et d’autres secrets tapis dans leurs chairs mêlés.


-Fort bien très cher, je m’y appliquerai à le contacter, au nom de notre adorable amitié. Joli prétexte ne penses tu pas ? Mon contact est quelqu’un de très discret, vraiment, on t’entend jamais parler de lui, il sait tant de choses cependant.


Un mensonge, deux vérités.

“Sienne”, quelque chose en toi s’éveillait, un appétit injuste quand on te réclamait propriété même si les mots de Nimrod n’était que Jeu, il ne fallait pas l’attaquer sur sa chasse favorite.

-A mon avis…je pense qu’Arkmere est entrain de créer son propre duc, de s’accoupler en lui même pour faire un parasite et un maître des affaires illégales. Quel intêret peut il y avoir quand nous avons nos chers, très chers, petit monstre de voisin ? Mais bien sûr, Nimrod tu adores les mystères, intriguer pour le pouvoir est sincèrement ton plaisir indiscret. Je te connais tant et si peu, c’est peut être là le vrai mystère.

Il répliquait sur toi et tu l’écoutais, il buvait sans crainte et d’un geste presque délicat, tu bus aussi. Parce que c’était poli, parce que ça ne l’était pas, parce que c’était mieux ainsi, parce que ça scellait leur pacte sans nom.

Ta main libre s’appuyait sur son torse, appréciant la coupe sous ta digitalité sensible et tu le contemplais. Lèvres entrouvertes, une volonté d’être prise pour mieux le saisir.

-Relations à sens unique tu dis ? Et si je t’aimais et que c’était les raisons pour laquelle j’accepte tant au délà de ce que tu peux me fournir. Mes bras sont longs, Nimrod et tu y es perdu bien malgré toi. Mais j’attends ta pareille….


Finis ton verre d’une traite, le porte à son regard, sa main effleurant le coton injuste de la chemise.

-Avec avidité.


Car ceci était leur marché, leur pacte, leur alliance jusqu’à qu’ils se lassent.